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Se prémunir de l’intimidation par l’école privée

Par Renart Léveillé

Patrick Lagacé a pondu quelques textes sur le sujet de l’intimidation à l’école, relatant l’histoire horrible d’un jeune laissé à lui-même dans une polyvalente de la couronne nord, celle que j’ai fréquentée la majorité de mon secondaire, en plus. Le jeune en question a été victime pendant quatre ans d’intimidation et de tout ce qui va avec dans le merveilleux monde des adolescents, qui n’est pas très loin de la cruauté de l’enfance, s’il faut le rappeler.

La morale de cette histoire, c’est que tout parent qui veut mettre le plus de chance de son côté pour que cela n’arrive pas à son enfant doit songer à débourser pour une place à l’école privée. Parce qu’il semble que les ressources publiques sont limitées, donc c’est le règne du laisser-faire… cela dit en minimisant le plus possible la généralisation induite dans ces propos.

Mais c’est ce que j’ai vraiment compris à la suite de quelques conversations à ce sujet. Et, tel que rapporté dans la chronique de Lagacé, pour régler le problème du jeune, encore, l’école privée. Je ne vois pas pourquoi je n’y croirais pas. Je me fais à l’idée, tranquillement. En espérant quand même que le système d’éducation ne sera plus le même lorsque sera le temps d’y confier ma progéniture. J’en doute.

Parce qu’au-delà du problème de l’intimidation, il y a celui de la compétition entre l’école publique et l’école privée, qui n’est pas tout à fait privée puisque la plupart des écoles privées reçoivent des subventions du Ministère de l’Éducation. Et ces subventions sont des ressources monétaires qui ne se retrouvent alors pas dans les écoles publiques, ça va de soi. Avons-nous ici une des sources du problème?

Pour ma part, je le crois. C’est bien connu que l’école privée est une addition de plus par rapport à l’école publique. Plus plus plus. Meilleur-ci, meilleur ça, bla bla bla. Alors que l’appellation même d’« école privée » est fausse la plupart du temps. Alors que notre société contribue à ce « plus plus plus » inégalitaire qui est un bâton dans les roues à notre système public.

Je sais bien que d’enlever les subventions aux écoles « privées » serait en soi une tragédie pour beaucoup de personnes. Mais de toute façon, quel parti, quel gouvernement aurait le courage de mener à bien ce genre de réforme, toutes tendances confondues. Nos dirigeants ne se soucient pas de ce genre de logique. Et, si ça se trouve, les subventions aux écoles privées ont été enfantées par de l’électoralisme, et toute décision future à ce propos est prise en otage par ce même électoralisme. Bon plan pour le statu quo.

Je me remémore l’époque où j’étais au secondaire et je n’ai pas l’impression que le problème de l’intimidation était aussi criant. Peut-être est-ce simplement parce qu’on en parle de plus en plus ouvertement, et qu’en cette ère de l’information omniprésente, ces petites histoires réussissent mieux à se recouper? Je ne saurais trop dire. Mais une chose est certaine, ce n’est pas pour freiner la « fréquentation record au privé » parce que, comme le croit le professeur Gérald Boutin de l’UQAM, « Qu’on le veuille au non, les écoles privées ont la cote auprès de certains parents qui se méfient de l’école publique, dit-il. Les parents ont de plus en plus cette idée que les élèves ont de meilleurs services dans le réseau privé. ».

Et si ces parents avaient raison? On ne peut pas les blâmer puisque c’est la direction qu’a pris le système québécois, contrairement par exemple au système ontarien où il n’y a pas de subventions aux écoles privées. Il y a de meilleures raisons pour être une société distincte…

(Photo : trixer)

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Quand la Boussole électorale ne va pas dans le même sens pour le Québec et le Canada…

Par Renart Léveillé

Lors de la dernière élection fédérale, la Boussole électorale ne semblait pas faire l’unanimité. Quoi qu’il en soit, les résultats sont maintenant en ligne, et « plus d’un million de Canadiens ont répondu » à ce sondage, ce qui semble un échantillonnage assez important. Il faut quand même regarder ces résultats avec prudence, mais il y a tout de même des tendances importantes qui en ressortent.

Ce qui ressort le plus, c’est que le Québec est sans conteste une société distincte. Chaque question est illustrée par une carte du Canada où les couleurs de chaque région démontrent dans quel sens vont les opinions. Et dans la majorité des cartes, on voit que les Québécois pensent différemment du ROC, cela dit en ne dissimulant pas la diversité d’opinion des Québécois eux-mêmes. Je le répète, il est bien sûr question de tendances.

Là où les Québécois sont vraiment différents de la majorité des Canadiens, il n’y a pas d’équivoque. Ils sont beaucoup plus contre la mission afghane, contre la présence militaire en Arctique, contre les dépenses militaires tout court. Aussi, ils sont pas mal les seuls à vouloir d’avantage de relations économiques avec les États-Unis et à vouloir se doter d’une taxe sur le carbone. Pour continuer dans les enjeux environnementaux, le Québec est vraiment plus du côté de croire que l’industrie des sables bitumineux d’Alberta cause des dommages, contrairement au ROC qui pense plus que c’est de l’exagération. Encore, le Québec partage avec une infime partie du Canada un désir plus grand de normes environnementales plus sévères, « même si elles entraînent une augmentation des prix pour les consommateurs ».

Pour ce qui est de la question de la place du secteur privé dans le système de santé, le Québec partage une préférence minoritaire pour davantage de place avec certaines autres régions. Pour ce qui est de l’immigration, le Québec est le plus favorable avec le fait d’exiger l’anglais ou le français comme condition d’admission pour les immigrants. Encore à ce sujet, et ce n’est pas très surprenant, ce sont les Québécois qui ont le plus, et de beaucoup, répondus « Préférence pour moins » à la question : « Combien d’efforts devrait-on faire pour accommoder les minorités religieuses au Canada? »

Encore, ils sont les plus modérés quant à juger comme des adultes les « jeunes délinquants qui commettent des crimes violents », les moins d’accord avec l’abolition du registre des armes à feu et plus en accord avec « le droit de mettre fin à leur vie avec l’aide d’un médecin » des « patients en phase terminale ». Du côté politique, ils sont le plus contre le Sénat, les moins d’accord avec des coupures au niveau du financement public des partis politiques et, la différence est extrême, pour que seules les personnes bilingues (anglais et français) puissent être nommées à la Cour suprême.

Pour ce qui est des questions constitutionnelles et du rapport entre le Québec et le Canada, à contrario du Québec, le ROC pense que « Le gouvernement fédéral devrait avoir son mot à dire dans les décisions concernant la culture au Québec », n’est franchement pas favorable à ce que « Le Québec [soit] formellement reconnu en tant que nation dans la Constitution » et, bien sûr, à ce que « Le Québec [devienne] un État indépendant ».

Et, pour terminer, les Québécois sont plus amplement d’accord que « Les travailleurs devraient contribuer davantage à leur régime de pension (RPC/RRQ) pour avoir des pensions plus généreuses », et que les plus riches devraient payer plus d’impôt, idem pour les entreprises.

À la lumière de tout cela, et avec les résultats de la dernière élection fédérale où le Québec a placé le NPD comme opposition officielle, il n’y a pas de doute que le Québec fait cavalier seul et ne se retrouve pas dans cette fédération centralisatrice, qui sera menée par un gouvernement conservateur, ce parti très impopulaire dans la belle province. Est-ce que les Québécois pourront continuer de faire du déni alors que le ROC est farouchement contre le caractère particulier du Québec? La quintessence de cette hypocrisie étant, pour les Canadiens hors Québec, le total refus de reconnaître la nation québécoise alors que le parti qu’ils ont porté au pouvoir se vante de l’avoir reconnu (bien que ce soit en réalité de la poudre aux yeux!).

Dans ces conditions, le statu quo qui prévaut encore en ce moment est une insulte à l’intelligence. Si le Québec était un individu, franchement, comment peut-il se regarder dans le miroir? L’amour-propre, cela veut-il encore dire quelque chose?

(Photo : topsteph53)

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Les médias traditionnels sont maintenant obsolètes 2/2

Traduction par François Marginean

Première partie: Les médias traditionnels sont maintenant obsolètes 1/2

Texte original de Giordano Bruno

Les nouvelles Internet représentent les grands espaces ouverts, celles des médias traditionnels sont une prison stérile

Un facteur qui effraie certains lecteurs de nouvelles lorsqu’ils rencontrent l’Internet est son manque de plafonds de clôtures; sa négation complète des frontières traditionnelles et des filtres toujours présents dans les médias traditionnels. Quand il s’agit de consommation de l’information, de nombreux Américains sont agoraphobes; lorsqu’ils sont exposés à de grands espaces ouverts, ils paniquent. En même temps, beaucoup de gens trouvent la circulation effrénée des nouvelles sur l’Internet libératrice.

Certaines sources de nouvelles sur le Web, comme la plupart des points de vente des grands médias, ne sont pas fiables, alors que d’autres sont incroyablement précises. L’Internet vous oblige, le lecteur et le chercheur, à vérifier la viabilité de l’information que vous rencontrez. Vous n’êtes plus un observateur passif faisant frire vos synapses en face d’une boîte parlante, mais plutôt un participant dans le domaine des nouvelles, recherchant et séparant ce qui est un fait, de ce qui ne l’est pas. Les utilisateurs de nouvelles sur le Web doivent faire des efforts individuels dans leur apprentissage, ce qui est, franchement, la façon dont cela devrait être.

Les médias télévisés et la presse écrite ne vous offrent pas différentes avenues d’information à explorer, ils vous disent ce qu’il faut croire et comment vous sentir, ou bien ils ne font que renforcer les fausses hypothèses que vous aviez déjà adoptées sur le monde, au lieu de vous pousser à réfléchir au-delà de votre bulle de confort moelleux. Il est beaucoup plus facile de s’assoir et vous alimenter de ce que vous donnent les médias traditionnels, même si cela est tout à fait insatisfaisant et intellectuellement déstabilisant. Les gens dont l’exposition à l’information provient exclusivement à travers les canaux traditionnels de nouvelles semblent littéralement régresser en tant qu’êtres humains au point d’atteindre l’instinct machinal de base. Étrangement, de cette manière, les médias d’entreprise créent un sentiment collectif d’isolement personnel dans la populace. Nous nous sentons attirés par les médias de masse, car ils offrent l’illusion de la communauté, de la connexion à ceux qui nous entourent, mais en réalité, cela dégrade en fait notre capacité à penser clairement et honnêtement, cela rend impossible de faire des connexions avec autrui. Le résultat est une masse de l’humanité en compote, tous avec la même vision du monde faussée, mais, ironiquement, sans camaraderie et terrain d’entente.

Les nouvelles sur le Web offre une participation, une communauté, et cela nous presse à non seulement tout remettre en question, mais en fait à sortir et répondre à nos propres questions au lieu d’attendre que quelqu’un d’autre, ayant possiblement un agenda, le fasse pour nous. Les médias de masse ne peuvent simplement pas rivaliser avec cette dynamique.

Biais, mensonges et le statu quo

Les grands médias n’ont jamais été des «fournisseurs» de nouvelles. En fait, ils sont plutôt des «nettoyeurs» des nouvelles, une turbine de papier abrasif et de mousse à savon conçus pour éliminer les morceaux d’informations «sales» qui contredisent le statu quo. Les fils de nouvelles comme AP ou Reuters suppriment environ 90% de la vérité de leurs rapports, ou combinent la vérité à l’opinion biaisée dans une tentative de minimiser son effet. Les nouvelles traditionnelles prennent alors cette information et la tamise encore davantage de données encore plus précieuses. Le zombie moyen de la pop culture suivant les grands médias n’est probablement exposé qu’à environ 1% la vérité quotidiennement, même s’il porte attention à autant que cela. Pour ceux qui s’en foutent éperdument de tout ce qui est au-delà de leur existence immédiate, 1% est plus que suffisant. Toutefois, un bon nombre d’entre nous sommes conscients de notre environnement et très insatisfaits de cette situation.

L’erreur que de nombreux Américains font, c’est d’assumer que les nouvelles corporatives sont un «service», un service au public. Ce n’est pas le cas. Les médias de masse s’occupent des intérêts de leurs actionnaires et leur PDG, rien de plus. Les grands médias ne sont même pas obligés par la loi d’être factuels dans leur présentation de l’information, mis à part se cela implique la diffamation, et même ces freins et contrepoids sont progressivement mis de côté. La saga des journalistes Jane Akre et Steve Wilson concernant leur lutte contre la suppression qu’on fait Fox et Monsanto de leur histoire sur les effets cancérigènes des hormones de croissance rBGH, a prouvé que les échelons supérieurs de notre système juridique coopèrent complètement avec les tentatives des médias pour censurer les informations pertinentes, voire même de mentir de façon éhontée:

http://www.inmotionmagazine.com/fox.html

Ces analystes alternatifs qui en quelque sorte passent à travers les mailles du filet des nouvelles corporatives semblent être traités et couverts de ridicule et de mépris pour les faits qu’ils rapportent. Dans la vidéo ci-dessous, Peter Schiff tente de prévenir le public en 2006 de l’effondrement du marché à venir et de la crise immobilière à venir, expliquant exactement comment l’effondrement hypothécaire commencerait. Au lieu d’examiner sa logique rationnelle, les experts de Fox News rient de lui et l’enterrent en parlant plus fort que lui. On se demande si ces clowns rient toujours aujourd’hui:

http://www.youtube.com/watch?v=_HFNJw7xGSA

Les attaques incessantes par les médias traditionnels (de Fox en passant par MSNBC) de tout mouvement ou organisation constitutionnaliste, des Tea Party aux Oathkeepers, ou toute autre idéologie anti-establishment, ont révélé un mépris total de l’objectivité par les journalistes qui sont censés être leur fierté. Les accusations ridicules et totalement sans fondement contre les candidats du mouvement libertaire comme Ron Paul et Rand Paul, allant du racisme à l’extrémisme et le terrorisme, sont maintenant la norme. Et ils se demandent pourquoi tout le monde est en train d’éteindre leur poste de télévision!? Combien de temps pouvez-vous regarder un gang de grands enfants en habits lancer des railleries d’écolier de satellite à satellite contre les hommes honorables qui ont à peine eu la chance de se défendre dans un forum égalitaire? Peut-être que ma capacité d’attention est courte, ou peut-être que certains sont facilement divertis, mais la plupart d’entre nous tombons dans l’ennui assez rapidement avec ce genre de comportement pathétique.

L’essentiel est que les médias travaillent avec l’objectif de suppression, non pas de révélation, et les Américains commencent à comprendre cela. Pourquoi prendre la peine de regarder une interview 10 minutes entre MSNBC et Ron Paul ou Paul Rand,  avec les délais satellites, les montages vidéo, les tactiques Alinsky, ou la logique circulaire? Nous n’apprenons rien parce que l’entrevue n’a pas été conçue par MSNBC pour découvrir la vérité, elle  a été conçue pour l’affaiblir. De manière risible, c’est l’establishment médiatique qui a réclamé des régulations ainsi que des gardiens pour contrôler les médias alternatifs en raison d’un manque de «responsabilité» dans les nouvelles du Web:

http://www.youtube.com/watch?v=N8ecPidqeNs

Mais qu’en savent les grands médias, de cette responsabilité et des comptes à rendre? Ou même des reportages basés sur des faits? Ces gens sont une honte pour le journalisme et ils ont l’audace d’exiger le professionnalisme de la part des médias alternatifs?! Il m’est impossible de compter le nombre d’histoires inexactes ou fabriquées que j’ai couvert et disséqué dans mes années à écrire pour le mouvement libertaire. Où sont l’indignation et la colère à propos de ces erreurs? Quelle source de nouvelles est vraiment coupable de duplicité?

Les médias alternatifs sur le Web n’ont pas besoin de «gardiens» pour choisir les informations les plus informatives et pertinentes. Nos lecteurs doivent être capables de vérifier nos informations et de décider par eux-mêmes si elles sont fiables ou de mauvaise foi. Dans le cas des médias de masse, nous sommes les gardiens! Il est évident qu’ils ne tiennent pas leurs propres reportages à quelconque critère de sincérité…

Journalistes citoyens, justice citoyenne

Les médias alternatifs représentent un changement de paradigme incroyable, non seulement dans la façon dont nous prenons part à la diffusion de l’information, mais aussi dans la façon dont nous percevons notre rôle dans les événements mondiaux. Nous ne sommes plus limités aux lignes directrices et règles du système élitiste, un système qui est finalement destiné à nous nuire, et non pas nous aider. Aujourd’hui, nous avons des outils à notre disposition qui rendent les anciennes méthodes restreignantes de distribution de nouvelles complètement obsolètes. Aujourd’hui, à la portée du bout de leurs doigts, chaque Américain a la chance de contribuer activement à la plus grande somme de connaissances qui conduit finalement les tromperies à la mort, mais d’un autre côté, à la promotion du progrès social.

Rien n’est parfait, y compris le Web. Il y aura toujours de la désinformation à trier, indépendamment de toute nouvelle technologie ou de tout règlement. Cela fait partie de la vie dans une société libre. Nous ne comptons pas sur les entités gouvernementales ou les entreprises pour fixer les normes de la vérité, nous fixons ces normes pour nous-mêmes, et si nous échouons, ce sera uniquement parce que nous les aurons fixées trop bas.

Il est intéressant de voir les promoteurs de l’establishment toujours utiliser la proclamation du «plus grand bien commun» comme prétexte pour réprimer tout ce qui menace leur structure de pouvoir. Mais réfléchissons à cela pendant une seconde, quel est ce plus grand bien commun dans ce cas? Est-ce dans l’intérêt du plus grand bien commun que de contrôler et censurer l’Internet parce que de fausses nouvelles POURRAIENT se répandre là? Ou d’imposer des «protections» sur le dos des gens parce qu’on les pense être trop paresseux ou trop stupides? Ou, au contraire, pouvons-nous trouver le plus grand bien commun dans l’information libre, et à travers l’élaboration d’un public assez mature pour partir à la recherche des faits par lui-même? Est-il vraiment préférable de maintenir un système monopolistique de nouvelles qui a été démontré à maintes reprises comme étant défectueux, carburant à la propagande, sans vergogne et simpliste? Ou alors, est-il est à notre avantage de fournir une autre avenue, une concurrence plus équitable et de voir que l’on répond mieux aux besoins de la population? Lorsque nous nous arrêtons un instant pour considérer ce qu’est le réel «plus grand bien commun» pourrait être, nous constatons que cela ne coïncide pas du tout avec les désirs de l’establishment.

Si nous avons besoin de quoi que ce soit à cette conjoncture dans l’histoire, c’est du journaliste citoyen. Nous n’avons pas besoin d’un message sponsorisé par les intérêts corporatifs, mais plutôt de millions de voix indépendantes, toutes à la recherche de la vérité de leur propre manière unique. Seulement alors pourrons nous récupérer notre identité et d’atteindre un sentiment légitime de justice dans ce pays. De grands changements commencent par une révolution des idées, une volonté individuelle, et par une multitude d’yeux ouverts. L’Internet est un catalyseur pour l’avènement d’un tel événement, le type qui ne se produit peut-être qu’une seule fois par millénaire. Nous ne pouvons pas permettre qu’il soit vilipendé par des escrocs ou dominé par des tyrans, en aucune circonstance, sinon, nous perdrons notre initiative, et avec elle, notre voix.

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Classé dans Actualité, François Marginean

Le dilemme Marois

Au niveau provincial, l’ambiance politique actuelle oscille entre une possibilité de renouveau, qu’un gouvernement les deux pieds dans les plats n’arrête jamais de suggérer, et un quasi statu quo, puisque le parti capable d’en récolter les fruits pour l’instant n’y arrive pas assez. Il faut se le dire, Pauline Marois, malgré sa bonne volonté, n’arrive pas à cristalliser la grogne autour de sa personnalité. Peut-être que ses mauvais coups du passé l’enrobent comme des spectres assombrissant pour une partie de l’électorat, peut-être est-ce simplement ce qu’elle dégage, ce que je pourrais appeler son aura aristocratique. En tout cas, si c’est beaucoup pour la première raison, cela remettrait en cause la réflexion maintes fois soulevée au Québec comme quoi les gens oublient vite… (Et tout cela donne encore plus le signal de l’omnipotence et de l’importance actuelle des chefs sur leurs partis, ce qui n’est pas la preuve d’une démocratie tellement saine, avouons-le.)

Alors, il faut l’exprimer franchement (et moi je le peux, puisque je ne suis pas impliqué dans ce parti — ni dans d’autres d’ailleurs), si le Parti Québécois veut un gouvernement majoritaire aux prochaines élections, il lui faudrait une nouvelle personne à sa tête. Mais les questions qu’il faut poser sont : est-ce que Madame Marois est dans le déni de la réalité ou non, et est-ce qu’elle met au devant son parti ou sa carrière (puisque bien sûr cela serait beau dans un curriculum vitae : première Première Ministre du Québec — même dans un gouvernement minoritaire…)? Si j’étais elle, je ferais un tour de passe-passe du genre à Bernard Landry qui a démissionné pour cause d’un vote de confiance totalisant 76,2 % à un prochain congrès du parti. Mais elle n’est pas moi.

Et pour brouiller les cartes, il y a la possible formation d’un nouveau parti politique de droite, qui se présente pour l’instant comme un mouvement : Force Québec. Jean-François Lisée croit que cet hypothétique parti nuirait « davantage aux libéraux qu’aux péquistes », mais je n’en suis tellement pas certain, étant donné que la question constitutionnelle semble devenir, à mon grand dam, de plus en plus flottante, et surtout, non prioritaire. Le PQ ne semble pas vraiment moins à droite que le PLQ alors, ultimement, être certain aujourd’hui de la tendance que prendrait l’ajout d’une nouvelle « force » politique me semble encore du domaine de l’inattendu.

Dans ce cas, est-ce que Pauline Marois devrait suivre la logique de Jean-François Lisée et se dire qu’elle risque fort bien de se retrouver majoritaire grâce à Force Québec (qui se rendrait alors jusqu’à une case sur les prochains bulletins de vote électoral) ou, devant l’impossibilité de faire des prédictions aussi importantes, est-ce qu’elle devrait mettre toutes les chances du côté de son parti en trouvant le moyen de se retirer?

La balle est dans son camp.

Si la notion de stratégie est importante en politique, cela serait une bonne occasion de le montrer.

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Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé

Totalitarisme inversé


François Marginean

Chris Hedges, journaliste lauréat du prix Pulitzer pour le New York Times et auteur de plusieurs livres, a écrit un article percutant publié en anglais le 8 février 2010. Ce billet en est largement inspiré et en quelque sorte un compte rendu en français. L’article original de 12 pages est disponible sous le titre « Chris Hedges: Zero Point of Systemic Collapse ».

Cet article est d’une importance capitale pour temps à venir. Il résume bien aussi mon analyse personnelle du déroulement des évènements passés, présents et surtout, futurs. Il mérite toute notre attention et puisqu’il est si bien écrit, ceci constituera principalement une traduction libre de l’auteur qui doit recevoir tous les mérites.

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Nous sommes à la veille d’un des moments les plus dangereux pour l’humanité.

Aleksandr Herzen parlait, il y a un siècle de cela, à un groupe d’anarchistes sur la façon de renverser le tsar et rappelait à ses auditeurs que leur travail n’était pas de sauver un système à l’agonie, mais plutôt de le remplacer: « Nous pensons que nous sommes les médecins. Nous sommes la maladie ». Toute résistance doit reconnaître que le corps politique mondial et le capitalisme global sont morts. Nous devons cesser de gaspiller notre énergie à essayer de le réformer ou de s’adresser à lui. Cela ne signifie pas la fin de la résistance, mais cela veut dire des formes très différentes de résistance. Cela signifie tourner nos énergies vers la construction de collectivités durables pour affronter la crise à venir, puisque nous serons incapables de survivre et de résister sans un effort de coopération.

Ces communautés, si elles se retirent dans un mode de survie pure, sans se lier aux cercles concentriques de l’ensemble de la communauté, l’État et de la planète, deviendront tout aussi moralement et spirituellement en ruine que les forces corporatives déployées contre nous. Toutes les infrastructures que nous construisons, comme les monastères du Moyen-Âge, devraient chercher à maintenir vivante la tradition intellectuelle et artistique qui rendent une société civile, l’humanisme et le bien commun possible. L’accès à des parcelles de terres agricoles sera primordial. Nous aurons à saisir, comme les moines médiévaux l’ont fait, que nous ne pouvons pas modifier la culture plus large autour de nous, au moins dans le court terme, mais nous pouvons être en mesure de conserver les codes moraux et la culture pour les générations au-delà de la nôtre. La résistance sera réduite à de petits, mais souvent imperceptibles, actes de défiance.

Nous nous tenons à la frontière d’une des plus sombres périodes de l’histoire de l’humanité où les lumières de la civilisation vacillent, chancèlent et nous risquons de descendre pendant des décennies, sinon des siècles, dans la barbarie. Les élites ont réussi à nous convaincre que nous n’avons plus la capacité de comprendre les vérités révélées qui nous sont présentées, ou de se battre contre le chaos causé par les catastrophes économiques et environnementales. Tant que la masse des populations désorientée et effrayée, nourris d’images qui leur permettent d’halluciner perpétuellement, existe dans cet état de barbarie, il lui sera possible de frapper périodiquement avec une fureur aveugle contre la répression accrue de l’État, la pauvreté généralisée et les pénuries alimentaires, mais elle n’aura pas la capacité et la confiance en soi face au défi pour confronter de proche ou de loin les structures de contrôle. Le fantasme de larges révoltes populaires et des mouvements de masse brisant l’hégémonie de l’État corporatif n’est que cela – un fantasme.

Chris Hedges écrit que son analyse se rapproche de l’analyse de nombreux anarchistes. Mais il note une différence cruciale: les anarchistes ne comprennent pas la nature de la violence. Ils saisissent l’étendue de la pourriture qui règne dans nos institutions culturelles et politiques, ils savent qu’ils doivent couper les tentacules de la consommation, mais ils croient naïvement que cela peut être combattu avec des formes de résistance physique et des actes de violence. Il y a des débats au sein du mouvement anarchiste – tels que ceux sur la destruction des biens – mais une fois que vous commencez à utiliser des explosifs plastiques, des innocents sont tués. Et quand la violence anarchique commence à perturber les mécanismes de la gouvernance, l’élite au pouvoir va se servir de ces actes, même mineurs, comme une excuse pour employer une force disproportionnée et impitoyable contre les agitateurs réels ou présumés, ce qui ne fera qu’alimenter la colère des déshérités.

Hedges ne se défini pas comme étant pacifiste. « Je sais qu’il y a des moments, et concède même que celui-ci pourrait éventuellement être l’un d’eux, où les êtres humains sont contraints de répondre à la répression montante avec la violence. J’étais à Sarajevo pendant la guerre en Bosnie. Nous savions précisément ce que les forces serbes feraient de nous s’ils arrivaient à percer les défenses et le système de tranchées autour de la ville assiégée. Nous avons eu des exemples de la vallée de la Drina ou la ville de Vukovar, où environ un tiers des habitants musulmans avaient été tués et le reste stationnés dans des camps de réfugiés ou de relocalisation. Il y a des moments où le seul choix possible est de prendre une arme pour défendre sa famille, le quartier et la ville. Mais ceux qui se sont révélés être les plus aptes à défendre Sarajevo provenaient invariablement de la classe criminelle. Lorsqu’ils n’étaient pas occupés à tirer sur les soldats serbes, ils pillaient les appartements des Serbes à Sarajevo et, souvent, les exécutaient, en plus de terroriser leurs concitoyens musulmans. Lorsque vous ingérez le poison de la violence, même pour une juste cause, elle vous corrompt, déforme et pervertit. La violence est une drogue, elle est même le plus puissant narcotique connue de l’humanité. Les plus accros à la violence sont ceux qui ont accès aux armes et qui possèdent un penchant pour la force. Et ces tueurs remontent à la surface de n’importe quel mouvement armé en les contaminant avec l’enivrant et intoxiquant pouvoir qui vient avec la capacité de détruire. J’ai vu cela guerre après guerre. Quand vous vous engagez dans cette voie, vous finissez par opposer vos monstres contre leurs monstres. Et ceux qui sont sensibles, humains et doux, ceux qui ont une propension à nourrir et protéger la vie, sont marginalisés et souvent tués. La vision romantique de la guerre et la violence est plus fréquente chez les anarchistes et la gauche radicale que dans la culture dominante. Ceux qui s’opposeront avec l’aide de la force à l’État corporatif ne le vaincront pas, pas plus qu’ils arriveront à maintenir les valeurs culturelles qui doivent être soutenues si nous voulons avoir un avenir valant la peine d’être vécu. De mes nombreuses années en tant que correspondant de guerre au El Salvador, Guatemala, à Gaza et en Bosnie, j’ai vu que les mouvements de résistance armée sont toujours des mutations de la violence qui les a engendré. Je ne suis pas assez naïf pour penser que j’aurais pu éviter ces mouvements armés si j’avais été un paysan sans terre au Salvador ou au Guatemala, un Palestinien à Gaza, ou un musulman à Sarajevo, mais cette réaction violente à la répression est et sera toujours tragique. Il doit être évitée, mais pas au détriment de notre propre survie ».

La démocratie, un système idéalement conçu pour défier le statu quo, a été endommagé et dompté pour servir servilement le statu quo. Nous avons subi, comme John Ralston Saul l’a écrit, un coup d’État au ralenti. Et le coup est terminé. Ils ont gagné. Nous avons perdu. La pitoyable incapacité des militants à pousser les États corporatifs industrialisés vers une réforme environnementale sérieuse, à contrecarrer l’aventurisme impérial, ou de construire une politique plus humaine envers les masses du monde, découle d’une pauvre capacité à reconnaître les nouvelles réalités du pouvoir. Le paradigme du pouvoir a changé de façon irrévocable et conséquemment, le paradigme de la résistance doit impérativement se modifier lui aussi.

Il y avait beaucoup de choses dites l’année dernière à propos de la manière dont Barack Obama serait un président « transformationnel » – mais la véritable transformation, s’avère-t-il, exige beaucoup plus que d’élire un leader télégénique. Pour renverser la vapeur dans ce pays, cela va prendre des années de guerre de siège contre les intérêts profondément établis, défendant un système politique profondément disfonctionnel. – Paul Krugman, «Richard Nixon portés disparus », le New York Times, 30 août 2009

Trop de mouvements de résistance continuent à croire en la façade de la politique électorale, les parlements, les constitutions, les chartes des droits, le lobbying et l’apparition d’une économie rationnelle. Les leviers du pouvoir sont devenus tellement contaminés que les besoins et la voix des citoyens sont devenus hors propos. L’élection de Barack Obama était un autre triomphe de la propagande sur la substance, une manipulation habile et une trahison du public par les médias de masse. Nous avons confondu le style et l’ethnicité – une tactique de publicité lancée par United Colors of Benetton et Calvin Klein – pour une politique progressiste et un véritable changement. L’objectif, comme avec toutes les marques de commerce, a été de confondre les consommateurs passifs et faire passer une marque de commerce pour une expérience. Obama, désormais une célébrité mondiale, est une marque de commerce. Il n’avait presque pas d’expérience, mis à part deux ans au Sénat, n’avait aucune base morale et a été vendu comme toutes choses aux populations. La campagne d’Obama a été nommée « marketer » de l’année du Advertising Age pour 2008 et l’a emporté sur les finalistes Apple et Zappos.com. Faites confiances aux professionnels. La marque de commerce « Obama » est le rêve d’un agent de marketing. Le président Obama fait une chose et la marque Obama vous porte à croire une autre. C’est l’essence même de la publicité fructueuse. Vous achetez ou faites ce que les annonceurs veulent pour ce qu’ils peuvent vous faire ressentir.

Nous vivons dans une culture caractérisée par ce que Benjamin DeMott appelle la « junk politics ». Nommons-la « politique déchet ». Elle n’exige pas la justice ou la réparation des droits. Elle incarne toujours des causes plutôt que de les clarifier. Elle évite les véritables débats pour des scandales fabriqués, des potins et des spectacles. Elle trompette l’éternel optimisme, louange sans cesse notre force morale et le caractère, et communique dans un langage « on-ressent-votre-douleur ». Le résultat de la politique déchet est que rien ne change, « ce qui signifie aucune interruption des processus et pratiques qui renforcent les systèmes interconnectés existant favorisant les avantages socio-économiques pour un groupe particulier ».

La croyance culturelle selon laquelle nous pouvons faire se produire des choses que par la pensée, en visualisant, en les souhaitant, en puisant dans notre force intérieure ou par la compréhension que nous sommes vraiment exceptionnels, est de la pensée magique. Nous pouvons toujours faire plus d’argent, atteindre de nouveaux quotas, consommer plus de produits et faire progresser notre carrière si nous avons assez de foi. Cette pensée magique qu’on nous prêche à travers tout le spectre politique, par Oprah, des célébrités du sport, Hollywood, les gourous de l’auto-assistance et les Chrétiens démagogues, est largement responsable de l’effondrement de l’économie et l’environnement, car toute Cassandra qui a vu venir les choses a été rejetée comme étant du « négatif ». Cette croyance qui permet aux hommes et aux femmes de se comporter et agir comme des petits enfants, jette le discrédit sur des préoccupations légitimes et inquiétantes. Elle exacerbe le désespoir et la passivité. Elle favorise un état d’auto-illusion. Le but, la structure et les objectifs de l’État corporatif ne sont jamais sérieusement remis en question. Questionner et s’engager dans un exercice de critique du collectif corporatif, revient à se faire taxer de vouloir faire obstruction et d’être négatif. Cela a perverti la façon dont nous percevons notre nation, le monde naturel et soi-même. Le nouveau paradigme de la puissance, couplé à son idéologie bizarre de progrès indéfini et le bonheur impossible, a transformé des nations entières, y compris les États-Unis, en monstres.

Nous pouvons marcher à Copenhague. Nous pouvons rejoindre la journée mondiale de manifestations climatiques. Nous pouvons composter et accrocher la lessive à sécher. Nous pouvons écrire des lettres à nos élus et voter pour Barack Obama, mais l’élite au pouvoir est imperméable à la charade de la participation démocratique. Le pouvoir est entre les mains des trolls moraux et intellectuels qui participent impitoyablement à la création d’un système néo-féodal et le meurtre de l’écosystème qui soutient l’espèce humaine. Et faire appel à leur bonne nature ou chercher à influencer les leviers internes de pouvoir ne fonctionnera plus.

Nous ne pourrons pas, en particulier aux États-Unis, éviter notre « Götterdämmerung ». Obama, tout comme le premier ministre du Canada, Stephen Harper ainsi que les autres chefs des pays industrialisés, se sont révélés être de tout aussi bons outils de l’État corporatif que l’a été George W. Bush. Notre système démocratique a été transformé en ce que le philosophe politique Sheldon Wolin avait nommé « le totalitarisme inversé». Le totalitarisme inversé, à la différence de totalitarisme classique, ne tourne pas autour d’un démagogue ou d’un chef charismatique. Il trouve son expression dans l’anonymat de l’État corporatif. Il prétend chérir la démocratie, le patriotisme, une presse libre, les systèmes parlementaires et les constitutions, alors qu’il manipule et corrompt les leviers internes pour renverser et contrecarrer les institutions démocratiques. Les candidats politiques sont élus au vote populaire par les citoyens, mais sont régis par des armées de lobbyistes à Washington, Ottawa ou dans les autres capitales du monde. Les médias corporatifs contrôlent à près tout ce que nous lisons, regardons ou écoutons et ils imposent une uniformité insipide de l’opinion. La culture de masse, détenue et diffusée par les sociétés privées, nous divertit avec des questionnaires, des spectacles et des potins sur les célébrités. Dans les régimes totalitaires classiques, tels que le nazisme ou le communisme soviétique, l’économie était subordonnée à la politique. « Sous le totalitarisme inversé, l’inverse est vrai », écrit Wolin. « L’économie domine la vie politique – et avec la domination vient les différentes formes de cruauté ».

Le totalitarisme inversé exerce un pouvoir total sans recourir à la plus grossière des formes de contrôle tels que les goulags, les camps de concentration ou la terrorisation des masses. Il exploite la science et la technologie pour atteindre ses sombres buts. Il impose l’uniformité idéologique en utilisant des systèmes de communication de masse pour inculquer la consommation débauchée comme une pulsion intérieure et il nous fait prendre nos illusions sur nous-mêmes pour la réalité. Il ne réprime pas les dissidents avec force, tant que ces dissidents restent inefficaces. Et en même temps qu’il détourne notre attention, il démantèle la base manufacturière, dévaste les communautés, déclenche des vagues de misère humaine et envoie les emplois vers des pays où les tyrans savent garder les travailleurs en ligne. Il fait tout cela tout en brandissant le drapeau et chantant des slogans patriotiques. « Les États-Unis sont devenus la vitrine de la manière dont la démocratie peut être gérée sans avoir l’air d’être opprimée », écrit Wolin.

George Orwell a souligné que le totalitarisme n’est pas tant l’âge de la foi qu’un âge de la schizophrénie: « une société devient totalitaire lorsque sa structure artificielle devient flagrante ». « Cela survient lorsque la classe dirigeante a perdu sa fonction, mais réussit à s’accrocher au pouvoir par la force ou par la fraude ». Nos élites ont utilisé la fraude. La force est tout ce qu’il leur reste.

Notre élite médiocre et finie tente désespérément de sauver un système qui ne peut être sauvé. Plus important encore, ils essaient de se sauver eux-mêmes. Toutes les tentatives de travailler à l’intérieur de ce système pourri et cette classe de détenteurs du pouvoir se révéleront inutiles. La résistance doit répondre à la nouvelle et dure réalité d’un ordre capitaliste global qui s’accroche au pouvoir par des formes de répression brutale et flagrante toujours grandissantes. Une fois le crédit sèche pour le citoyen moyen, une fois que le chômage massif aura crée une classe marginale permanente et furieuse, que les produits fabriqués bon marchés qui sont devenus les opiacés de base de notre culture disparaîtront, nous allons probablement évoluer vers un système qui ressemble davantage au totalitarisme classique. Des formes plus violentes et grossières de répression devront être employées au fur et à mesure que les mécanismes de contrôle plus souples favorisés par le totalitarisme inversé cesseront de fonctionner.

Si nous construisons des structures auto-suffisantes, celles qui occasionneront le moins de mal possible à l’environnement, nous pourrons surmonter l’effondrement qui s’en vient. Cette tâche sera accomplie grâce à l’existence de petites enclaves physiques qui ont accès à une agriculture durable et qui seront donc capables de se dissocier autant que possible de la culture commerciale. Ces communautés devront construire des murs contre la propagande et la peur électroniques qui seront pompées sur les ondes. Le Canada sera probablement un lieu plus accueillant pour ce faire que les États-Unis, compte tenu du fort courant de la violence qui y règne. Mais dans tous les pays, ceux qui survivront auront besoin de terres dans des zones isolées à bonne distance des zones urbaines qui seront le théâtre de déserts alimentaires dans leurs centres-villes, ainsi que de la violence sauvage qu’entraînent des biens devenant tout d’un coup un coût prohibitif et la répression étatique qui devient plus en plus dure.

Le recours de plus en plus manifeste à la force par les élites pour maintenir le contrôle ne doit pas mettre fin aux actes de résistance. Les actes de résistance sont des actes moraux. Ils prennent vie parce que les gens de conscience comprennent l’impératif moral de remettre en question les systèmes d’abus et le despotisme. Ils devraient être menés non pas parce qu’ils sont efficaces, mais parce qu’elles sont justes. Ceux qui commencent ces actes sont toujours peu nombreux et rejetés par ceux qui cachent leur lâcheté derrière leur cynisme. Mais la résistance, bien que marginale, continue à affirmer la vie dans un monde inondé par la mort. C’est l’acte suprême de la foi, la plus haute forme de spiritualité et qui lui seul rend l’espoir possible. Ceux qui ont commis des actes de résistance ont très souvent sacrifiés leur sécurité et leur confort, ont souvent passé du temps en prison et dans certains cas, ont été tués. Ils ont compris que pour vivre dans le plein sens du mot, exister en tant qu’êtres humains libres et indépendants, même dans la nuit la plus sombre de la répression d’État, cela signifie défier l’injustice.

Nous devons continuer à résister, mais il faut maintenant le faire avec la réalisation inconfortable que des changements significatifs ne vont probablement pas se produire de notre vivant. Cela rend la résistance plus difficile. Cela déplace la résistance du domaine du tangible et de l’immédiat vers l’abstrait et l’indéterminé. Mais renoncer à ces actes de résistance constitue la mort spirituelle et intellectuelle. Cela revient à se rendre à l’idéologie déshumanisante du capitalisme totalitaire. Les actes de résistance maintiennent en vie un autre récit, maintiennent notre intégrité et donne de la volonté aux autres, eux que nous ne pourrons jamais rencontrer, de se lever et porter la flamme que nous leur passons. Aucun acte de résistance est futile, que ce soit de refuser de payer des impôts, de lutter pour une taxe Tobin, travailler à changer le paradigme économique néoclassique, révoquer une charte d’entreprise, tenir des votes globaux sur Internet ou utiliser Twitter pour catalyser une réaction en chaîne de refus contre l’ordre néolibéral. Mais nous devons résister et trouver la foi que la résistance en vaut la chandelle, car nous ne pourrons pas immédiatement modifier la configuration du terrible pouvoir en place. Et dans cette longue, longue guerre, une communauté qui nous soutient émotionnellement et matériellement sera la clé d’une vie de défiance.

Le philosophe Théodore Adorno a écrit que la préoccupation exclusive avec les égocentrismes personnels et l’indifférence à la souffrance des autres au-delà du groupe auquel on s’identifie est ce qui a finalement rendu le totalitarisme et les génocides possibles. L’incapacité de s’identifier aux autres est sans conteste la plus importante composante psychologique qui fait que des atrocités peuvent se produire autour de gens plus ou moins civilisés et innocents.  »

L’indifférence au sort d’autrui et l’élévation suprême de soi est ce que l’État-entreprise cherche à nous inculquer. Il utilise la peur, ainsi que l’hédonisme, pour contrecarrer la compassion humaine. Nous devons continuer à combattre les mécanismes de la culture dominante, même si ce n’est que dans le but de préserver notre humanité commune à travers de petits, voire de minuscules actes. Nous devons résister à la tentation de se replier sur soi-même et d’ignorer la cruauté se trouvant de l’autre côté de notre porte. L’espoir demeure dans ces actes de défiance souvent imperceptibles. Cette défiance, cette capacité de dire non, c’est exactement ce que les psychopathes contrôleurs de nos systèmes de pouvoir cherchent à éradiquer. Tant que nous serons prêts à défier ces forces, nous aurons une chance; si ce n’est pas pour nous-mêmes, du moins, ce sera pour ceux qui suivent. Tant que nous défierons ces forces nous demeurerons en vie.

Et pour l’instant, c’est la seule victoire possible.

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Classé dans Actualité, François Marginean

Le mouvement de Marois

Dans le confort du statu quo, quelle graine de changement peut bien germer? C’est ce que je me demande à la suite de la sortie de Jacques Parizeau, qui dit :

C’est bien embêtant. Il y a des crises qui apparaissent de temps à autre, mais ce n’est pas toujours au bon moment pour nous. En fait, il faudrait susciter la crise.

(Source : Le Devoir)

Bien qu’on veuille retourner la question dans tous les sens, à la base, le mouvement souverainiste trouve sa raison d’être dans l’insatisfaction. Les fédéralistes auront beau le pointer comme étant une tare, c’est la dynamique : on veut ou on ne veut pas bouger.

Aussi, ce plan Marois a au moins la qualité de placer l’électorat, déjà, devant un choix un peu plus clair pour le futur, contrairement aux dernières élections — et je ne pointe pas seulement 2007 — où le PQ semblait seulement l’alternative au PLQ, avec en façade les couleurs du mouvement souverainiste, sans la fougue qui devrait venir avec. À mon humble avis…

Après l’écriture de ce dernier paragraphe, je suis tombé via Patrick Lagacé sur le dernier commentaire de Joseph Facal à ce sujet. Morceaux choisis :

la stratégie de madame Marois est que le Québec s’affirme au maximum dans le cadre politique actuel. […] Au moins, les souverainistes sortent de leur longue négation du réel et recommencent à bouger. […] Évidemment, les fédéralistes québécois, eux, ont leur solution toute trouvée: faire croire qu’il n’y a pas de vrai problème, et laisser le Québec devenir rapidement une grosse Acadie.

Peut-être que le mouvement souverainiste ne fera que ralentir le mouvement, mais au moins il y aura eu un peu d’action. Et encore plus, le Québec sera comme l’hospice où parquer majoritairement ce qu’il reste de l’esprit francophone en Amérique, jusqu’à ce que tout ça meurt d’avoir trop mal vieillit.

(Image trouvée via La Terre va trembler – Le plan Marois selon The Gazette)

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Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé

Un gouffre représentatif

3x4Il y a bien longtemps que je n’ai pas effleuré un thème qui m’est pourtant cher, soit la souveraineté du Québec. Je pourrais l’expliquer sommairement par le seul fait que sur le web il n’y a pas grand monde à convaincre, parce que s’y trouver démontre bien qu’on est dans une dynamique active, et donc peut-être moins indécis politiquement. Enfin, personne ne m’a jamais dit ouvertement que je l’avais convaincu de regarder la souveraineté du Québec comme une avenue possible et souhaitable.

Pourtant, à regarder l’actualité, je ne cesse de me dire que ci et que ça est une bonne raison, que de vivre dans un pays à nous serait une tout autre expérience : qu’on cesserait au moins de blâmer les autres quand il y a des problèmes et qu’on se retrousserait sûrement plus les manches. Optimisme quand tu nous tiens! Mais bon, entre le statu quo où on est vivant (dans son sens le plus neutre) et un pari dont le résultat n’est, par définition, aucunement garanti, il y a une tendance tout à fait normale vers le premier choix. Et c’est là où l’appui à la souveraineté, qui se situe toujours grossièrement entre 30 et 40%, est impressionnant.

Mais pour revenir au ci et au ça, la lecture du dernier sondage Léger Marketing fait bien ressortir comment nous sommes mal représentés à Ottawa. Avec 12% d’appui populaire au Québec, le parti conservateur se retrouverait à peu près au même point que l’ADQ… si le ROC ne faisait pas partie du calcul. Étant donné que la souveraineté du Québec ne m’effraie pas, je suis capable de faire la soustraction : on n’aurait pas quelqu’un de la trempe de Stephen Harper à la barre si c’était autrement. Et je ne parle même pas de Jean Charest

Je vous invite à poursuivre votre lecture du côté de Pierre Bluteau qui expose deux autres bonnes raisons de faire l’indépendance.

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Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé