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La pollution visuelle et mentale des pancartes électorales

 

En 2008, lors de la campagne électorale fédérale qui a mené Stephen Harper au pouvoir, j’ai fait à ma façon et à mon humble niveau la promotion de l’absence de pancartes électorales dans les rues. Comme je l’écrivais autrement, ces pancartes sont une grosse nuisance à l’esthétisme de l’environnement urbain et rural, en plus d’être un gaspillage de ressources. Ça ne s’arrêtait pas là :

Et question marketing, je me disais qu’un parti qui aurait eu le courage de me pas embarquer dans cette pollution visuelle aurait pu utiliser cet argent pour faire un beau coup de pub. Imaginez combien l’absence de pancarte d’un parti politique dans le paysage aurait eu d’impact si une pub avait réussi à lier fortement cette absence et ce parti.

Ce parti se serait retrouvé nulle part et partout à la fois.

Sans faire de lien de causalité, il s’est avéré qu’en 2009 Union Montréal et Vision Montréal ont décidé de ne pas s’afficher dans la ville pendant la campagne électorale municipale. On arguait que la raison principale était les coûts énormes de ce genre de campagne publicitaire. Question de mononcliser, dans mon livre à moi, c’est une autre bonne raison d’abandonner cette pratique.

Malgré cet exemple, il semble que tous les partis fédéraux vont placarder nos horizons de leurs slogans et autres sourires en plastique quand même. À notre grand dam. Alors, j’aimerais trouver une autre bonne raison de plus pour que l’avenir nous réserve un ciel plus monochrome…

Parce qu’il faut se le dire franchement, les pancartes électorales titillent tout sauf l’intelligence des gens. Elles ont peu à voir avec l’essence même de la démocratie représentative. On y présente les couleurs des partis, des slogans (l’antithèse du développement d’une idée) ainsi que des gueules figées dans le sens du plan de marketing choisi (même si la plupart du temps c’est d’un sourire plus ou moins réussi dont il s’agit). En gros, nous sommes dans le royaume des apparences, de la représentation. Ce qui est juste bon pour voter pour les mauvaises raisons.

Donc, voilà, j’accuse les pancartes électorales d’encourager la paresse intellectuelle auprès de ceux qui sont paresseux de nature. Pour qui va voter pour un candidat surtout parce qu’il a un air rassurant, nonobstant de ce qu’il prône réellement. Pour qui va voter pour cet autre parce qu’il le conforte dans ses préjugés physionomiques, avec tout ce qui vient avec : genre, origine. Sans oublier ceux qui n’iront pas voter en réaction de cette agression visuelle, quand c’est tout ce qu’ils peuvent retenir de la politique (contrairement à mes amis anarchistes abstentionnistes).

Dans ces conditions, la politique devrait se tenir aussi loin que possible de ces techniques publicitaires, qui sont par nature tapageuses, racoleuses, parfois même mensongères (et je ne me pencherai pas ici sur les messages publicitaires télé et radio). Puisqu’il n’est pas question de « vendre » quelque chose, mais bien de se choisir un moyen d’avancer. Et la meilleure façon de faire un choix de véhicule éclairé est sans conteste de faire fi des apparences et d’aller creuser, même si ça demande un effort. Qui achète une voiture en se basant seulement sur le design de la carrosserie?

Je pourrais continuer sur cette lancée en tentant de détruire aussi le traditionnel serrage de mains et même l’idée du porte-à-porte, mais bon, une chose à la fois…

(Photo : sashamd)

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Gaz de schiste : un libertarien notoire d’accord pour un moratoire

J’ai bien l’impression que la mâchoire de quelques droitistes va tomber lorsqu’ils vont apprendre que le libertarien Martin Masse est pour un moratoire sur l’exploitation des gaz de schiste. Cela aura au moins l’avantage de séparer le grain de l’ivraie…

Et je mentirais si j’écrivais que ça ne m’a pas surpris. Mais en lisant l’argumentaire, j’ai constaté que c’est tout à fait logique. Si le libertarianisme est tout à fait contre l’État, il faut bien qu’il soit pour les citoyens, et pas seulement quand il s’agit des questions économiques. Et il est limpide que la question de l’exploitation des gaz de schiste n’est pas qu’économique, a contrario de ce que le gouvernement actuel et ses copains gazants essayent de nous faire croire.

Je vais me permettre ce citer l’auteur avant de continuer :

Le «développement économique» n’est pas une valeur en soi, il doit toujours se faire dans le respect de la propriété et des droits individuels de chacun. C’est ce point de vue qui différencie le libertarianisme d’une droite affairiste et corporatiste qui vise uniquement à engranger les recettes en exploitant tout ce qui s’offre à elle et par n’importe quel moyen, y compris en s’acoquinant avec l’État. C’est justement ce qui semble se produire dans cette industrie.

Donc, ici, l’État devient le contraire de ce que j’appellerais le « syndicat général des citoyens » (je le nomme ainsi même si je sais que cette formulation donnera pour certains l’impression d’être le son des ongles grattant fortement sur un tableau noir…). Pour le formuler autrement, les retombées positives pour les citoyens semblent être dans le bas de la liste du gouvernement, puisqu’on ne prend pas au sérieux la peur légitime de retombées négatives, alors qu’il n’est pas dit lesquelles retombées pèseraient le plus dans la balance, et s’il est acceptable qu’il y en ait des négatives, globalement ou en partie.

Et, comme il est soulevé dans le texte au niveau de l’exploitation des ressources naturelles dans le sous-sol, la réglementation ne fait pas de différence entre un sous-sol en région sauvage, peu peuplée ou habitée, voilà où le bât blesse! Le gouvernement n’a qu’à décider de fermer ou d’ouvrir l’oreille selon ses désirs, selon ce que lui dicte la boule de cristal de l’électoralisme. Et en ce moment, avec un parti libéral en train d’imploser, est-ce que ce seront les décisions de la dernière chance? (« Take the money and go, Johnny go! »)

Quant à la question de la pollution versus les industries que Martin Masse soulève, je suis tout à fait d’accord, même que j’ai toujours considéré les pollutions comme étant liberticides :

avec la nationalisation non seulement du sous-sol, mais de l’environnement dans son ensemble, la pollution, qui devrait être considérée comme une atteinte à un droit de propriété, est devenu un problème d’«externalité» géré par l’État au moyen d’une réglementation. Dans les faits, l’État donne depuis plus d’un siècle des permis de polluer à des industries et empêche les victimes de poursuivre les pollueurs. On ne peut ainsi s’opposer au «développement économique» si ça fait l’affaire du gouvernement et de ses copains du secteur privé qui finance sa caisse électorale, même si ce développement nous agresse, détériore notre environnement et notre propriété et tue notre qualité de vie.

Par contre, j’ai un peu de difficulté avec l’idée du « droit de propriété » dans ce contexte, que je remplacerais par une formulation plus proche du « droit au respect », ce qui serait plus global. Je pense par exemple à un respect égal, à un endroit donné, des propriétaires et des locataires, ce que le « droit de propriété » ne suggère pas.

Autre bémol, j’en ai contre cette vision, détaillée en conclusion :

Voilà un bon dossier où les libertariens doivent absolument se démarquer de la droite affairiste et corporatiste et défendre les citoyens ordinaires pour rester crédibles, même si ça signifie qu’on se range pour une fois du côté des bien-pensants étatistes.

Je ne crois vraiment pas que l’expression « bien-pensants étatistes » ait tellement de prise sur la réalité. Combien de citoyens impliqués se réclament clairement et réellement de l’étatisme? Pour la plupart des gens, l’État est un (bien ou un) mal nécessaire, qui en soi relève plus de la tradition que du désir. Il est (supposément) utile et s’il s’avère franchement un jour ne plus l’être, j’espère bien que ce ne sera pas la tradition qui le maintiendra en vie…

Si les citoyens, même les artistes, se dressent pour contester le chemin qu’emprunte l’industrie gazière et le gouvernement, ce n’est assurément pas pour glorifier la pensée étatiste! Il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes!

(Photo : Shandchem)

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Conflit au Journal de Montréal : de l’antisyndicalisme primaire

 

Comme on le sait, dans le conflit opposant le Journal de Montréal à ses employés en lock-out, l’offre patronale a été refusée par un pourcentage de 89,3%. En plus d’une prime de départ, Pierre-Karl Péladeau demandait un démantèlement de Rue Frontenac et réclamait « que les employés de la rédaction s’engagent à ne pas travailler pour ses concurrents ».

Mon avis sur le phénomène global de la syndicalisation n’est surtout pas aveuglé de positivisme, mais dans ce cas précis, je ne peux que lever le pouce!

Mais à la base, il faut regarder la syndicalisation d’un oeil réaliste. Ceux qui voudraient la balayer du revers de la main et faire comme si elle n’existait pas manquent de respect envers les individus travailleurs bien plus qu’envers les leaders de ces syndicats. Et la société est l’amalgame de toutes ses parties, il ne faut jamais l’oublier, surtout dans ses critiques.

J’en ai eu une preuve tout récemment dans un billet du blogue « Trop penser, ça donne un blogue… » :

Si demain mon employeur change sa manière de gérer l’entreprise et ça ne fait pas mon affaire, la première chose à faire, c’est de me chercher une autre job. C’est sa business, si je suis pas content, je n’ai pas à rester.

On le voit en comparant Rue Frontenac et le Journal de Montréal, les syndiqués et PKP veulent aller dans des directions opposées. Pourquoi alors continuer à travailler ensemble? Pourquoi PKP serait-il celui qui devrait céder si c’est SON journal?

[…]

Ils sont dans leur droit de refuser le jeu proposé par PKP, à savoir la convergence et la pub corporative, mais je ne vois pas d’autre sortie dans ce cas que de quitter leur emploi.

En passant, avant de me tirer des roches, sachez que je trouve qu’il y va fort un peu avec ses clauses strictes de non-concurrence. Mais à part de ça, qu’ils aient un peu d’honneur et qu’ils aillent travailler pour des gens qui ont les mêmes visions entrepreneuriales!

 

Oui, PKP peut aller où il veut! Mais il ne peut pas faire abstraction que ses employés sont syndiqués et que logiquement ils ne vont surtout pas abandonner cet avantage alors qu’il les a poussés en dehors de son entreprise par un lock-out (et même si c’était une grève, ça reviendrait pratiquement au même).

On pourrait appeler ça de l’antisyndicalisme primaire, puisque son existence est niée, presque autant du côté de PKP que du blogueur. On a beau remettre en question les raisons derrière ce conflit du côté des employés, il serait ridicule de croire qu’ils auraient tous eu le réflexe de démissionner tout bonnement au lieu de se battre. C’est un fantasme entrepreneurial, tout comme la disparition totale et absolue des syndicats…

Et puis, cette idée de vouloir détruire Rue Frontenac et de vouloir empêcher les employés remerciés de travailler chez les compétiteurs est une autre preuve de ce déni idéologique. Ces deux idées sont incompatibles avec l’essence même d’un syndicat, qui est de protéger le plus possible ses membres. Mais il ne faut pas oublier que les membres ont toujours le dernier mot sur toute décision!

La création de Rue Frontenac est une conséquence directe de la mise en lock-out et hypothétiquement ce site pourrait être une solution aux problèmes de plusieurs travailleurs, dans le cas d’un règlement (et donc des mises à pied). Alors, pourquoi accueilleraient-ils ce désir de démantèlement avec le sourire? C’est vraiment prendre tout le monde pour des imbéciles, étant donné que les mises à pied que voudrait PKP sont de l’ordre de 80%. Idem pour ce qui est d’un engagement à ne pas travailler pour les concurrents. Pas tellement besoin d’expliquer pourquoi!

Ce retour à la table de négociation ressemble beaucoup à une mise en scène. Dans le fond, je soupçonne Pierre-Karl Péladeau de ne pas vouloir que ce conflit se règle et par le fait même d’en profiter pour casser du sucre sur le dos des syndicats. Parce qu’en plaçant son offre généreuse de bonifier les indemnités de licenciement en contradiction avec « ses clauses strictes de non-concurrence » franchement injustes, cela démontre surtout qu’on refuse du côté syndical la générosité d’un patron, dans un contexte où l’image des syndicats est passablement ternie dans l’opinion publique.

Pour me faire croire à sa bonne foi, il faudrait que PKP revienne rapidement avec une offre sans les deux clauses surréalistes.

J’en serais très surpris. Mais bon, ça peut parfois être agréable de se faire surprendre.

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