Archives mensuelles : mars 2014

Huit (8) millions d’Insignifiants

00X jordi bonnet

 

–      Dites donc, Allard, c’est pour moi que vous dites çà ?

–      Non, mon cher Machin ; le simple fait que vous posiez la question vous rend déjà signifiant, au moins un peu… Je pense à Quidam Lambda, qui lui ne s’en pose pas, des questions, parce qu’il a toutes les réponses. Celui qui SAIT que tous nos politiciens sont des fripouilles et des ordures… et « insignifiants », pour la bonne mesure…. Depuis une semaine, je n’entends que çà : Couillard, Marois et les autres sont « insignifiants, leurs programmes sont « insignifiants », l’avenir qu’ils proposent est « insignifiant »…

–      Parce que vous, Allard, vous trouvez que ce que disent nos politiciens est intelligent ?

–      Ne  confondons pas ! On parle de signifiance… 

***

Nos politiciens sont EXTRÊMEMENT signifiants : ils sont la représentation tout à fait appropriée de ce que nous sommes comme société. Il se dégage d’eux des effluves bien signifiantes, confortables. La portée des chiots se reconnaît et se sent bien dans l’odeur de la chienne. Il n’y a que  ceux qui ne comprennent pas le Québec pour être insatisfaits , par exemple, des  réponses de Couillard quand on lui parle de comptes bancaires  à Jersey.

Ce que dit Philippe Couillard, est pourtant clair. «  Si, jeune médecin, je suis allé vivre pendant des années avec des éleveurs de chameaux parvenus, c’était naturellement pour faire un maximum de fric.  Vous croyez que j’aurais dû me priver de mettre ce fric là où il me donnerait le plus d’avantages ?   Est-ce qu’il y a un lambda parmi vous, les quidams québécois, qui, à ma place, n’aurait pas fait la même chose que moi ?  Allez, soyons sérieux…. ! »

Et quand on fronce les sourcils parce que  Madame Marois, Ministre de son état, a eu Claude Blanchet son conjoint, en charge de la Caisse de Dépôts et Placements,  facilitant certainement grandement leurs opérations, pense-t-on qu’il y a, au Québec, beaucoup de gens qui, ayant le pouvoir de le faire, n’auraient pas aussi donné un job juteux à leur conjoint, si celui-ci avait eu le CV qui permettait de le faire sans trop de scandale ?   S’il y en a qui veulent le dire, faudrait filmer et appeler Rozon…

Je pense au témoignage de Luc Lambert devant la Commission Charbonneau. Voyez ci-dessous… Il faut le lire.

http://www.les7duquebec.com/non-classe/quidam-lambert-est-il-quidam-lambda/

L’impunité acquise. Lambert a bien rigolé… Et l’on a eu le témoignage le plus sincère de ce spectacle  à grand déploiement où il est apparu  que tout le monde et son père avait trempé dans la corruption autant qu’il le pouvait,  et qu’il valait mieux cesser de  condamner si on voulait garder assez de « présumés innocents » pour que  le système fonctionne et que les travaux de voirie à Montreal se fassent…

Notre classe politique est parfaitement  « signifiante » . Elle signifie ce que nous sommes. … Elle reflète la conscience permissive, élastique d’une société qui n’a pas seulement renoncé à ses valeurs, mais les a reniées et maintenant les dénonce…. Aujourd’hui, est perçu comme « insignifiant » dans tous les sens du terme, incluant son acception la plus populaire, celui qui ne profite PAS de tout et de tous autant qu’il le peut.  Je ne crois pas y ait beaucoup d’insignifiants chez nos politiciens…

–      Allard, vous jouez sur les mots. Vous voulez dire que l’indélicatesse dont on soupçonne nos politiciens est SIGNIFICATIVE de ce qui est devenu la morale dévoyée, acceptée comme la norme, de notre société. Mais on parle ici de « signifiance », dans le sens d’avoir une certaine importance….

Cette précision m’oblige à attirer l’attention sur une réalité désagréable. Si nos politiciens paraissent si nuls et interchangeables qu’on ne voit plus ce que modifierait le choix de l’un plutôt que de l’autre, ce n’est pas seulement que les politiques qu’on applique obéissent maintenant à leur seule logique d’efficacité qui ne laisse place a aucune fantaisie, mais aussi que la plupart d’entre nous ne sommes plus que des rouages d’une machine « Société » dont le déterminisme est à l’abri de nos caprices.

Supprimez à peu près n’importe qui de la structure sociale et il sera remplacé sans heurts par un autre lambda qui fera ce que son prédécesseur aurait fait ou aurait dû faire: poser les gestes prévisibles d’un total égoïsme et d’une parfaite amoralité. Seuls les irrationnels sont devenus irremplaçables – et doivent être remplacés – quelques fous, quelques artistes…. Les autres sont interchangeables… porteurs d’aucun signe distinctif et donc insignifiants au sens strict.

Et il y a encore pire…. Car non seulement il y a un ou plusieurs substituts aptes à remplacer chacun (ou presque) d ‘entre nous qui ne serait pas dépourvu de toute signifiance, mais il est de plus en plus évident, dans notre société de technologie et d’abondance, que la solution la plus efficace, pour le bon ordre et la productivité, serait presque toujours de ne substituer personne à celui qu’on remplace … et à ce qu’il faisait rien du tout ! 10% de la main-d’œuvre suffirait à produire  pour tous nos besoins et désirs matériels.  On ne travaille plus pour produire, on produit pour travailler. Pour créer du sens….

Bien sûr, nos besoins en SERVICES, eux,  sont infinis, mais il faut se souvenir que c’est NOUS qui les définissons, à partir de consensus que nous créons aussi…. et rien pour l’instant n’indique un transfert de nos ressources vers la satisfaction de nos besoins, de nos désirs ou même de ces consensus…. Ce que nous faisons sur cette planète n’est plus si différent de cette agitation qui fait tourner l’écureuil dans sa cage.

Vous, moi, ni personne ne sommes plus occupés de façon  vraiment « signifiante ». Nous jouons pour la plupart du temps des jeux de rôles, dont l’importance est fixée de façon arbitraire, par décision d’un pouvoir dont nous avons une crainte largement révérencielle.   L’exemple emblématique en est cette vaste bureaucratie qui ne produit rien, mais qui peu a peu prolifère, non seulement dans le secteur public, mais dans le secteur privé également, où le nombre de subordonnés devient pour chacun l’indicateur de sa présumée utilité sociale … que rien ne vient corroborer. Le temps de travail se passe à l’exécution de tâches inutiles. Il n’y a guère que le secteur de la santé où l’on apporte un plus, et encore ce secteur est-il gangrené par une recherche éhontée du profit qui transforme en simple sous produit le bien qui en sort.

Rien ne se produit dans notre société dont le travail qu’il requiert ne soit multiplié par 10, par des ajouts de pure connivence, pour alimenter une classe parasitique dont on veut le soutien pour soutenir une gouvernance commise au maintien de l’injustice. Le système de production se vautre dans l’insignifiance des fonctions qu’on y a créées, diminuant dans la même proportion les biens et services dont on pourrait jouir si on faisait oeuvre utile. On cherche ainsi à maintenir dans la société qui a atteint l’abondance une pauvreté garante de la  stabilité de la classe dirigeante. Cette pauvreté repose sur l’insignifiance de ce qu’on oblige à y faire

Faut-il s’étonner que, dans ce contexte d’insignifiance globale, la politique devienne la pointe du iceberg, avec cette absence de signifiance  de ceux qui en sont les acteurs devenant de plus en plus ostensible, au  rythme où l’essor des communications la met en pleine lumière ?

Dans une société ou le pouvoir de décision appartient à qui a la richesse – et s’applique via une expertise qu’incarne le fonctionnariat –  le dispositif politique démocratique n’a d’autre fonction que de plaire à la population. Celui qui l’exerce le mieux est donc celui qui semble le plus plaisant.  Ce ne sont pas nos dirigeants qui sont « insignifiants » ; c’est du système démocratique lui-même qu’il faut réévaluer la « signifiance »

Comme nous tous, comme acteurs sociaux, devons réexaminer les critères pour évaluer la nôtre. Consolation ou ultime confirmation de cette problématique, il est bon de se souvenir que huit millions d’insignifiants programmés au Québec ne sont que 1 sur 1000 des huit milliards que nous serons d’ici quelques mois en ce bas monde. Tous soumis aux mêmes contraintes… et dont la signifiance d’aucun n’est donc pas plus que la nôtre à tenir pour acquise.

Hier, les Français se sont rendus ridicules en allant voter pour rien… On l’est ou on le fait ?  les Québécois doivent-ils agir de même  le 7 avril prochain ?

ABSTENTION

À la prochaine et à toutes celles qui suivront, tant que les regles du jeux n’auront pas changé.

 

Pierre JC Allard

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