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Trancher ce chef qui ne savait rien voir

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Comme dans Starmania, « il se passe quelque chose à Metropolis ». Aux Hexagonaux qui pensent que les égouts de Clearstream ont reflué dans la Seine, je dis : consolez vous, on a en a aussi plein les arpents de neige.. Et au pays des grands espaces, c’est toujours plus gros. Pas dans le sens de long et de large, mais dans le sens d’épais et de mal dégrossi…

Pourquoi je vous en parle à vous ? Parce que ça me permet de prendre un peu de distance et de résister à la tentation d’aller lancer des cailloux sur ce balcon d’où de Gaulle a parlé . Mal dégrossi ? Tenez, jugez par vous mêmes. ….

«Aujourd’hui, on a eu l’occasion de démontrer hors de tout doute que c’est un bon projet pour Montréal, que c’est un coût qui est très compétitif à comparer avec Toronto et Ottawa, et finalement, que c’est un processus transparent, qui respecte les règles de l’art» …..

«Le vérificateur général conclut que le contrat a été octroyé dans un contexte qui ne favorisait pas l’obtention du meilleur prix. À l’évidence, il y a eu des accrocs à des étapes cruciales du processus, qui m’apparaissent inacceptables. »

On parle bien du même contrat. Un contrat pour l’installation de compteurs d’eaux, prévu pour 32 millions de dollars au départ et qu’on évalue maintenant à 618 millions… Et c’est bien le même homme qui parle : Gerald Tremblay, Maire de Montréal. La première déclaration est du printemps, la seconde de l’automne ; l’été à porté conseil ? En fait, l’été a apporté bien des critiques, mais une seule a été entendue : une critique assassine du Vérificateur général – pensez Cour des comptes – qui ne laisse pas indemne un seul aspect de ce contrat. Un massacre.

Plein de trous, d’erreurs, de souçons de malversation et de corruption. Surtout, des clauses importantes de ce contrat – le plus important de l’histoire de la ville – ont été modifiées en cours de route, sans que le Comité Exécutif, l’organisme responsable pour la ville en ait été même avisé. Rien de subtil. Cette casserole est une casserole.

Ainsi, le fardeau du financement du projet a été transporté du fournisseur de services, le consorcium GÉNIeau… à la Ville elle-même ! …. Inusité… et un changement qui vaut de l’or pour le fournisseur, quand on parle de centaines de millions de dollar et d’un projet dont la côut initial s’est multiplié par 19 !

Ces faits amènent un chroniqueur vedette du plus grand quotidien de la ville (Yves Boisvert, de La Presse) à paler d’un “ plan croche monté par des gens croches”. – « On n’a pas la preuve« , dit-il, « mais pour qui sait lire, c’est l’histoire d’une collusion et d’un trucage »…. Ca paraît mal… Or, vous ai-je dit qu’il y a des élections à Montreal ce premier novembre 2009 et que le Maire – et toutes les autres créatures politiques mêlées à cette affaire – vont devoir faire face au jugement des électeurs leurs créateurs ? Alors Monsieur le Maire a réagi…

Le Maire Tremblay, a réagi en montrant la porte au Directeur général et au Directeur principal du Service des affaires corporatives, les deux (2) plus importants fonctionnaires de la ville. Deux fidèles de la première heure de sa garde prétorienne politique. Les deux épaules, pourrait-on on dire, que couronne le chef de cette administration municipale. On a donc le scénario traditionnel. Trahi par ses lieutenants, un maire, victime innocente qui n’a rien vu, corrige énergiquement la situation. Circulez, plus rien a voir…

Un scénario d’autant plus crédible, que l’épaule qui aurait dû se soulever pour bloquer ce jab et que le chef ne le prenne pas en pleine gueule n’en est pas a sa première distraction. Le Directeur principal du Service des affaires corporatives qui n’a rien vu n’est pas un inconnu. Avocat, c’est lui, il y a quelques mois, qui avait suggéré qu’on procède à une privatisation partielle de la Société d’Habitation et de Développement de Montréal en s’appuyant sur un avis juridique interne, plutôt que d’en référer à Québec.

Une malencontreuse décision, contestée dès le depart, qui a conduit à des operations troubles et finalement à une enquête policière toujours en cours.

On a donc « ce pelé, ce galeux d’où nous vient tout le mal » et le maire peut flotter allegrement au dessus des nuages… À moins qu’on ne se demande pourquoi ce premier problème est arrivé sans que le Maire y voit clair… et pourquoi il a laissé en place le responsable, lui permettant une autre erreur à laquelle le Maire n’a pu non plus rien voir… Et quand on se le demande, on voit d’autres faits gênants.

D’abord, les deux « congédiés » ne l’ont pas été, même si le raport du Vérficateur général laisse supposer un faute grave qui l’aurait justifié ; ils sont “partis”… avec une indemnité de départ qui représente au total 426 564 $. Même en leur donnant le bénéfice du doute qu’il ne s’agit que d’incompétence, c’est une bien jolie prime à l’incompétence.

Et ce n’est pas tout… Quand le Chef de l’opposition officielle de cette démocratie quasi parlementaire qu’est la gouvernance de Montréal propose de réunir d’urgence les élus en conseil extraordinaire pour annuler le contrat de GENIeau au plus tôt et limiter les dégâts, le maire s’y oppose. Il préfère que « le contentieux de la Ville se penche calmement sur la procédure d’annulation du contrat... », renvoyant l’annulation du contrat en novembre, après les élections, ce qui occasionnera des millions de dollars de frais supplémentaires aux Montréalais !

Dans cette affaire nauséeuse de plus d’un demi milliard de dollars, ces petits millions paraissent une vétille, mais n’a-t-on pas l’impression d’un vieux film en noir et blanc, quand le cambrioleur qui a embarqué les Rembrandt du château prend le temps de mettre le pot de caviar du frigo dans sa poche avant de quitter les lieux du forfait ?

Jean Cournoyer, un de mes vieux confrères de classe, ex-politicien devenu journaliste, disait hier du Maire Temblay : « Si j’etais lui, je sacrerais mon camp » C’est l’opinion de la plupart des gens que je rencontre, lesquels sembleraient souhaiter qu’il laisse a son parti la chance de présenter un autre candidat… Mais rien ne permet de croire que Gerald Tremblay ne se présentera pas malgré tout à ces élections. On sent chez ceux qui trempent dans cette histoire la désinvolture qui accompagne l’assurance d’une parfaite impunité, comme s’il n’y avait nulle part un pouvoir et une justice qui pourraient intervenir.

Ce qui suscite des questionnements, car ce pouvoir qui pourrait intervnir, c’est celui du gouvernement – Libéral – du Québec. Or le maire est un ancien ministre Libéral, et cette administration qu’on pourrait soupçonner de piller Montréal sans aucune vergogne est une cohorte d’anciens libéraux que Gerald Tremblay y a trainée dans son sillage.

Denis Lessard, comme Boisvert un journaliste respecté, publie aujourd’hui une liste édifiante des liens entre l’administration Tremblay et ce gouvernement de Québec qui devrait la surveiller… et toute une liste de projets qui semblent une caution de cette administration.

Aggravant l’inquiétude, ce Gouvernement Charest à Québec rejette du revers de la main la proposition d’une enquête publique sur les nombreuses allégations de malversations dans le secteur de la construction dont cette affaire de compteurs d’eau semble un simple élément.

On découvre aussi que la firme Pricewaterhouse, dans un rapport de 2006 qu’on avait gardé jusqu’ici bien discret, disait que le processus d’appel d’offre de la Ville était vicié, ne permettait pas une véritable comcurrence et conduisait à ne donner les contrats qu’a une demi-douzaine de compagnies… Comme celles du consorcium GENIeau, par exemple. Ce qui rappelle que le Gouvenement de Québec a aussi la responsabilité de jeter un oeil sur ces procédures d’appels d’offres… On est un peu inquiet.

Alors, chers cousins, une bonne pensée pour nous. Car quand des amis qui vivent pour l’indépendance du Québec me demandent si la Cour Supérieure – une juridiction fédérale – n’a pas un droit de contrôle sur toutes ces choses et si la Gendarmerie Royale du Canada ne pourrait pas en dernier recours nettoyer ces écuries d’Augias, je sens que avons quelques ennuis, nous aussi… Pour cette question de la GRC, j’ai dit que je me renseignerais…

Pierre JC Allard

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La RACJ… et la fierté

Comme je voyage beaucoup dans des pays où ce genre de questions est posé, on me demande souvent si je suis fier d’être Québécois. C’est une question rhétorique et qui n’engage à rien, comme « Comment allez-vous », prétexte pour vous faire flagorner votre bled natal et en tirer l’excuse pour vous vanter le sien. Evidemment, on dit toujours oui, mais la prochaine fois je vais dire non. Pas cette semaine. Je ne suis pas fier et je ne le serai pas avant qu’on ait changé des choses.

Je ne puis pas me dire fier d’un pays où une Société d’État, dans le cours de ses opérations, fait de la fausse representation, du vol de droit d’auteur et dépose un document à la Cour avec l’intention de tromper. Yves Boisvert de Cyberpresse nous dit que c’est grave. Il est bien pudique; je crois que c’est criminel.

Des fonctionnaires responsables d’une Société d’État ont été partie à la commission d’un acte criminel. Je me dirai fier du Québec quand on aura corrigé les renseignements qu’on a donnés à la justice pour l’induire en erreur. Quand on aura réparé les prejudices causés. Quand on aura puni les coupables.

Que s’est-il passé ? La Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) charge Yves Boisvert – pas le journaliste, mais son homonyme, responsable du laboratoire d’éthique publique de l’INRS – de préparer un étude sur les loteries vidéo et le jeu compulsif. Celui-ci s’adjoint trois autres universitaires: Yves Bélanger, Élisabeth Papineau et Harold Vétéré. Ils font et remettent leur rapport. Tout baigne.

Tout baigne, mais la RACJ n’aime pas les conclusions du rapport dont il apparaît, manque de pot, qu’il devra sans doute être versé au dossier d’un recours collectif intenté par les joueurs pathologiques contre Loto-Québec. Beaucoup de fric en jeu… Angst. Que faire ?  

Dans un pays sous régime de droit et d’éthique, on respecterait le rapport présenté, en tentant peut être de le contredire. Dans un pays sous régime de magouille – disons régime de bananes, pour être délicat – il y a une autre option.  On remplace le rapport qu’on n’aime pas par un rapport qu’on aime – le premier, tout simplement, mais amputé de ce qu’on n’aime pas ! – et on produit ce deuxième rapport au tribunal. TRES indélicat.

On produit le rapport tronqué, changeant simplement le titre sur la page couverture. Au lieu d’une étude sur la gestion des appareils de loterie vidéo mettant en lumière la responsabilité de l’État québécois en matière de jeu pathologique, il ne reste qu’un “Rapport sur la gestion des appareils de loterie video”… qui est essentiellement une analyse de sondage. Et voila ! 

Un petit subterfuge qui protège les milliards qu’apporte à l’État ce qu’on pourrait appeler la « Regie d’exploitation des vices et assuetudes » : l’organisme qui compense ce que notre fiscalité pourrait avoir de trop progressif, en allant chercher du fric chez les moins riches. Car ce ne sont pas les nantis qui contribuent la plus forte proportion de leur revenu au jeu; ce sont ceux qui n’ont pas beaucoup … et qui ont besoin d’espoir.

Le comportement de la RACJ en cette affaire est immoral et illegal. Raymond Viger, mon collègue sur ce site, s’y connait en moralité...   Yves Boisvert – pas le chercheur, le journaliste –  s’y connait indubitablement, lui, en légalité. Il accuse ici aussi brutalement que Zola. Il demande si l’on va  enquêter sur ce tripotage en haut lieu. Va-t-on lui répondre « en haut lieu » ? Ce n’est pas une question rhétorique, car tout citoyen peut porter plainte. S’il n’y a pas de réponse, on verra à qui la chance et l’honneur de rétablir la dignité du Québec…

Pierre JC Allard

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