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Abstention, proportionnelle, coalition, etc.

Par Renart Léveillé

Cyberpresse publiait un texte d’opinion de François Geoffroy, professeur de littérature au collège Montmorency, ayant pour titre : « Pourquoi je n’irai pas voter ».

Il fait à sa façon la démonstration que chaque vote n’a pas le même poids :

Les dernières élections fédérales ont démontré par l’absurde les limites du système actuel. Le Bloc, avec 1 379 565 voix, y a remporté 49 sièges. Les Verts, avec 940 747 voix… aucun.

Bien que je sois très d’accord avec l’utilisation de l’adjectif « absurde », ce qu’il oublie dans son calcul, concernant le Bloc, c’est que ce parti n’a de candidats qu’au Québec, ce qui multiplie quand même sa représentativité. Avec un taux de participation de 59,1%, 1 379 565 voix au Québec, c’est autrement plus représentatif que les résultats des Verts au Canada. Comme on dit, ne comparons pas des pommes avec des oranges…

Sinon, il est bien vrai que notre système fait des laissés pour compte comme les électeurs du Parti Vert. Mais son texte, malgré son propos abstentionniste, me semble seulement un bon argumentaire pour un système proportionnel. Et, à la place de « rejoindre le rang des désabusés », il serait beaucoup plus constructif, par exemple, de se faire le chantre dudit changement de système et de quand même se déplacer pour « envoyer annuellement à peu près la valeur d’un timbre-poste en financement public au parti de [s]on choix ». En tout cas, ça serait clairement moins défaitiste. Ce défaitisme qui tient beaucoup trop lieu de conscience politique, par les temps qui courent.

Alors, qu’est-ce que ce serait si tous les citoyens (un peu d’utopisme ici) talonnaient tous les partis politiques quant à leur position sur un changement de votation pour un système de style proportionnel? (Un référendum sur la question? Oups! désolé, n’importe quoi sauf un référendum… Pourquoi? Parce que.) En plus, ça serait une bonne cause pour rejoindre les gens qui ne votent plus, par dégoût du système, comme ceux que je décris plus haut. Mais bon, quand le cynisme aigu a bien grugé un citoyen, il est bien difficile d’espérer une guérison… à moins que…

Et puis, question de continuer sur la lancée d’une évolution du système, juste l’idée d’accepter comme légitime (par tout le monde) la gouvernance par coalition serait déjà un bon début. Parce qu’il faut le rappeler, une coalition n’est pas une invention du diable… Personnellement, j’espère qu’un hypothétique gouvernement minoritaire conservateur se transformera assez rapidement en un gouvernement de coalition, et qu’il donnera de bons résultats (en tout cas, question représentativité, c’est déjà un pas en avant). Et surtout, qu’il durera.

À partir de là, tout est possible. Pourquoi pas une concertation des partis en coalition pour un système proportionnel? (Étant donné que personne n’est en situation majoritaire, ce qui on le sait, tend à refroidir les ardeurs pour le changement — s’il faut le rappeler, un gouvernement majoritaire a rarement la majorité des votes.) Et, bien sûr, un retour de François Geoffroy au bureau de scrutin aux prochaines élections!

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Le spectacle iranien tire à sa fin

De prime abord, il faut que je vous avoue que je n’ai pas du tout été happé par ce qui se passe en Iran et je n’arrive pas encore à m’expliquer pourquoi, exactement. Enfin, pas avant la fin de semaine dernière. C’est que j’ai parlé avec un ami qui m’a fait part de sa vision des choses, vision qui ne cadre pas du tout avec ce qu’on entend par les temps qui courent. Surtout pas en phase avec la pratique qui consiste à afficher sa photo en vert sur Twitter pour appuyer les partisans de Mir-Hossein Mousavi. Et la lecture d’un billet de mon confrère Pierre JC Allard, « Twitter et démocratie », a fini de me convaincre d’aller voir de ce côté.

Premièrement, la CIA. Ils ont fait le coup une fois en 1953 de fomenter un soulèvement populaire afin de renverser un gouvernement démocratiquement élu. C’est assez logique de se poser la question aujourd’hui si ce n’est pas seulement une répétition de l’histoire, avec les moyens technologiques actuels, mais ça ne viendra pas de nos médias « mainstream ». Alors, on va du côté alternatif, mais pointer ça c’est réellement suspect… Parce qu’on ne peut pas réellement rien faire d’autre que soulever la question, étant donné que les seuls échos proviennent de ce qu’on peut appeler le « journalisme citoyen », même si l’expression est galvaudée, via Twitter, YouTube, Facebook, etc.

Parlant Facebook, justement, saviez-vous que « la CIA est un des principaux investisseurs »? « En effet, la vénérable institution n’a pas hésité à y placer 40 millions $ à travers ses sociétés de capital de risque. » Qui me répondra sans rire que le but de ça est seulement pécuniaire? Parlant contrôle, concernant le web plus général, saviez-vous que l’« Iran possède un système à ce point sophistiqué de pistage des paquets Internets qui circulent sur son réseau, et non seulement l’état détient-il un monopole sur tout ce qui se nomme communication, mais il peut aussi prendre le contrôle de ce qu’il veut bien »? En sachant cela, il est tout à fait plausible de douter fortement de ce qui réussit à passer jusqu’à nous, d’un côté comme de l’autre. Entre un agent de la CIA et un simple citoyen iranien, qui a plus de chance de réussite?

Tout le monde sait que l’Iran est depuis longtemps une épine dans le pied des États-Unis. Et la seule manière d’arriver à mater Mahmoud Ahmadinejad, ça serait par la voie arrière, puisque par devant c’est bloqué diplomatiquement. Sommes-nous certain que ce spectacle de Twitter-réalité ne soit pas seulement un spectacle, du moins en partie, pour préparer une quelconque légitimité guerrière?

Je ne dis surtout pas que j’ai raison, mais ces questions se posent. Et là tout « semble revenir à la normale dans les rues de Téhéran, et aucune manifestation n’est prévue » après que le porte-parole du Conseil des gardiens de la Constitution ait annoncé sur une chaîne officielle : « Heureusement, lors de la récente élection présidentielle, nous n’avons constaté aucune fraude ni infraction majeure. Par conséquent, il n’y a pas de possibilité d’une annulation du scrutin. »

Quelqu’un est surpris?

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Nathalie Elgrably a raison

Profitez-en, car vous ne me verrez pas souvent donner raison à Nathalie Elgrably. Je dois avouer que sa chronique du 13 novembre dans le Journal de Québec (ou de Montréal si vous y habitez) tombait en plein dans le mille. Enfin presque.

Madame Elgrably reprend une à une des promesses faites par les chefs des trois partis politiques et trouve qu’elles insultent l’intelligence des électeurs. Je n’ai pas analysé ces promesses du point de vue de leur impact sur le budget et l’économie du Québec, j’en serais bien incapable. Je m’abstiendrai donc de réagir à son analyse. J’aimerais bien que des économistes ne partageant pas ses opinions économiques le fassent.

Vous avez bien lu : opinions économiques. Depuis le temps que l’on tente de me convaincre que les économistes possèdent la vérité innée, j’ai beau avoir été nul en économie dans mes études, je demeure profondément sceptique. Vous connaissez la blague : demandez à une salle remplie d’économistes de vous donner un avis, vous en aurez un de plus après que le dernier vous aura donné la sienne parce que le premier aura complètement changé d’idée.

Sur quoi donc madame Elgrably a-t-elle raison ? Sur son appréciation de ce que pensent de nous les politiciens. Ils nous prennent tellement pour des imbéciles qu’ils mériteraient qu’on les renvoie à la même situation politique qu’avant les élections.

Peut-être même est-ce ce qu’il va se produire d’ailleurs.

Car madame Elgrably n’a pas que raison. Elle a tort aussi. Au tout début de sa chronique, elle écrit «Les Québécois ont pardonné à Jean Charest d’avoir déclenché des élections par opportunisme politique ». La seconde partie de sa phrase est tout à fait correcte, c’est la première partie qui pose problème.

Les Québécois ont-ils vraiment pardonné à Jean Charest d’avoir déclenché des élections? Permettez-moi d’en douter. Tout ce que je lis et entends va exactement dans le sens contraire. Il n’y a pas eu pardon, et je doute fort qu’il y en ait.

Le sentiment qui anime les électeurs du Québec n’est certes pas de la colère, mais cela est pire : de l’irritation. Au moins, la colère les ferait sortir en masse le 8 décembre prochain pour la manifester dans les urnes.

L’irritation aura un effet malheureusement contraire : le taux de participation va passer à l’histoire comme le plus bas de mémoire de Québécois.

Comprenons-nous bien, il faut aller voter même si cela nous irrite profondément. Je ne raterais pour rien au monde ce geste citoyen qui est bafoué dans tant de pays ailleurs dans le monde. La mascarade à laquelle s’adonne en ce moment le parlement russe nous montre bien à quel point la démocratie est difficile à gagner et tellement facile à perdre si nous ne nous occupons pas de la défendre en refusant, justement, de donner raison à des politiciens aussi tordus que Jean Charest.

Prenez une grande respiration au moins une fois par jour d’ici-là, et allez voter le 8 décembre prochain.

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Classé dans Actualité, Michel Monette

Du Viagra pour notre démocratie?

Après la défaite à ces dernières élections de Michael Fortier, l’ancien ministre conservateur non élu représentant Montréal, je ne cesse de me dire que cela devrait servir de leçon aux politiciens qui tiennent le système parlementaire en otage. Oui, je sais que le terme « otage » grafigne peut-être un peu fort, mais comment décrire autrement ce statu quo qui fait en sorte de nous exposer à répétition à des gouvernements logiquement illégitimes?

Comme l’expose bien Josée Legault du Voir :

Le PC reste au pouvoir grâce à seulement 37 % des voix, alors que 63 % des Canadiens ont tourné le dos à la vision néo-conservatrice de Stephen Harper. […] Résultat, compte tenu du taux de participation, le soutien réel au PC n’est que de 21%, et ce, même si le PC a augmenté son nombre de députés. Constatation incontournable: la démocratie canadienne sort de cette élection avec un méchant œil au beurre noir.

Et d’un autre côté, on a entendu un peu partout que Michael Fortier a fait du bon travail pour Montréal. Ce qui cloche, c’est que les électeurs de Vaudreuil-Soulanges avaient à choisir aussi pour l’élection d’un parti et ils ont choisi de voter pour le Bloc, certain pour s’assurer de ne pas participer à l’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire. Et c’était bien là l’enjeu principal de cette élection.

Alors, il n’est pas absurde de penser que tout autre système de scrutin aurait moins nui à cet ancien sénateur que notre système de scrutin majoritaire uninominal. Ce système qui laisse de plus en plus en plan aux yeux des électeurs les compétences des individus sur le terrain, pour ne se concentrer que sur l’importance et la prestance du chef, médecine à laquelle Stéphane Dion a goûté bien amèrement.

Je souhaite donc qu’un des partis de l’opposition mette sur la table un projet de modification du système de scrutin et que les autres partis s’y joignent. Un peu de nouveauté ne ferait pas de tort à notre démocratie qui s’amollit…

(Photo : dragonsteelmods)

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