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Une histoire de deux théories de l’exploitation (2e partie)

La semaine dernière, je vous ai exposé comment Marx avait à la fois raison et tort au sujet de l’exploitation. Il avait raison dans le sens qu’il existe effectivement une classe dirigeante minoritaire qui exploite une majorité des gens. Il avait également raison sur le fait que la nature de cette exploitation est économique. «il avait également raison de prétendre que les exploiteurs utilisent la force de coercition de l’État afin de perpétrer leur pillage. Là où Marx se trompait, c’est dans l’indentification des vrais coupable, ainsi que leur modus opérandi. Je propose donc d’y jeter un peu de lumière pour vous montrer les véritables parasites grâce aux écrits d’économistes comme Eugen von Böhm Bawerk, Ludwig von Mises, Murray Rothbard et Hans Hermann Hoppe.

Le point de départ est le même que celui de la théorie marxienne, c’est-à-dire l’exploitation du serf par son seigneur ou de l’esclave par son maitre. Le serf est exploité parce qu’il n’a pas le contrôle d’une terre qu’il a lui-même développé et mise en valeur. Le seigneur n’ayant obtenu le titre que par pillage et ne contribue en rien à la mise en valeur de la terre, pas même les semences. Il en va de même pour l’esclave qui n’a pas le contrôle de son propre corps. Ce genre d’exploitation n’existe cependant pas dans un capitalisme pur. Ce n’est pas de l’exploitation de développer et mettre en valeur une ressource qui n’était utilisée par personne auparavant ou d’employer ces ressources dans la production d’autres biens, ni d’épargner ces ressources et ces produits afin de produire des biens futurs. Ces actes en eux-mêmes n’enlèvent rien à personne et des biens additionnels ont été créés. En réalité, là où il y a exploitation est lorsque le principe de première mise en valeur (le «homestead») n’est pas respecté. Ainsi, c’est lorsque le contrôle partiel ou total de ressources ou de biens est obtenu par la force par des gens qui ne l’ont ni développé, ni produit, ni épargné, ni obtenu par une entente contractuelle avec le propriétaire légitime, qu’il y a vraiment de l’exploitation. L’exploitation, c’est l’expropriation d’un bien des premiers utilisateurs, producteurs et épargnants par des non premiers utilisateurs, non-producteurs et non-épargnants. C’est l’expropriation de gens dont la prétention sur leur propriété est le travail, le contrat et l’épargne par des gens dont la prétention ne vient de nulle part et que ne tiennent absolument pas compte du travail ou des contrats des autres.

L’exploitation ainsi définie a toujours fait partie de l’histoire humaine. Nous avons toujours pu nous enrichir que de deux façons. Soit en mettant en valeur des ressources inutilisées, en produisant et en épargnant, soit en expropriant ceux qui mettent en valeur, produisent et épargnent. Il y a toujours eu en parallèle avec la première mise en valeur, la production et l’épargne; l’acquisition non-productive et non-contractuelle de propriétés. À travers le temps, tout comme les producteurs se sont constitués en sociétés et en entreprises, les exploiteurs ont également formé des entreprises d’exploitation à grande échelle, les État et gouvernements. Avec une classe dirigeante, membre de ces sociétés d’exploitation, installée sur un certain territoire et exploitant les ressources économiques de producteurs exploités, le centre de l’Histoire devient bel et bien une lutte entre exploitants et exploités. Sur cette évaluation de l’histoire, les marxistes et autrichiens pourraient trouver un terrain d’entente.

Alors que les entreprises productrices apparaissent et disparaissent grâce au soutien ou l’absence de soutien des consommateurs, la classe dirigeante n’apparait pas vraiment parce qu’il existe une demande pour ses services. Il serait plutôt absurde de croire que des producteurs consentent réellement à leur expropriation. On doit les forcer à l’accepter. La classe dirigeante ne disparait pas non plus quand on le souhaite. Nous ne pourrions pas la faire partir en s’abstenant de transiger avec elle, comme on pourrait réduire une entreprise productive à la faillite. La classe dirigeant tient son revenu de transactions non-productives et non-contractuelles, de sorte qu’elle n’est affectée par aucun boycott. La seule chose qui puisse abattre une entreprise d’exploitation est, pour reprendre un terme marxiste, un certain état de « conscience de classe », c’est à dire le degré auquel la classe exploitée est consciente de son exploitation.

Un exploiteur fait des victimes et ces victimes peuvent devenir des ennemis. Il pourrait être possible pour les exploiteurs d’utiliser la simple force pour maintenir une population similaire d’exploités, mais la force seule ne saurait suffire à permettre d’exploiter une population largement supérieure en nombre. Pour y réussir, il faut que la majorité de cette population accepte comme légitime les actes d’exploitation. Il faut que la majorité ait abandonné l’idée de résister les acquisitions non-productives et non-contractuelles de propriété. Le pouvoir de la classe dirigeante ne peut être brisé que si les expropriés acquièrent une idée claire de leur état et s’unissent et s’indignent des acquisitions non-productives et non-contractuelles de propriété et refusent d’y contribuer.

L’abolition de la domination féodale et absolutisme a été le fruit d’une telle prise de conscience à travers le libéralisme des droits naturels. Cependant, suite à une dégradation de la conscience de classe, le processus de libéralisation s’est inversé et le niveau d’exploitation s’est accru de puis la fin du XIXe siècle et en particulier depuis la première guerre mondiale. Du point de vue des autrichiens, les marxistes portent une partie du blâme pour cette perte de conscience en occultant la conception correcte de l’exploitation, celle dont les développeurs initiaux, producteurs et contractants sont victimes de la part de ceux qui ne produisent rien; par la fausse opposition entre le capitaliste et le salarié.

L’institution d’une classe dirigeant exploitante sur une classe exploitée beaucoup plus nombreuse doit passer par l’imposition d’un système de droit public, superposé à un système de droit privé. La classe dirigeante protège sa situation dominante en créant une constitution pour le fonctionnement interne de son entreprise. En formalisant le fonctionnement interne de l’État, elle crée une certaine stabilité juridique qui instaure une opinion publique favorable. La constitution rationalise du même coup le « droit » des représentants de l’État de se livrer à des acquisitions de propriété de façon non-contractuelle et non-productive. Ce système de subordination du droit privé au droit public crée un dualisme dans lequel il existe un ensemble de lois pour les dirigeants et les dirigés. Contrairement à ce que croient les marxistes, ce n’est pas parce que les droits de propriétés sont reconnus par la loi qu’il existe une justice de classe, mais plutôt parce qu’il existe une distinction légale entre une classe agissant selon le droit public, et une autre agissant selon un droit privé subordonné. L’État n’est pas exploiteur parce qu’il protège les droits de propriété capitalistes, mais parce qu’il est exempt d’avoir à acquérir sa propriété par la production et le contrat.

En tant qu’entreprise exploitante, l’État a avantage à ce qu’un bas niveau de conscience de lasse règne à tout moment. La redistribution de la propriété et du revenu est un moyen efficace de « diviser pour régner ». C’est le moyen que l’État utilise pour semer la zizanie au sein de la société. La redistribution du pouvoir d’état par la démocratisation, en ouvrant à tout le monde les positions de pouvoir permet également de réduire la résistance à l’exploitation en tant que telle.

L’État est également le grand centre de la propagande. Donc, l’exploitation c’est la liberté; les impôts sont des « contributions volontaires »; les relations non-contractuelles deviennent conceptuellement contractuelles; un gouvernement pour et par le peuple; sans l’État, il n’y aurait ni droit, ni sécurité et les pauvres mourraient de faim, etc. Tout ça fait partie d’une superstructure idéologique visant à légitimer l’exploitation économique.

Les marxistes ont également raison d’identifier une collaboration entre les capitalistes et l’État, même si leur explication est fausse. Ce n’est pas parce que les bourgeois considèrent que l’État garantit les droits de propriété, il viole ces droits plutôt allègrement, mais parce que plus une entreprise est grande, plus elle est passible d’être exploitée par l’État, mais plus grands aussi sont les gains si elle se voit accorder par l’État une protection particulière des contraintes de la concurrence capitaliste. C’est pourquoi « l’establishment » bourgeois est intéressé par l’État et veut l’infiltrer.

En retour, l’État s’intéresse à la collaboration avec les capitalistes à cause de son pouvoir financier. Plus précisément, il s’intéresse à la haute finance afin mettre en œuvre en coopération avec l’élite bancaire et son système de réserves fractionnaires pour créer de la fausse monnaie dans un cartel dirigé par une banque centrale. Cette symbiose permet entre autre à la classe dirigeante de s’infiltrer à même le système nerveux de la société civile.

Dans la réalité, la théorie marxiste sert bien les véritables exploiteurs en détournant l’attention vers des boucs-émissaires de convenance. Le grossissement constant des État et la concurrence entre ceux-ci, mènera inévitablement à la concentration du pouvoir et la stagnation économique. Lorsque ça se produira, les pressions anti-étatiques viendront un jour mettre ce système à bas. Mais contrairement à ce que prétendent les marxistes, la solution ne sera certainement pas la socialisation des moyens de production. La propriété sociale est non-seulement inefficace et impraticable, comme l’expose von Mises dans son livre « Socialisme », mais il est incompatible avec l’idée que l’état puisse un jour dépérir. Si les moyens de production sont possédés collectivement et si on suppose que les idées de tout le monde concernant l’utilisation des ces moyens de production ne coïncideront pas toujours, ces moyens de production nécessiteront une intervention perpétuelle de l’État, c’est à dire d’une institution ayant la force d’imposer la volonté des uns contre la volonté des autres. Au contraire, le dépérissement de l’État et avec lui, la fin de l’exploitation et une prospérité sans précédent ne peut que passer par l’avènement d’une société de propriété privée pure sans autre régulation que le droit privé.

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Une histoire de deux théories de l’exploitation (1ere partie)

 

Dans un article précédent, j’ai déjà effleuré la théorie marxiste de l’exploitation. Aujourd’hui j’aimerais l’opposer à une théorie alternative, celle de l’école autrichienne d’économie. Comme vous verrez, et vous en serez peut-être étonnés, les deux théories ont un tronc commun. Là où elles divergent est sur la nature des exploitants et des exploités. J’entends vous exposer la théorie marxiste et ses failles dans la première partie et la théorie autrichienne dans la seconde.

Commençons donc par le noyau de la croyance marxiste:

  • « L’histoire de l’humanité est l’histoire de la lutte des classes ». Selon Marx, C’est l’histoire de la lutte entre une classe dirigeante relativement restreinte et une classe d’exploités plus large. L’exploitation est économique. La classe dirigeante exproprie une partie de la production des exploités, une « plus-value ».
  • La classe dirigeant est unie par son intérêt commun de poursuivre sa domination. Elle n’abandonne jamais délibérément son pouvoir et ne peut être délogée que par la lutte qui dépend de la conscience de classe des exploités. C’est-à-dire à quel point les exploités son conscient de leur sort et sont unis avec les autres membres de leur classe en opposition à leur exploitation
  • La domination de classe se manifeste, dans les termes marxistes par des « relations de productions » particulières. Pour protéger ces relations, la classe dirigeante forme et dirige l’État comme appareil de coercition. L’État impose une structure de classe et favorise la création et l’entretien d’une superstructure idéologique destinée à fournir une légitimité à cette structure de domination de classe.
  • A l’intérieur, le processus de concurrence au sein de la classe dirigeante engendre la tendance à une concentration et à une centralisation croissantes. Un système polycentrique d’exploitation est progressivement remplacé par un système oligarchique ou monopolistique. De moins en moins de centres d’exploitation demeurent en fonction, et ceux qui restent sont de plus en plus intégrés dans un ordre hiérarchique. A l’extérieur, c’est-à-dire vis-à-vis du système international, ce processus interne de centralisation conduira (avec d’autant plus d’intensité qu’il sera plus avancé) à desguerres impérialistes entre États et à l’expansion territoriale de la domination exploiteuse.
  • Finalement, la centralisation et l’expansion de la domination exploiteuse se rapprochant progressivement de sa limite ultime de domination mondiale, la domination de classe sera de moins en moins compatible avec le développement et l’amélioration ultérieures des « forces productives ». La stagnation économique et les crises deviennent de plus en plus caractéristiques et créent les « conditions objectives » pour l’émergence d’une conscience de classe révolutionnaire chez les exploités. La situation devient mûre pour l’établissement d’une société sans classes, le « dépérissement de l’Etat », le remplacement du « gouvernement des hommes par l’administration des choses », et ilen résulte une incroyable prospérité.

Ces thèses sont parfaitement justifiables, mais malheureusement, elles sont déduite d’une théorie de l’exploitation qui est absurde. Pour Marx, des systèmes pré-capitalistes tels que l’esclavagisme et la féodalité sont caractérisés par l’exploitation. Ça va de soit. Évidemment, l’esclave n’est pas le propriétaire de son propre corps es se voit exproprié de tous les fruits de son labeur au profit de son maitre qui le lui fournit que sa subsistance et le seigneur féodal, en s’appropriant de terres qui ont été défrichées par les serfs par simple attribution royale, profite sur le dos des paysans. Il n’y a aucun doute qu’il s’agit d’exploitation et que l’esclavage et la féodalité entravent le développement des forces productives. Ni l’esclave, ni le serf ne produiraient autant qu’ils ne le feraient en l’absence d’esclavage ou de servage.

Par ailleurs, Marx maintient que rien n’est changé dans un système capitaliste. C’est à dire, si l’esclave devient un travailleur libre ou que le paysan décide de cultiver une terre qu’un autre a été le premier à développer et paie un loyer en échange du droit de le faire. C’est vrai que dans le chapitre 24 de Das Kapital, Marx démontre que la plus grande part de la propriété capitaliste initiale provient du pillage, de l’accaparement des terres et de la conquête; et dans le chapitre 25 il décrit le rôle de la force et de la violence dans l’exportation du capitalisme au Tiers-monde. C’est essentiellement correct, et dans la mesure où ça l’est, je ne nierai pas le caractère exploiteur de ce capitalisme là.

Ce que Marx omet de mentionner, à travers son récit propre à inciter l’indignation du lecteur, est que même un capitalisme où l’appropriation originelle du capital serait la résultante de la première mise en valeur (ou homesteading, en anglais), du travail et de l’épargne; serait tout autant exploiteur. Comment est-ce exploiteur? Selon Marx, le capitaliste paie un certain montant d’argent en matières premières et en salaires pour produire un bien qu’il revend pour un montant supérieur, dégageant un profit, ou une « plus-value » qui est prélevée des salaires des prolétaires. En d’autre termes, le capitaliste paie l’équivalent de trois jours de travail au salarié alors qu’il en a travaillé cinq et s’approprie le reste. Donc, selon Marx, il y a exploitation.

Où est la faille dans cette analyse? Elle réside dans la raison pourquoi une travailleur libre accepterait ce genre d’arrangement. C’est parce que le salaire qui lui est payé représente une valeur actuelle, alors que les biens produits représentent une valeur future et que le salarié considère qu’un montant d’argent maintenant a plus de valeur que le même montant plus tard. Après tout, un salarié pourrait décider d’être travailleur autonome et ainsi récupérer la valeur totale de son produit, mais ça impliquerait bien entendu qu’il devra attendre que ce produit soit fabriqué et vendu avant de le récolter. Ça implique également qu’il devra aussi, avant de récolter les fruits de son labeur, payer pour les différents outils et matériaux nécessaires à la production. Accepter un salaire lui permet de vendre son travail, sans avoir à investir dans les autres facteurs de productions et sans avoir à attendre que le produit soit fini et vendu. Il préfère donc recevoir ce montant plus petit, en échange de ces avantages.

À l’opposé, pourquoi un capitaliste investirait-il dans une ligne de production, s’il ne retirait pas une valeur supérieure au montant investit? Pourquoi se priverait-il de ce montant pendant toute la période de production, alors qu’il pourrait tout aussi bien l’utiliser pour sa propre consommation? S’il doit payer les salaires des travailleurs maintenant, il faut que ça lui rapporte quelque part dans le futur, sinon pourquoi le ferait-il? Ceci fait aussi abstraction du fait que le capitaliste doit aussi fournir les autres facteurs nécessaires à la production, et que par conséquent, le travail du salarié ne pourrait compter que pour une fraction du produit final, puisque s’il travaillait à son propre compte, il devrait également assumer ces coûts.

Ce qui ne fonctionne pas dans la théorie marxiste de l’exploitation est qu’elle ne reconnait pas le phénomène de la préférence temporelle dans l’action humaine. Le fait que le travailleur ne reçoive pas la « pleine valeur » de son travaille n’a rien à voir avec l’exploitation, mais découle du fait qu’on ne peut pas échanger des biens futurs contre des biens présents sans payer une escompte. La relation entre le salarié et le capitaliste, contrairement à celle de l’esclave et de son maitre, n’est pas antagoniste, elle est plutôt symbiotique dans la mesure où chacun y tire un avantage. Le travailleur préférant recevoir un certain montant maintenant, alors que le capitaliste préfère la promesse d’un plus gros montant dans le futur.

Il va sans dire que si la théorie de l’exploitation marxiste est fausse dans son identification des exploiteurs et de la nature même de la méthode d’exploitation, toute les idées qui en découlent pour mettre fin à cette exploitation sont essentiellement incorrectes également. La semaine prochaine, je vous présenterai ce que les économistes autrichiens considèrent comme l’interprétation correcte de l’exploitation qui prévaut dans la société.

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Pour en finir avec la théorie de l’exploitation du labeur d’autrui de Marx

Lorsqu’on se retrouve face à des illettrés économiques qui ne jurent que par les écrits de Karl Marx, ça paie d’avoir les bons arguments. La théorie de l’exploitation du labeur d’autrui de Marx repose sur la théorie de la valeur du travail de Ricardo. Cette théorie est périmée et à maintes fois été réfutée.

Sa théorie se résumait à ceci:

«Si de la valeur d’une marchandise nous retranchons la valeur qui restitue celle des matières premières et des autres moyens de production consommés, c’est-à-dire si nous retranchons la valeur qui représente le travail passé qu’elle contient, la valeur restante sera réduite à la quantité de travail qu’y a ajoutée l’ouvrier occupé en dernier lieu. Si cet ouvrier travaille 12 heures. par jour et si 12 heures de travail moyen se cristallisent en une somme d’argent de 6 shillings, cette valeur additionnelle de 6 shillings est la seule valeur que son travail aura créée. Cette valeur donnée, déterminée par le temps de son travail, est le seul fonds d’où l’ouvrier ainsi que le capitaliste puiseront respectivement leurs parts ou dividendes, la seule valeur qui soit répartie en salaire et en profit. Il est clair que cette valeur elle-même n’est pas modifiée par le rapport variable suivant lequel elle peut être partagée entre les deux parties. Il n’y aura rien de changé non plus si au lieu d’un ouvrier nous mettons toute la population travailleuse et si au lieu d’une journée de travail nous en mettons 12 millions, par exemple.
Le capitaliste et l’ouvrier n’ayant à partager que cette valeur limitée, c’est-à-dire la valeur mesurée d’après le travail total de l’ouvrier, plus l’un recevra, moins recevra l’autre, et inversement. Pour une quantité donnée, la part de l’un augmentera dans la proportion où celle de l’autre diminuera. Si les salaires changent, les profits changeront en sens contraire. Si les salaires baissent, les profits monteront, et si les salaires montent, les profits baisseront. Si l’ouvrier, comme nous l’avons supposé précédemment, reçoit 3 shillings, c’est-à-dire la moitié de la valeur qu’il crée, ou si sa journée entière de travail se compose pour moitié de travail payé et pour moitié de travail non payé, le taux du profit s’élèvera à 100 pour cent, car le capitaliste recevra également 3 shillings. Si l’ouvrier ne reçoit que 2 shillings, c’est-à-dire s’il ne travaille que le tiers de la journée pour lui-même, le capitaliste recevra 4 shillings, et le taux du profit sera donc de 200 pour cent. Si l’ouvrier reçoit 4 shillings, le capitaliste n’en recevra que 2, et le taux du profit tombera alors à 50 pour cent. Mais toutes ces variations sont sans influence sur la valeur de la marchandise. Une hausse générale des salaires entraînerait par conséquent une baisse du taux général du profit, mais resterait sans effet sur la valeur.
Mais bien que les valeurs des marchandises doivent en définitive régler leur prix sur le marché, et cela exclusivement d’après la quantité totale du travail fixée en elle et non d’après le partage de cette quantité en travail payé et en travail impayé, il ne s’ensuit nullement que les valeurs de telle ou telle marchandise ou d’un certain nombre de marchandises produites, par exemple, en 12 heures, restent toujours constantes. Le nombre ou la masse des marchandises fabriquées en un temps de travail déterminé ou au moyen d’une quantité de travail déterminée dépend de la force productive du travail employé à sa production et non de son étendue ou de sa durée. Avec un degré déterminé de la force productive du travail de filage, par exemple, on produit, dans une journée de travail de 12 heures, 12 livres de filé, avec un degré inférieur, 2 livres seulement. Si donc dans un cas 12 heures de travail moyen étaient incorporées dans une valeur de 6 shillings, les 12 livres de filé coûteraient 6 shillings, dans l’autre cas les 2 livres de filé coûteraient également 6 shillings. Une livre de filé coûterait par conséquent 6 pence dans un cas et 3 shillings dans l’autre. Cette différence de prix serait une conséquence de la diversité des forces productives du travail employé. Avec une force productive supérieure, une heure de travail serait incorporée dans une livre de filé, alors qu’avec une force productive inférieure, 6 heures de travail seraient incorporées dans une livre de filé. Le prix d’une livre de filé ne s’élèverait, dans un cas, qu’à 6 pence, bien que les salaires fussent relativement élevés et le taux du profit bas. Dans l’autre cas, il serait de 3 shillings, quoique les salaires fussent bas et le taux du profit élevé. Il en serait ainsi parce que le prix de la livre de filé est déterminé par la quantité totale de travail qu’elle renferme et non par le rapport suivant lequel cette quantité totale est partagée en travail payé et travail impayé. Le fait mentionné plus haut, que du travail bien payé peut produire de la marchandise bon marché, et du travail mal payé de la marchandise chère, perd donc son apparence paradoxale. Il n’est que l’expression de la loi générale: la valeur d’une marchandise est déterminée par la quantité de travail qui y est incorporée, et cette quantité de travail dépend exclusivement de la force productive du travail employé et variera par conséquent à chaque modification de la productivité du travail.»


Parce que Marx croyait que le travail était ce qui générait la valeur économique, il conclue que les capitalistes, qui fournissent leur capital dans le processus de production, puisqu’ils ne travaillaient pas, ne méritaient pas la rente qu’il recevaient sur leur capital et qu’en la recevant, ils parasitaient le labeur des prolétaires. C’est un sophisme qui perdure depuis trop longtemps. Tout d’abord, démontrons comment le travail et la valeur économique n’ont aucune corrélation. Voici huit exemples qui démontrent les failles de la théorie de la valeur du travail.


Les failles de la Théorie de la Valeur du Travail

Faille #1: Argument de la valeur de produits obtenus de la nature: Certains produits peuvent être obtenus de la nature à un coût minime en labeur et avoir une valeur beaucoup plus grande. Supposons que je promène dans une forêt et que je ramasse une pomme tombée d’un pommier. Ramasser cette pomme n’a demandé qu’un effort minime de ma part, et pourtant en continuant mon chemin un peu plus loin et en croisant une autre personne, je peux revendre cette pomme pour un montant excédant le labeur que j’ai dépensé.

Faille #2: Le travail inutile. Certains travaux peuvent coûter de grands efforts en labeur et ne valoir strictement rien. Pendant la grande dépression, pour réduire le chômage, le gouvernement engageait des hommes pour creuser des trous et les remplir plus tard. Ces travaux stupides ne produisaient strictement rien, mais étaient très intensifs au niveau du labeur.

Faille #3: L’argument de l’effort excessif. Certains travailleurs peuvent parfois dépenser des efforts démesurés par rapport à la valeur du produit qu’ils produisent. Ainsi, un écrivain qui passerait la moitié de sa vie à écrire un livre à la main risque de ne pas retirer des ventes de son livre une valeur équivalente à de nombreuses années de travail. La valeur de son produit peut donc être moindre que le travail mis dans la production.

Faille #4: Argument de l’effort inexistant. Quelqu’un peut générer une valeur virtuellement sans faire d’effort physique. Un entrepreneur qui, par exemple, remarque que le prix d’un produit est plus élevé dans une région que dans une autre, peut mettre à profit cette information avec peu d’effort en achetant le produit où le prix est bas et en le revendant là où le prix est haut. Ou vendre cette information à un collègue en échange d’une part des profits. Encore une fois, une plus-value est générée sans travail excessif. Parce que la matière grise, ça vaut quelque chose quand on en a.

Faille #5: L’inégalité d’habileté. Certains travailleurs sont plus habiles et plus productifs que d’autres. Ainsi, le temps que le travailleur A construit une table, le travailleur B en construit deux. Les deux ont travaillé le même nombre d’heures, mais le travailleur B obtiendra deux fois plus que le travailleur A. Marx a toujours considéré le travail comme étant homogène, ce qui est complètement déconnecté de la réalité. Dans un système capitaliste, ceux qui sont plus productifs gagnent plus tout simplement parce qu’ils produisent plus.

Faille #6: L’argument de l’incitatif. Si un travailleur obtient de son travail exactement ce qu’il dépense en effort, il n’a aucun incitatif à faire cet effort, puisqu’il peut obtenir exactement le même résultat en ne travaillant pas du tout. Pour vaincre la disutilité du travail, il faut que la valeur reçue pour son labeur excède l’effort.

Faille #7: L’usage inégal du même produit. Le même objet acheté par deux personnes différentes, peut avoir une valeur différente. Une guitare achetée par un virtuose pourrait générer une grande valeur par son utilisation lorsqu’il en joue en public ou s’enregistre et vend les enregistrements. Par contre, dans les mais d’un néophyte, cette même guitare aura très peu de valeur.

Faille #8: l’utilité marginale décroissante. Deux unités d’un même produit dans les mains du même homme peuvent avoir une valeur différente. Un homme qui meurt de soif qui obtient deux bouteilles d’eau utilisera certainement la première bouteille pour épancher sa soif et sauver sa vie, mais il pourra peut-être utiliser la deuxième pour se laver, s’il n’a plus soif. Alors qu’il voudra peut-être vendre la deuxième bouteille, il refusera certainement de vendre la première à n’importe quel prix. Cette bouteille aura donc plus de valeur que la deuxième alors que les deux requièrent la même quantité de travail à remplir.

Ces huit failles démontrent sans contredit qu’il n’y a aucune corrélation entre la valeur économique d’un produit et la quantité de travail nécessaire pour le produire.

L’explication alternative: La Théorie de la Valeur de l’Utilité.

La théorie alternative qui a été mise de l’avant par des économistes qui ont suivi Marx s’appelle la théorie de la valeur de l’utilité qui dit que la valeur d’un produit ou un service est égale à l’utilité que ce produit ou service confère à son utilisateur. Plutôt que de faire une équivalence entre la valeur d’un produit et ce qu’un individu perd en le produisant, on fait une équivalence entre la valeur du produit et ce qu’un individu gagne en l’utilisant. Cette théorie explique tous les arguments contre la théorie de la valeur du travail (TVT).

Faille #1 de la TVT: Un produit obtenu naturellement avec peu ou pas de travail peut effectivement être d’une utilité à celui qui l’acquiert et ainsi produire une valeur, peu importe qu’il n’ait pas eu a travailler pour l’obtenir.

Faille #2 de la TVT: Le travail inutile n’est d’aucun bénéfice à personne et donc ne produit aucune valeur selon la théorie de l’utilité.

Faille #3 de la TVT: Selon la théorie de l’utilité, la valeur d’un produit est proportionnelle à l’utilité qu’en retire l’utilisateur, peu importe la quantité de travail nécessaire à la produire. Si la l’utilité d’un produit est inférieure à sont coût, on subira tout simplement une perte, ce qui est monnaie courante dans l’entreprise privée.

Faille #4 de la TVT: L’acquisition de certaines informations peut effectivement se monnayer et ainsi créer une valeur à celui qui utilise cette information sans nécessiter d’effort ou de travail. Parce que les idées ont une valeur aussi.

Faille #5 de la TVT: La théorie de l’utilité explique également les différences de valeurs engendrées par des différences d’habileté ou de productivité. Seul un communiste peut croire qu’un travailleur qui produit deux fois moins qu’un autre, mérite le même revenu que celui qui produit deux fois plus.

Faille #6 de la TVT: La théorie de l’utilité requiert qu’un travail productif doit générer plus de valeur que ce qu’il coûte. Il y a donc un incitatif au travail productif car le travailleur reçoit une plus grande valeur pour son travail.

Faille #7 de la TVT: La théorie de l’utilité explique également comment le même produit dans les mains de différentes personne peut valoir plus que dans les mains d’un autre.

Faille #8 de la TVT: La théorie de l’utilité explique également comment des bouteilles d’eau peuvent avoir une différente valeur pour le même utilisateur, dépendant de la quantité qu’il en a. Plus il possèdera un bien en grande quantité et moins une unité particulière de ce bien aura de valeur pour lui. Demandez à un fumeur de vous donner la dernière cigarette de son paquet, comparativement à quand son paquet est plein juste pour voir. Pourtant chaque cigarette nécessite la même quantité de travail. Mais une seule cigarette aura beaucoup moins de valeur à nos yeux si on en a 24 autres dans son paquet que s’il ne nous en reste qu’une.


Conclusion

L’assertion de Marx que les capitalistes volent aux travailleurs prolétaires la plus-value qu’ils génèrent par leur travail ne tient pas la route. Parce qu’il n’y a aucune corrélation entre la valeur économique d’un produit ou service et la quantité de travail pour le produire, l’assertion que ce travail génère une plus-value qui appartient à l’ouvrier plutôt qu’aux autres facteurs de production est tout simplement fausse. Dans la réalité, le processus de production comporte plusieurs facteurs qui ont tous droit à une redevance, le loyer pour le terrain, l’intérêt pour le capital et le salaire pour la main d’œuvre. Chacune de ces redevances doit être négociée séparément et doivent nécessairement déboucher à un accord mutuellement consenti où les deux parties profitent, sinon il ne pourrait y avoir aucun accord. Ainsi, le travail des prolétaires est « acheté » par un entrepreneur à travers un contrat de travail librement accepté par le travailleur et par l’employeur. L’employeur ne dispose d’aucun moyen de forcer qui que ce soit à signer ce contrat. Le salaire offert est généralement déterminé selon la valeur du marché pour des postes similaires parce que l’employeur doit offrir des salaires compétitifs pour attirer les meilleurs travailleurs. Ce n’est donc pas de l’exploitation, mais un accord donnant-donnant entre l’employé et l’employeur.

Si vous vous croyez exploité par votre employeur, dites-vous bien que personne ne vous a mis un révolver sur la tempe pour signer votre contrat de travail et rien ne vous empêche d’envoyer des CV à d’autres employeurs pour trouver un emploi qui paye plus. Si vous étiez vraiment exploités, vous n’auriez aucune porte de sortie. Or vous pouvez toujours prendre des cours du soir pour parfaire vos qualifications ou carrément changer de métier pour vous diriger vers une carrière plus profitable. Si vous décidez volontairement de ne pas faire d’effort pour augmenter la valeur de votre travail, c’est la faute à qui? La société? Votre patron? Foutaise!

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