Quelle sera la part du Web citoyen dans le déroulement de l’élection déclenchée cette semaine au Québec? La question se pose d’autant plus après la petite tempête qui a suivi l’éditorial de Marie-Andrée Chouinard intitulé «le poids du blogue». Madame Chouinard se demandait si le fait que le parti conservateur du Canada invite des blogueurs à son congrès de la mi-novembre ne risquait pas de mélanger deux genres (celui pratiqué de plus en plus mal par les journalistes et celui hautement subjectif des blogueurs). Le doigt venait, pour ainsi dire, d’être mis sur le bobo.
Au-delà des réactions engendrées par les propos de Marie-Andrée Chouinard qui ne percent guère le lectorat somme toute assez limité des blogues où elles ont été publiées (soit par des blogueurs, soit dans les commentaires), la question fondamentale demeure celle de la qualité de l’information dont les citoyens devraient disposer pour se faire une opinion avant d’aller voter le 8 décembre. En quoi le Web peut-il ou non contribuer au rehaussement de cette qualité?
Marie-Andrée Chouinard a bien compris à quel point les blogues font désormais partie de la donne politique (davantage au Canada anglais d’ailleurs qu’au Québec): «impossible désormais de faire abstraction de l’abondance d’information qui circule sur la blogosphère, ni même de nier la popularité de ce médium» a-t-elle écrit dans son éditorial.
Mais encore.
Les blogues – nous en témoignons ici après tout – sont devenus des points de convergence pour plusieurs. Sont-ils pour autant devenus des points de référence? Avons-nous ici, comme chez nos voisins états-uniens ou chez nos cousins français par exemple, des blogueurs qui ont une influence assez grande pour changer l’opinion publique?
Mardi soir passé, j’ai suivi la soirée électorale américaine sur le site de CNN qui offrait une diffusion vidéo en continu. À un moment de la soirée, alors que Barack Obama avait été proclamé élu, des blogueurs sans affiliation médiatique (la précision est importante) ont été appelés à commenter en direct les résultats du vote.
Quel blogueur d’ici sera appelé par un réseau (LCN, RDI) le 8 décembre au soir?
N’empêche que les blogues sont l’emblème par excellence d’un phénomène sans précédent qui va forcément aller en s’amplifiant dans les années à venir: de plus en plus de citoyens vont avoir non seulement les moyens d’intervenir directement sur la place publique sans passer par les médias traditionnels, mais aussi un niveau d’attention publique que seuls les médias peuvent générer en ce moment. En cela le Québec ne fera que suivre la voie tracée ailleurs.
C’est encourageant, mais selon moi ce n’est pas suffisant pour qu’enfin les citoyens inversent les rôles politiques. Il nous faut passer à une nouvelle dimension médiatique, dans laquelle le mot citoyen puisse prendre son véritable sens.
Imagineons, par exemple, des agoras virtuelles où les idées et les propositions mises de l’avant par les partis politiques sont examinées à leur mérite par des citoyens en mesure d’éclairer le débat parce qu’ils sont des spécialistes dans tel ou tel domaine.
«Vendons une partie d’Hydro-Québec», lance l’ADQ. Aussitôt, sur une telle agora virtuelle, la proposition fait l’objet d’un échange où des économistes de diverses tendances, mais aussi des citoyens non-économistes, en mesure de comprendre les enjeux et de confronter ces tendances, donnent leurs points de vue.
Mettons-nous à rêver encore davantage: pourquoi de telles agoras virtuelless ne seraient-elles pas mises à la disposition des citoyens par l’Assemblée nationale du Québec en tant qu’institution totalement apolitique, mais soucieuse de permettre à tout citoyen qui le veut de participer aux débats d’idées auxquels devrait donner lieu une campagne électorale.
Peut-être aurions-nous le prétexte pour enfin développer un Internet citoyen accessible à tous parce que gratuit ou à un coût minime.
Il n’est pas interdit de rêver.