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Fonds de pension en voie d’extinction

Par François Marginean

Le scénario était pourtant simple: le travail pendant une quarantaine d’années pour en arriver en fin de parcours à la retraite. Question d’assurer un certain revenu minimal durant ses vieux jours, la plupart des travailleurs ont dû cotiser pendant toute leur vie à un fonds de pension. Jusque-là, ça va. Le hic, cependant, c’est que les travailleurs qui arriveraient normalement à leur retraite risquent d’y parvenir les mains vides. Les fonds de pension disparaissent plus vite que neige au soleil alors des hordes de nouveaux retraités arrivent à la caisse pour réclamer leur dû. À partir du 1er janvier 2011,  plus de 10 000 Baby Boomers vont quotidiennement atteindre l’âge de la retraite de 65 ans. Cela continuera de se produire à chaque jour pour les 19 prochaines années.

Lorsque les nouveaux retraités réaliseront qu’ils ont travaillé toute leur vie pour constater qu’il ne reste plus d’argent dans leur fonds de pension, il y a lieu de se demander quelle sera leur réaction. Ici, au Québec, lorsque la Caisse de dépôts et de placements a perdu autour de $40 milliards du bas de laine des travailleurs québécois, ces derniers se sont insurgés, le gouvernement du Québec a dû démissionner, vu la taille du scandale et les têtes dirigeantes de la Caisse ont pris le chemin de la prison. Vrai? Faux! En fait, le gouvernement est resté au pouvoir sans être inquiété, les directeurs de la Caisse ont reçu des bonus et de beaux emplois bien rémunérés ailleurs dans le secteur privé et chez Power Corporation du clan Desmarais. Le peuple a continué son petit bonhomme de chemin sans trop broncher, amputé de 40 milliards de dollars dans son fonds de pension collectif. Fantastique. Il semble que les Islandais, les Grecques, les Français et les Tunisiens aient plus de colonnes vertébrales que nous. Mais la partie n’est pas terminée; elle ne fait que commencer.

Comment réagiront nos voisins du sud, eux qui seront selon toute apparence les plus touchés par la disparition des fonds de pension? Cela reste à voir. Une chose est certaine, cela sera un thème dominant en 2011.

Voici les dix majeures villes américaines qui manqueront d’argent pour verser leurs fonds de pension:

#1 Philadelphie- Passif non capitalisé de 9 milliards de dollars, soit l’équivalent de $16 696  par ménage, seulement 4 ans avant que les comptes de retraite soit vides

#2 Chicago- Passif non capitalisé de 44,8 milliards de dollars, $41 966 par ménage, il n’y aura plus d’argent dans 7 ans

#3 Boston- Passif non capitalisé de 7,5 milliards de dollars, $30 901 par ménage, il n’y aura plus d’argent dans 7 ans

#4 Cincinnati- Passif non capitalisé de 2 milliards de dollars, $ 15 681 par ménage, il n’y aura plus d’argent dans 8 ans

#5 St Paul- Passif non capitalisé de 1,4 milliard de dollars, $13 686 par ménage, il n’y aura plus d’argent dans 8 ans

#6 Jacksonville- Passif non capitalisé de 4 milliards de dollars, $12 944 par ménage, il n’y aura plus d’argent dans 8 ans

#7 New York City- Passif non capitalisé de 122 milliards de dollars, $38 866 par ménage, il n’y aura plus d’argent dans 9 ans

#8 Baltimore- Passif non capitalisé de 3,7 milliards de dollars, $15 420 par ménage, il n’y aura plus d’argent dans 10 ans

#9 Detroit- Passif non capitalisé de 6,4 milliards de dollars, $18 643 par ménage, il n’y aura plus d’argent dans 11 ans

#10 Fort Worth- Passif non capitalisé de 2 milliards de dollars, $7 212 par ménage, il n’y aura plus d’argent dans 11 ans

Une analyse indépendante effectuée par Standford de trois importants fonds pension en Californie a fait état de déficits cachés de l’ordre de 500 milliards de dollars, un total étant plusieurs fois les montants déclarés par ces fonds de pension.

New York doit 200 milliards de dollars en coûts de soins de santé des retraités, mais il n’y a pas d’argent. L’État de New York, avec ses villes et comtés, ont promis 200 milliards de dollars en prestations de soins de santé à leurs employés à la retraite, mais personne ne sait d’où cet argent viendra, d’après une étude réalisée par le Empire Center for New York State Policy.

Les fonds de pension publics des travailleurs du New Jersey se font voler pendant 15 ans par des gouverneurs. Le jeu a démarré en 1995 avec Christine Todd Whitman et la fraude des fonds de pension publics sévit toujours dans le New Jersey. Plus de 50 milliards en passif non capitalisé.

Bref, après une analyse des 25 principaux fonds de pension américains par Orin Kramer, une figure influente du Parti démocrate et toujours membre du conseil d’investissement qui supervise le fonds de pension du New Jersey, il se trouve qu’il manque 2500 milliards de dollars dans ces fonds. Un énorme déficit causé par des années de mauvaise gestion, incluant un sous-financement chronique des retraites promises. Cela aura pour effet de forcer les États et gouvernements locaux de vendre leurs avoirs, donc privatisation de l’État, et d’effectuer de profondes coupures dans leurs dépenses publiques. Par exemple, les écoles publiques de Detroit pourraient fermer la moitié de leurs écoles au cours des prochaines deux années et augmenter la taille des classes à 62 étudiants dans le but de réduire leur déficit.

Les États-Unis et le Canada ne sont pas les seuls à devoir faire face à une crise majeure du financement des fonds de retraite. En Europe, les fonds de pension commencent à se faire confisquer. Le Christian Science Monitor a publié ce rapport alarmant: « Les épargnes-retraites du peuple sont une source commode de revenus pour les gouvernements qui ne veulent pas de réduire les dépenses ou privatiser… ». L’article poursuit en nommant d’autres régimes de retraite qui sont saisis en Bulgarie, Pologne, France et en Irlande. De toute évidence, il s’agit d’une mise en garde pour l’Amérique:  l’austérité budgétaire sera aussi proposée comme solution-miracle par un autre gouvernement qui a pour habitude de ne prendre soin que de lui-même.

Pendant ce temps, les personnes âgées font face à un prospect de la retraite des plus sombres, alors que les couts de la vie ne cessent d’augmenter et que les fonds de pension diminuent ou disparaissent. Comme le faisait remarquer l’animatrice Contessa Brewer de MSNBC, les gens s’enlèvent la vie lorsque leur plans de pension viennent qu’à échouer. Elle a déclaré avoir entendu des histoires horribles de gens qui se suicident lorsque les plans qu’ils ont faits pour leurs années de retraite ne fonctionnent pas.

Ce sang souille les mains de tous les gens sur Wall Street et à Washington DC qui ont profité de la fraude des titres hypothécaires et de la tempête subséquente de confiscations de résidences dans le but de couvrir les frais de rachat forcé des banques.

Aux pertes d’emplois massives s’ajoutent donc les saisies de maisons et le vole des fonds de pension. Ce n’est donc pas vers une amélioration de l’économie que nous nous dirigeons, mais bien vers la continuation d’une dépression économique mondiale d’envergure, se détériorant de jour en jour…


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RÉER obligatoire : la mauvaise idée de Claude Castonguay

L’État a toujours le beau jeu puisque le peuple ne se rend pas compte qu’il en est lui-même le maître.

(Phrase de mon cru en guise d’introduction.)

La réaction viscérale de certains face à l’idée de rendre obligatoire l’épargne pour la retraite est très compréhensible. C’est que cette idée de l’ex-ministre Claude Castonguay semble être la preuve que le système ne fonctionne pas, ou plutôt, mal, voire très mal, désastreusement. Et cela donne des munitions à ceux qui voudraient qu’on se débrouille tous par nous-mêmes, sans avoir à se fier aux bons soins que nous sommes en droit d’attendre de nos gouvernements, tous paliers confondus, étant donné que nous avons en masse payés et payons encore.

Mais, c’est en donnant en pâture notre pouvoir que nous en sommes arrivés là, cela dit avec en tête l’Histoire. D’autres diront qu’on nous l’a pris ce pouvoir. Soit, la vérité doit bien se trouver quelque part entre les deux. Parce que rétroactivement, nous pouvons dire que la situation actuelle est le résultat d’une suite de mollesses citoyennes et, bien sûr, de mensonges ou de travestissement de la réalité par les décideurs.

Voilà plus de vingt ans, il était clair que la retraite n’était pas une affaire personnelle. Et cela c’est désagrégé jusqu’à ce que le sigle RÉER soit devenu à la mode, et l’inquiétude qui est venue avec. Parler pour parler, on en vient même à penser que cette inquiétude a été inoculée pour amoindrir les chances d’une longue retraite (comme on se doute, le stress n’est pas bien compatible avec les records Guiness de longévité). C’est bien clair que c’est du domaine des élucubrations, ce qui est parfois le seul luxe de certains citoyens sous pression.

Pour revenir à un propos plus terre-à-terre, Michel Arsenault, le président de la FTQ :

s’oppose à la solution proposée par le rapport qui souhaite obliger les travailleurs et les travailleuses à cotiser à un REER en créant une nouvelle structure financière. En 2008, on a déjà vu ce que nos banquiers et boursicoteurs ont fait avec nos économies en nous entraînant dans une crise financière sans précédent […]

Le gouvernement du Québec a déjà en main tous les outils nécessaires pour assurer une meilleure retraite aux travailleurs et aux travailleuses avec la Régie des rentes du Québec. Le monde en a assez de voir leurs maigres épargnes se balader en montagne russe. Si on veut vraiment que la situation financière des futurs retraités s’améliore, ça prend une rente garantie, ce que la RRQ fournit à ses cotisants […]

Ce qu’il faut, entre autres, c’est hausser sur une période de sept ans les cotisations au Régime de rentes pour ainsi en arriver à doubler le revenu des futurs retraités, tout en maintenant la participation des employeurs. […]

Les citoyens n’ont pas à faire les frais de la mauvaise gestion qui prévaut depuis trop longtemps. Une bonne partie de la classe moyenne est déjà prise à la gorge, et c’est une bonne bouffée d’air qu’il lui faut, pas une idée aussi asphyxiante.

Et à l’Assemblée nationale, il semble y avoir consensus autour du refus de cette idée. Espérons que le problème ne sera pas tout simplement balayé par-devant comme on le voit trop souvent depuis longtemps.

Parce que c’est la raison, le pourquoi nous en sommes à ce triste résultat.

(Photo : nickpoulson4)

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L’hypocrisie des syndicats des services publics

Par Philippe David

Si on doit en croire les représentants syndicaux des employés du secteur public, ces pauvres font face à une grande injustice vis-à-vis des travailleurs du secteur privé. Pour ajouter du poids à leurs paroles, ils pointent un étude de l’ISQ qui indique que les salaires des employés publics accusent un retard sur ceux du secteur privé. Voici ce qu’ils ne vous diront pas:

  1. L’étude en question ne compare le salaire des employés publics qu’avec ceux du secteur privé travaillant dans une entreprise de 200 employés et plus et qui sont syndiqués. Comparaison raisonnable? Pas si on considère que les salaires des employés du secteur public proviennent des taxes imposées au secteur privé. D’ailleurs, si vous ajoutez seulement les non-syndiqués des grandes entreprises, on se retrouve avec un avantage de 3,6% pour le secteur public. Je vous laisse imaginer comment l’écart peut se creuser si nous incluons la majorité des québécois qui travaillent pour une PME ou qui sont travailleurs autonomes. Ce sont eux qui paient la note sans avoir aucun avantage équivalent.
  2. Les employés du secteur public travaillent 147 heures de moins que ceux du privé. C’est l’équivalent de quatre semaines de congé de plus. C’est un avantage qui se paie.
  3. La légendaire sécurité d’emploi des employés publics fait que la plupart d’entre eux y passent leur carrière entière. Dans le privé, la plupart des travailleurs changent d’emploi plusieurs fois dans leur carrière avec des salaires et avantages très variables d’un employeur à l’autre.
  4. Les employés publics ont la Mercedes des plans de retraite à prestations déterminées qui leur garantit 70% de la moyenne de leur 5 meilleures années de salaire. Par comparaison, à peine 25% des employés du privé ont accès à un régime de retraite et la plupart sont à cotisations déterminés. Les régimes à prestations déterminées sont en voie de disparition au privé car ils sont de véritables gouffres financiers pour les employeurs et la plupart des régimes actuels sont sous-capitalisés. Selon ce récent document de l’IEDM, même si un travailleur du privé avait accès à un tel plan de retraite (ce qui est loin d’être le cas), grâce à leur sécurité d’emploi, les employés du public auraient 41% plus de capital accumulé dans leur plan de retraite. C’est donc un avantage considérable que les employés publics ont sur ceux du secteur privé. En particulier quand on considère que 75% d’entre eux n’ont aucun plan de retraite, mis à part ce qu’ils économisent dans leur REER. Pourtant, ce sont ces gens qui paient pour la retraite des employés du secteur public.


Mon point ici n’est pas de blâmer les employés de l’état pour la mauvaise gestion des finances publiques. Le blâme pour cette situation repose sur les épaules des politiciens et des syndicats, mais il n’empêche qu’ils en ont largement profité pendant bien des années et il faudra bien qu’un jour cette iniquité soit adressée. La seule façon de rétablir cet équilibre sera que les employés du public perdent de leurs acquis car aucune compagnie privée ne peut se comparer au gouvernement. On me dit que ce n’est pas aux employés publics de souffrir parce que l’état est mal géré (comme si certains d’entre eux ne prenaient pas justement part à cette gestion), mais est-ce aux contribuables de se serrer la ceinture à leur place?

À tout le moins, tous ces avantages doivent être pris en ligne de compte dans toute négociation avec les syndicats et si c’était le cas, je vois mal comment les augmentations de 11.25% sur trois ans ou même la contre-offre de 7% offerte par le gouvernement soient justifiées dans les circonstances. Les contribuables n’en ont pas les moyens. Le fait que le gouvernement ne rejette pas carrément les revendications du front commun n’est qu’une autre preuve du copinage entre le gouvernement et les syndicats.


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Touche pas à ma retraite!

Par lutopium – Il me semble que la très grande majorité des québécois espèrent prendre leur retraite vers l’âge de 65 ans afin de profiter de quelques années de repos et investir leur temps comme bon leur semble. Je n’ai jamais entendu quiconque proposer que ce concept soit aboli et qu’on soit forcé de travailler jusqu’à la fin de nos jours. Évidemment, les autonomistes et les libertariens nous diront que les gouvernements n’ont rien à voir avec un tel système, que les gens peuvent se débrouiller tout seuls et avoir une confiance inébranlable envers nos financiers modernes pour leur assurer un revenu « décent » à la retraite… mais on voit ce que ça donne lorsqu’un gouvernement libéral exige que l’instance qui est responsable de protéger les avoirs de sa population se tourne vers un modèle spéculatif où l’erreur est banalisée et les résultats à la merci des lois naturelles du marché.

Administré par la Régie des Rentes, le système québécois est ce qui se rapproche le plus d’un revenu de citoyenneté. Même s’il ne parvient pas à combler les besoins essentiels et enrayer la pauvreté, le régime québécois, par exemple, permet aux citoyens qui ont gagné un salaire moyen (environ $30,000 aujourd’hui) tout au long de leur vie active de toucher une rente annuelle d’environ $18,000. Ce montant inclut le programme canadien de la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti. Idéalement, la rente annuelle devrait être supérieure au seuil de la pauvreté mais le concept demeure une mesure essentielle.

Évidemment, les plus fortunés d’entre nous toucheront des revenus en provenance de placements privés et d’autres auront accès à un fonds de pension relié à leur emploi. Cependant, on le voit depuis quelques mois, la spéculation boursière, le manque de rigueur et la déresponsabilisation des entreprises face aux caisses de retraite n’est pas très rassurant pour les travailleurs qui aspirent à une vie « décente » lorsque le temps aura enfin sonné. Si on se fie au chroniqueur Claude Chiasson du Devoir, cette décence se chiffre à $60,000 par année et l’on doit avoir accumulé une fortune de plus de $300,000 pour y accéder.

Nos aristocrates québécois n’hésitent pas à se voter des fonds de retraite douillets afin d’assurer leur capacité à conserver leur mode de vie luxueux tout en protégeant leur héritage familial. Certains d’entre eux ont accumulé différentes sources de revenus en passant par la vie publique (hauts fonctionnaires, députés, ministres) et par l’entreprise privée. Il est fort probable que le nouveau président de la Caisse de dépôt du Québec ait droit à des chèques du Gouvernement du Canada, du Canadien National et de Bell Canada. Pas surprenant que M. Sabia se soit enduit de noblesse en refusant la pension annuelle de $235,000 de son nouvel employeur…

Le Gouvernement du Québec et la Caisse de dépôt ont la responsabilité de sécuriser la caisse de retraite des québécois et de permettre à tous les citoyens de recevoir une rente qui leur permettra de subvenir à leurs besoins essentiels. La nonchalance de certains pourraient forcer l’état à repousser l’âge de la retraite à 67 ans. Les québécois n’ont pas seulement perdu 40 milliards, ils ont perdu deux ans de repos. Pendant ce temps, nos aristocrates versent une petite larme et jouent au golf. Dans leur club privé

Illustration: Susan Rudat – Flickr

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