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Le désastre du cégep anglais

La nouvelle étude de l’Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA), publiée aujourd’hui, est dévastatrice. Elle sonne le glas pour tous ceux qui croyaient encore, naïvement, que l’accès élargi au cégep anglais ne conduisait pas à une intégration en anglais. La conclusion de cette enquête exhaustive, la plus vaste menée sur la question à ce jour, est sans appel: la fréquentation du cégep anglais mène à l’utilisation de l’anglais dans la vie privée, en public, au travail, dans les commerces et dans la consommation de biens culturels. Étudier dans un cégep anglais, c’est s’éloigner de la communauté nationale francophone québécoise pour rejoindre la majorité anglaise continentale.

Cette enquête magistrale nous apprend que:

  • 93% des allophones du cégep français utilisent principalement le français dans les commerces en tant que clients, contre près de 40% pour ceux qui vont au cégep anglais;
  • 81% des allophones du cégep français travaillent principalement en français, contre40% pour ceux qui fréquentent un cégep anglais;
  • 35% des allophones du cégep français utilisent principalement le français à la maison, alors que cette proportion s’effondre à près de 4% pour ceux qui étudient dans un cégep anglais;
  • 85% des allophones du cégep français ont des amis francophones, contre 15% au cégep anglais;
  • 45% des allophones du cégep français préfèrent écouter des films en français, contre un famélique 3% au cégep anglais;
  • Près de 56% du temps d’écoute télévisuelle chez les allophones du cégep français est consacré à des émissions en français, contre 22% au cégep anglais.

Même les francophones de langue maternelle sont systématiquement attirés vers la culture anglaise dès qu’ils fréquentent un cégep anglais. Si 97% des francophones fréquentant le cégep français utilisent principalement le français dans les commerces, ils ne sont que 64% au cégep anglais. Si 91% des premiers travaillent en français, ils ne sont que 60% des seconds à le faire. Si 65% des francophones du cégep français écoutent des films en français, cette proportion chute à 12% pour ceux fréquentant un cégep anglais.

Quant aux anglophones, leur intégration est si catastrophique que la situation semble irréversible: sur un échantillon de plus de 600 anglophones, aucun n’est passé du secondaire anglais au cégep français. Aucun comme dans zéro, niet, NOTHING. Les anglophones ayant étudié en anglais rejettent systématiquement le cégep français et l’ensemble des anglophones de langue maternelle au cégep anglais sont imperméables à toute forme d’utilisation de la langue française comme langue d’usage. Tournant le dos à une société de Québécois qui (sur)financent pourtant leurs institutions, les anglophones du cégep anglais ne sont que 0,3% à écouter du cinéma en français et seulement 4% à avoir des amis francophones. Des résultats aussi homogènes nous obligent à considérer au mieux ces anglophones comme des gens incroyablement fermés à la société québécoise, au pire comme des racistes méprisant la nation qui leur consent pourtant le privilège d’une éducation publique beaucoup mieux financée que ce que suggère leur poids démographique.

BANG! Vous entendez ce bruit? C’est celui de l’effondrement de l’argumentaire de ceux qui croient qu’il n’est pas nécessaire d’appliquer la Loi 101 au cégep. Cette étude démontre exactement le contraire. Il n’y a plus de faux-fuyants. On ne peut plus fuir nos responsabilités nationales en se cachant derrière le mythe de « l’intégration douce » des immigrants. L’intégration douce, ça ne marche pas, surtout quand les cégeps anglais, devant théoriquement s’adresser à une minorité historique anglaise formant 5,4% de la population, reçoivent près de 16% du budget total alloué au réseau collégial – le triple de ce que justifie le poids démographique des anglophones de langue maternelle nés au Québec. La seule chose qui soit douce, en ce moment, c’est notre dos, pendant qu’anglophones et allophones s’essuient les pieds sur celui-ci et qu’ils profitent de l’argent de nos impôts pour refuser de s’intégrer à notre communauté nationale.

L’étude reprend également une partie de la conclusion d’une analyse sur l’intégration des immigrants publiée plus tôt cette année:

« L’attirance pour le français passe par le développement d’un sentiment d’appartenance à la « communauté » francophone. Ce sentiment d’appartenance se nourrit ainsi de liens sociaux établis au sein de réseaux francophones, grâce à des relations commerciales, de travail ou d’affaires, grâce à la participation à la vie de quartier, à des manifestations culturelles, à des activités de certaines associations ou à la vie politique à différents paliers, et grâce à la fréquentation de lieux de culte, par exemple. Pour toute personne – c’est donc le cas pour les immigrants et pour les québécois anglophones –, le sentiment d’appartenance à la société se développe souvent beaucoup plus par la multiplicité des liens avec divers groupes sociaux précis que par le fait de se sentir inclus dans une collectivité nationale. »

En clair, on ne s’intègre pas à la communauté québécoise nationale parce que nous sommes gentils, aimables, parce que nous présentons nos fesses à toutes formes de bottes et que nous nous faisons violence pour accommoder l’autre. On s’intègre à la communauté québécoise parce qu’on y établit des liens sociaux, amicaux, professionnels et qu’on participe à un milieu de vie résolument français. Et ces liens s’opèrent en anglais lorsque le milieu collégial offre un accès généralisé à une culture anglophone américaine et globalisée favorisant l’intégration continentale au détriment de l’intégration nationale.

Ce n’est donc pas ce sempiternel à-plat-ventrisme québécois déguisé en ouverture qui incite les allophones à s’intégrer en français, mais plutôt notre capacité à leur offrir un milieu de vie francophone à un âge où ils font leurs choix professionnels et se tissent des réseaux qui leur serviront pour le reste de leur vie.

AGIR MAINTENANT

On ne peut plus se permettre d’attendre: il faut appliquer la Loi 101 au cégep dès maintenant et en finir avec un déséquilibre du financement pénalisant les cégeps francophones. Il est inadmissible que nous continuions à sur-financer des cégeps anglophones au-delà du poids démographique des anglophones de langue maternelle et que nous permettions aux allophones de rejeter notre communauté nationale au profit d’une culture anglophone menaçant notre capacité à assurer la survie du seul État français d’Amérique du Nord.

L’application d’une telle loi linguistique s’avère non seulement en conformité avec l’esprit de la Loi 101, qui exprimait le désir de ne financer un réseau public anglophone que pour la minorité anglaise historique, mais il s’agit également d’une normalité internationale. Rappelons-le: nous sommes une des seules nations au monde à financer deux réseaux d’éducation parallèles et publics dans deux langues différentes et sur un même territoire. Cette exception, où nous sous-finançons notre propre réseau national au profit d’un réseau anglophone qui devrait servir strictement aux anglophones « de souche », constitue une aberration et mène à la situation catastrophique exposée dans cette étude.

L’application de la Loi 101 au cégep, loin d’être une mesure radicale, constitue plutôt un ajustement découlant de l’amer constat que, trente-trois ans après que la loi originale ait permis l’intégration des allophones en français au primaire et au secondaire, la normalisation des études dans la langue nationale aux niveaux inférieurs n’incite pas massivement les allophones à choisir ni le cégep français, ni l’université française. Pire: le fait d’avoir fréquenté le réseau d’éducation francophone au primaire et au secondaire et/ou d’avoir vécu pendant toutes ces années au Québec ne permet pas de réduire l’influence de la culture anglophone dans les échelons éducatifs supérieurs.

L’échantillon de cette enquête est si important (plus de 3000 répondants) et la méthodologie si rigoureuse qu’il s’avère impossible de rejeter les conclusions sur le caractère anglicisant de la fréquentation d’un cégep anglais. Cette enquête nous met le nez dans la pourriture d’une décennie d’inaction linguistique à un moment où se généralisent les signaux d’alarme quant au recul de notre langue commune. Cette odeur fétide, c’est celle de notre incapacité persistante à intégrer les immigrants à la culture québécoise et de notre manque de courage politique pour enfin réaliser l’essentiel de l’esprit de la Loi 101: un réseau public francophone intégrant l’ensemble des citoyens en français, du primaire à l’université, avec une stricte exception pour les anglophones nés au Québec.

Dans un contexte où notre nation ne compose que près 2% de l’Amérique du Nord, où nous avons un lourd héritage de passivité vis-à-vis de notre propre existence et où l’influence anglaise est en constante progression au fur et à mesure que le Canada français – cette zone-tampon – disparait et que l’hégémonie culturelle étatsunienne s’impose, l’inaction n’est plus un choix.

Nous sommes des dormeurs dans une maison en feu. Si nous refusons consciemment d’entendre les nombreux signaux d’alarme – comme cette nouvelle étude – et d’agir en conséquence pour sauver notre peau, nos descendants, c’est-à-dire la minorité de francophones s’articulant autour de bantoustans éparpillés et regroupés autour du Saint-Laurent, seront sans pitié sur nous et ne pourront que se gratter la tête pour chercher à comprendre de quelle façon un peuple s’étant presque libéré du joug colonialiste dans les années 1960 et 1970 a pu choisir de s’écraser de nouveau et de laisser le poids d’une Histoire ingrate se charger de calciner jusqu’au souvenir de son existence.

À l’heure où le français recule au Canada, au Québec et à Montréal, il faut agir maintenant ou accepter notre disparition.

LouisPréfontaine

http://louisprefontaine.com/2010/09/07/etude-irfa-cegep-anglais

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Lois linguistiques: une normalité mondiale

L’automne sera chaud. La Consultation générale sur le projet de loi 103 débutera le 8 septembre; le lendemain, l’Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA)publiera une importante et dévastatrice étude portant sur plus de 3000 cégépiens et démontrant de quelle façon la fréquentation d’un cégep anglais mène à une intégration en anglais; le 18 septembre aura lieu un gigantesque rassemblement pour le français au centre Pierre-Charbonneau, à Montréal, avec Michel Rivard, Luc Picard, les Loco Locass, les Zapartistes, Daniel Boucher et plusieurs autres. Toute cette activité doit nous mener vers notre prochaine action collective courageuse: l’application de la Loi 101 au cégep.

Or, je les entends déjà ces journalistes pleutres et ces Marie-Madeleine de la cause des pauvres anglophones opprimés: « On ne peut pas renforcer la Loi 101! Ce n’est pas normal d’avoir à faire ça; que penseront les autres de nous? Ce n’est pas ce qu’un pays démocratique ferait! » Balivernes. Qu’on cesse un peu d’écouter ces acrochordons de la pensée qui passent le plus clair de leur temps à nous qualifier d’incapables et qui se réjouissent du moindre de nos échecs. Légiférer pour protéger la langue commune, c’est précisément ce que font la plupart des pays sur la planète.

En rafale1:

  • Afrique du Sud: Selon la Politique linguistique cadre pour l’enseignement supérieur de juillet 2001, « tous les établissements d’enseignement supérieur doivent participer à la facilitation et la promotion des objectifs de la politique linguistique nationale ».  Ces institutions ont la responsabilité de par la loi d’assurer une cohérence avec les langues nationales.
  • Albanie: Selon l’article 6 de la loi relative au système d’enseignement pré-universitaire de 1995, « l’enseignement dispensé dans les établissements publics d’enseignement de la république d’Albanie l’est en albanais, sauf dans les cas où la présente loi en dispose autrement ».
  • Algérie: L’article 8 d’une ordonnance de 2005 fixant les règles régissant l’enseignement dans les établissements privés impose que l’intégralité de l’enseignement (hormis les cours de langues étrangère) se fasse en arabe dans toutes les disciplines et à tous les niveaux.
  • Andorre: Selon la loi du 20 juin 1996 sur les dénominations commerciales, les raisons sociales et les enseignes d’établissement,  une dénomination commerciale ne peut être enregistrée que si elle est écrit en catalan.
  • Angleterre: La loi sur la nationalité britannique de 1981 exige la connaissance de l’anglais, du gallois ou du gaélique écossais pour l’obtention de la citoyenneté.
  • Argentine: Dans un accord-cadre pour l’enseignement des langues, adopté en 1998, on réaffirme que l’espagnol est la langue de la majorité des habitants, que c’est celle d’usage courant, celle des documents officiels, de l’école et du travail.
  • Arménie: Dans l’article 2 de la loi sur la langue, adoptée en 1993, l’Arménie exige un examen d’entrée sur la langue arménienne et l’enseignement de la langue arménienne pour tous les établissements d’enseignement secondaires spécialisés, professionnels et supérieurs.
  • Azerbaïdjan: Selon la loi sur la langue officielle de 2002, tout citoyen de la République azerbaïdjanaise est dans l’obligation de connaître la langue officielle.  Toute admission dans un établissement d’enseignement secondaire ou supérieur est conditionnelle à la réussite d’un examen de connaissance de la langue azerbaïdjanaise.
  • Belgique: Au sein de la communauté française, le Décret Spaak-Lagasse de 1978 a interdit l’emploi exclusif d’une langue autre que le français dans toutes les relations avec l’État et au niveau de l’affichage sur les bâtiments.   La communauté flamande, elle, a adopté une loi, en 2006, qui fait du néerlandais la seule langue de tout le processus de votation.
  • Biélorussie: Selon la loi sur les langues de 1990, « le travail d’instruction et d’éducation à l’école générale se fait en biélorusse ».
  • Brésil: L’État de São Paulo a adopté une loi, en 1999, statuant que l’utilisation du portugais est obligatoire dans l’enseignement et l’apprentissage, dans le travail, dans les relations juridiques, dans l’expression officielle, dans l’expression lors des événements publics, dans les moyens de communication de masse, dans la production et la consommation de biens, produits et services et en ce qui concerne la publicité de ceux-ci.
  • Bulgarie: La loi sur l’éducation nationale de 1991 demande à ce que l’éducation permette une maîtrise de la langue officielle et que les élèves dont la langue maternelle n’est pas le bulgare ont le droit d’étudier leur propre langue maternelle, mais à l’extérieur de l’école publique.
  • Colombie: La loi en faveur de la langue espagnole, qui  a été adoptée en 1960 (mais abrogée par la suite), décrétait  que tous les documents officiels, tout nom, enseigne, annonce de commerce ou quoi que ce soit à la portée de tous devait être écrit en espagnol.  Si la loi n’était pas respectée, l’autorité responsable avait le droit d’ordonner l’enlèvement de l’annonce.
  • Costa Rica: La loi sur la défense de la langue espagnol et des langues aborigènes costaricaines de 1996 oblige les raisons sociales, les brevets et les marques les documents publics, la publicité et les brochures a être dans les langues nationales.
  • Espagne: Dans la région autonome de la Catalogne, la loi sur la politique linguistique de 1998 a statué que le catalan constitue la langue de l’enseignement en Catalogne et cela à tous les niveaux et dans toutes les branches de l’éducation.
  • États-Unis: De nombreux États ont voté des lois linguistiques, dont l’Arizona, avec sa proposition 103, en 2006, qui a interdit toute forme de mesure officielle ignorant, nuisant ou diminuant le rôle de l’anglais comme langue du gouvernement.
  • France: La loi Toubon de 1994 stipule, dans son article 3, que « toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et destinée à l’information du public doit être formulée en langue française ».  En outre, cette loi a des dents: on peut retirer une inscription délinquante.  Dans la même loi, à l’article 11, on statue également que la langue d’enseignement dans les enseignements publics est le français.
  • Irlande: L’article 28 de la loi sur la radiodiffusion de 2001 stipule que que la programmation doit absolument offrir du contenu dans la langue irlandaise, et pas seulement en anglais.
  • Islande: L’article 15 de la loi sur les étrangers de mai 2002 impose qu’un cours d’islandais de 150 heures, avec une assiduité minimale de 85%, soit imposé à tout étranger espérant obtenir un permis de séjour.
  • Lettonie: L’article 12 de la loi sur la citoyenneté de 1998 stipule qu’une personne ne peut obtenir une naturalisation si elle ne parle pas couramment le letton.
  • Macédoine: L’article 7 de la loi sur l’emploi de la langue macédonienne (1998) demande à ce que les textes officiels, mais également les manuels scolaires et la presse soient obligatoirement édités en macédonien.
  • Maroc: L’article 111 de la Charte nationale d’éducation et de formation de 1999 rend obligatoire l’enseignement en arabe de tous les enfants marocains et ce, dans toutes les institutions éducatives du Maroc.
  • Russie: La loi sur la langue officielle de la fédération de Russie de 2004 affirme que le russe doit être la langue obligatoire pour l’activité des pouvoirs publics, pour les noms des pouvoirs publics, lors de la tenue d’élections, dans le domaine de la justice, dans la correspondance entre les pouvoirs publics, dans l’orthographe des lieux géographiques, dans les publicité, etc.
  • Suisse: La Suisse est un cas un peu spécial, car chaque canton peut adopter ses propres règlements.  Ceci dit, des organes fédéraux, comme la Société suisse de radiodiffusion et télévision, doivent s’assurer que les langues officielles des cantons sont respectées et que la programmation y est égale entre chaque langue.
  • Turquie: L’article premier de la loi sur l’usage du turc dans les établissements stipule qu’aucune société ou établissement ne peut supprimer le turc de leur commerce, de leurs contrats ou de leurs communications.  Les délinquants s’exposent à des amendes.

Ces nations ne sont pas des dictatures et elles ne violentent pas leurs minorités. Simplement, elles ont compris que c’est en légiférant qu’on peut assurer que la cohérence et la stabilité sociales issues du partage d’une seule langue commune bien établie puisse prévaloir. Elles ont saisi que si des lois permettent de protéger les individus, en interdisant tout ce qui pourrait s’attaquer à leur intégrité, de telles lois sont tout autant nécessaires pour protéger la nation, cette collectivité d’individus partageant des valeurs communes, dont la langue est généralement la principale.

Il faut appliquer la Loi 101 au cégep

L’application de la Loi 101 au réseau collégial ne constitue donc rien de plus radical que ce qui se fait ailleurs, n’en déplaise à ceux qui aiment nous dépeindre comme des extrémistes alors qu’on réclame, précisément, la normalité des peuples libres. En fait, on pourrait même dire que c’est une mesure bien timide, un simple premier pas, quand on se compare avec des pays qui ont décidé de ne financer que l’éducation publique dans la langue nationale, alors que nousfinançons davantage l’éducation des anglophones que la nôtre!

Si le Québec était indépendant, la question ne se poserait pas. Il suffirait d’instaurer un seul réseau public d’éducation en français avec quelques exceptions pour les minorités anglaise et autochtones.

Mais la réalité étant ce qu’elle est, la Loi 101 au cégep constituera un nouveau rempart contre l’assimilation qui nous guette et nous permettra, en attendant le Grand Soir, d’aspirer à une existence un peu plus normale, à l’image de celle des centaines d’autres nations de la Terre.

Il n’y a rien de mal à éduquer nos enfants dans notre langue et à demander que ceux qui vivent sur notre territoire le fassent également. C’est ainsi que cela fonctionne partout sur la planète. C’est commun, presque banal.

La réaction des anglophones et de leurs sbires anglomanes ne doit pas nous surprendre. Ce sont des gens qui se prétendent ouverts d’esprit parce qu’ils parlent la langue impériale mais qui ignorent tout des lois linguistiques de par le monde. Ils nous dépeignent comme des radicaux, ils parlent de « police de la langue », mais ce n’est pas parce qu’ils ont raison de le faire, mais plutôt parce qu’ils espèrent jouer sur notre séculaire sentiment d’infériorité de peuple ayant vécu trop longtemps l’échine courbé.

Si toutes ces nations, ci-haut, ont ressenti le besoin de protéger leur langue commune, pourquoi le Québec, qui n’est pas un pays et qui vit entouré d’une mer d’anglophones, ne pourrait pas également le faire?

Cessons d’avoir peur de ce qu’en diront les incultes et appliquons la Loi 101 au réseau collégial. Ouvrons-nous sur le monde en protégeant notre langue et en joignant les centaines de peuples qui ont décidé d’enrichir l’humanité de leur présence en se donnant les moyens de survivre. Leur combat pour la diversité linguistique est aussi le nôtre.

Oui, l’automne sera chaud. Mais pas autant que l’enfer du quotidien de l’ethnocide de nos descendants si nous n’agissons pas maintenant.

Louis Préfontaine

http://louisprefontaine.com/2010/08/18/loi-101-cegep-normal

  1. Les données proviennent du site Trésor de la langue française au Québec, du Département de Langues, linguistique et traduction de l’Université Laval. []

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La natalité québécoise se porte très bien

La colère gronde. La population en a plus qu’assez de devoir accueillir une immigration toujours plus nombreuse. « Renvoyez les Tamouls chez eux! » titrait un texte relatif à un récent sondage questionnant les Canadiens et les Québécois sur la meilleure façon d’agir avec les soi-disant réfugiés tamouls (soi-disant parce qu’un sondage tenu privé par le gouvernement démontre que près de 70% des demandeurs d’asile tamouls retournent au Sri Lanka par la suite). Mais il se trouve toujours des âmes sensibles prêtes à nous ressortir le sempiternel argument usé selon lequel « on ne fait pas assez d’enfants » et qu’on devrait ainsi ouvrir encore davantage nos portes.

En fait, ce n’est même plus une question de réfugiés. Nous sommes envahis, littéralement, par une immigration plus nombreuse que la plupart des pays développés. Comme je l’écrivais ici, si le Québec réussit à atteindre son objectif de 55 000 immigrants par année, nous en recevrions, proportionnellement à notre population, 1% de plus que l’Autriche, 15% que l’Angleterre, 18% que la Suède, 22% que la République Tchèque, 26% que la Corée du Sud et la Norvège, 83% que les Pays-Bas, 86% que les États-Unis, 104% que l’Italie, 108% que la Belgique, 111% que le Danemark, 140% que l’Allemagne, 150% que la France, 176% que la Hongrie, 189% que la Finlande, 202% que la Turquie, 391% que la Slovaquie, 539% que le Portugal, 601% que la Pologne, 1003% que le Japon et 1806% que le Mexique! C’est cela, une invasion.

Or, l’argument selon lequel nous ne faisons pas assez d’enfants ne tient pas. Il ne suffit pas de compiler les données du nombre d’enfants par femme pour obtenir un résultat concret. Des pays extrêmement pauvres ont des femmes qui ont en moyenne près de quatre enfants, mais beaucoup ne survivent pas cinq ans et d’autres meurent très tôt par la suite, n’ayant pas la possibilité d’enfanter. Ces chiffres sont au mieux anecdotiques; ce qui compte, ce n’est pas le nombre d’enfants qu’une femme met au monde, mais plutôt le ratio total entre le nombre de naissances et de décès. En extrapolant: si nous vivons extrêmement vieux et en santé, nous n’avons pas besoin de beaucoup d’enfants pour assurer la croissance de notre population.

Observez le graphique ci-dessous.

Ratio naissances/décès des pays à l’indice de développement humain le plus élevé1

Pays Naissances (en milliers) Décès (en milliers) Ratio
Irlande 75 29 2.59
Islande 5 2 2.50
Nouvelle-Zélande 64 29 2.21
Australie 285 137 2.08
Corée du Sud 263 144 1.83
États-Unis 4247 2453 1.73
Québec 89 57 1.56
Canada 381 246 1.55
Norvège 62 41 1.51
France 822 546 1.51
Luxembourg 6 4 1.50
Royaume-Uni 790 560 1.41
Pays-Bas 185 134 1.38
Espagne 495 391 1.27
Suède 112 90 1.24
Suisse 78 63 1.24
Belgique 126 104 1.21
Finlande 60 50 1.20
Danemark 63 55 1.15
Grèce 118 110 1.07
Lichtenstein 0 0 1.00
Autriche 76 77 0.99
Japon 1108 1142 0.97
Italie 569 592 0.96
Allemagne 651 841 0.77

Si on observe ce graphique, on réalise que sur l’ensemble des vingt-cinq pays (incluant le Québec) à l’indice de développement humain le plus élevé, le Québec arrive au septième rang de ceux dont le ratio entre les naissances et les décès est le plus élevé. Concrètement, nous ne sommes pas en train de mourir et nous ne sommes pas en train de nous éteindre. La natalité québécoise se porte mieux que des pays très prospères comme le Canada, la Norvège, la France, le Royaume-Uni, la Suède, les Pays-Bas, le Japon et l’Allemagne. Si nous vivions en vase clos, le Québec verrait sa population augmenter plus rapidement que tous ces pays.

Mais alors, pourquoi nous impose-t-on une immigration aussi nombreuse, sinon pour nous diluer dans un multiculturalisme à la canadienne faisant des Québécois une ethnie comme une autre? Pourquoi devons-nous subir une immigration beaucoup plus nombreuse à la fois que notre capacité d’intégration et que la plupart des pays développés?

La colère gronde, mais elle n’est pas encore entendue. Nous pouvons accueillir de nombreux immigrants, leur offrir la chance de vivre dans une société pacifique et hautement développé, les aider à se réaliser parmi nous, mais à plus de 50 000 immigrants par année, nous n’arrivons ni à intégrer ces gens ni à nous offrir la chance de protéger notre langue, notre culture et nos valeurs.

Il serait peut-être temps, au Québec, de réaliser que notre natalité se porte très bien et que nous n’avons pas besoin du fardeau d’une immigration trop nombreuse pour notre capacité d’intégration.

Et si on osait accueillir un nombre d’immigrants plus restreint – peut-être 15 000 par année – et qu’on se permettait ainsi de mieux les intégrer?

Les Tamouls doivent repartir. Mais qu’ils nous permettent d’avoir un sain débat sur le rôle de l’immigration et sur la pertinence de diluer encore plus une société plus en quête de sens que jamais.

  1. Les données sont pour l’année 2009 et proviennent d’Eurostat, sauf pour le Québec et le Canada, dont les données proviennent de Statistique Canada, l’Australie, les États-Unis et le Japon, dont les données sont pour 2008 et proviennent de l’INED et la Corée du Sud, dont les données proviennent d’une estimation de l’ONU pour la période 2005-2010. []

Louis Préfontaine

http://louisprefontaine.com/2010/08/23/natalite-quebec-naissances-deces

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De Guindonville à Oka, la loi doit s’appliquer

Vous êtes propriétaire d’un terrain. Vous avez tous les papiers, le terrain lui-même est sur le territoire du Québec, dans une municipalité reconnue. Vous allez visiter votre propre terrain, y faire des travaux pour la sécurité des citoyens, et on vous insulte, on vous menace de mort, on s’attaque à votre voiture. La police arrive. Pour vous protéger, croyez-vous? Erreur! Elle vous demande de quitter les lieux et n’a pas l’intention de faire quoi que ce soit contre ceux qui ont violé la loi – notre loi. Deux poids, deux mesures. Il y a une loi pour les Québécois, et une autre pour les autochtones.

Richard Ducharme, de la compagnie Norfolk, qui possède le terrain, a bien raison: « C’est peut-être une région sensible, mais c’est une région qui fait partie du territoire intégral du Québec. Elle est assujettie au code civil du Québec, ces terrains sont sous la juridiction de la ville de Oka et ils sont enregistrés au cadastre officiel du Québec. » Ne s’agit-il pas là de la plus pure des vérités? Dans quelle sorte de société vivons-nous si nous ne pouvons pas garantir les droits de ceux qui ont respecté toutes les règles du jeu et qui se font aujourd’hui floués par des gens préférant présenter poings et menaces plutôt que d’agir en personnes civilisées?

Imaginons une situation analogue. Tiens, pourquoi pas l’ancienGuindonville, à Val-David. En 2003, suite à un règlement municipal décidant de transformer le terrain en stationnement, des gens ont été expropriés, on a démoli leurs maisons, ils ont tout perdu. A-t-on demandé à la ville de discuter, de trouver un compromis? A-t-on demandé aux démolisseurs de faire demi-tour à cause du chahut causé par leur présence? Non. On a envoyé la police, on a délogé les manifestants de force et on a tout rasé. Ce n’étaient pas des Mohawks armés jusqu’aux dents qu’on a arrachés à leur tranquille existence; ce n’étaient pas des « Warriors » criminalisés: c’étaient des enfants, des familles, des personnes âgées.

C’étaient des Québécois.

Quand la loi du Québec doit être appliquée et qu’il faut faire face à des Québécois, on éprouve soudainement beaucoup moins de scrupules. On applique la loi, simplement. « Désolé madame, votre maison va être détruite, mais c’est la loi, si vous n’êtes pas contente vous savez pour qui ne pas voter dans quatre ans. » Bingo, c’est si facile. Nous sommes grands, nous sommes une démocratie, nous appliquons la loi. C’est ce qui différencie un État de droit d’une République de banane: la loi est légitime, les règlements sont démocratiques, et la police a le mandat de les appliquer.

Mais dès qu’il est question des autochtones, ou d’autres minorités – on se souvient que la ministre Courchesne avait modifié le calendrier scolaire pour accommoder des écoles juives – tous nos beaux principes prennent le bord. Soudainement, plutôt que d’appliquer des lois et règlements pour tous, on désire l’accommodement, la discussion, le dialogue, la « non-provocation ». Vous imaginez? La loi qui, contre les Québécois, s’applique d’elle-même, est devenue provocation contre les minorités!

Alors qu’à Guindonville on a démoli et que la police a constitué – avec justesse – le bras armé de la loi, à Oka, elle se refuse à jouer son rôle et elle demande à un individu dans son droit le plus strict et possédant légalement un territoire, de ne pas y avoir accès. Pire, elle ne fait rien contre les manifestants qui le menacent. Deux poids, deux mesures, vous dites?

Il faut tracer une limite

On peut être sensible aux revendications territoriales des autochtones, mais il faut tracer une limite. Il n’est pas plus question pour nous de leur redonner l’île de Montréal qu’il ne serait justifié pour les Acadiens de réclamer toutes les provinces maritimes du Canada sous prétexte que ces provinces sont devenues anglaises après la Déportation – et le génocide – qu’ils ont subi en 1755. L’Île-du-prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le sud du Nouveau-Brunswick sont principalement anglaises; Oka appartient au territoire du Québec. C’est injuste, mais c’est ainsi. Le passé ne peut être entièrement réparé. On ne peut pas plus redonner l’Amérique aux dizaines de peuples autochtones qu’on ne peut empêcher l’arme atomique d’exister. Il faut bâtir à partir de ce que nous avons, aujourd’hui.

Si, un jour, nous décidons de morceler un peu plus notre territoire pour satisfaire les ambitions de minorités pratiquant l’exclusion raciste de ses habitants blancs, refusant d’apprendre notre langue et méprisant jusqu’à la plus fondamentale de nos lois, ce sera un choix qui devra être respecté. Mais en attendant, la loi s’applique, le terrain possédé par Norfolk est sur le territoire du Québec et la police devrait faire son travail, en garantir l’accès à son propriétaire et arrêter quiconque viole la loi.

Si nous acceptons de vivre dans le traumatisme de la crise d’Oka de 1990, si nous écoutons les sirènes de la défaite agitées par des ministres à-plat-ventristes prônant le refus d’appliquer notre loi sur notre propre territoire pour ne pas « envenimer la situation », ce ne serait pas seulement la « situation » qui « s’envenimerait », mais ce serait notre propre capacité à former une société cohérente où les lois s’appliquent pour tous qui serait menacée. En reculant collectivement devant une bande de voyous armés qui méprisent nos lois, nous ouvririons la porte aux pires des demandes, aux plus folles revendications, aux pires dérogations à cet esprit pourtant si noble qui devrait nous habiter: celui de faire partie d’une société qui traite chacun des siens de la même manière.

Aujourd’hui, l’État québécois recule sur son propre territoire contre une bande de Mohawks. Demain, qu’en sera-t-il? Quel message lance-t-on à tous ceux qui ne rêvent que de détruire nos lois, d’affaiblir notre territoire et de s’attaquer à nos valeurs?

Bloquez la route, menacez de mort, et on vous écoutera. C’est cela qu’on leur dit.

Voilà bien le pire des messages.

De Guindonville à Oka, dans un État de droit, la loi doit s’appliquer. C’est tout. Si la loi est injuste, qu’on la modifie, mais en attendant, qu’on envoie la police et qu’on permette à cet honnête citoyen de jouir de son terrain. Entre les inconvénients possibles d’une offensive policière et la certitude d’un terrible recul si on laisse une minorité dicter sa loi à la majorité, le choix est clair.

Louis Préfontaine

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Profilage racial: laissons les policiers travailler

La sortie d’un rapport prétendant démontrer que les policiers de Montréal font du profilage racial tombe à point. Près de deux ans après que Fredy Villanueva ait été abattu après avoir agressé un policier, plusieurs aimeraient mettre la police au banc des accusés, l’accusant de faire du profilage racial. Qu’importe si ce rapport a une méthodologie douteuse, et qu’importe si les personnes de race noire sont sur-représentées lorsque des crime sont commis: il faut défendre les gentils citoyens contre la « méchante police ».

Soyons sérieux une seule minute. Ce rapport constitue une vraie blague. Il compare le nombre d’interventions à la population totale. Cela signifie que si la majorité des individus traînant la nuit sont Noirs, mais qu’ils habitent dans un quartier majoritairement Blanc, la police ferait automatiquement du profilage racial en les abordant. Comme le souligne avec justesse le directeur adjoint Jean-François Pelletier, qui dirige l’équipe ayant produit le rapport, il aurait fallu comparer le nombre d’interventions visant des Noirs avec le total des interventions sur des individus dans une situation similaire. En d’autres mots: il ne suffit pas de dire que près de 30% des individus interpellés une nuit sont de race noire; il faudrait également tenir des statistiques sur l’origine ethnique de l’ensemble des individus qui étaient dans une situation justifiant de les aborder. Il faudrait également quantifier les crimes commis par des personnes de chaque race.

On fait également grand cas de l’importante augmentation des interpellations de personnes noires à Montréal-Nord entre les années 2001 et 2007. Cela constituerait une nouvelle preuve que le profilage racial serait en hausse dans le quartier. Dans les faits, cela ne prouve rien, sinon que l’immigration y est fortement en hausse (plus de 6530 nouveaux immigrants entre 2001 et 2006, et le pays d’origine le plus représenté est Haïti), que le crime l’est possiblement et que la police fait peut-être simplement face à davantage d’individus de race noire dans ses interventions.

Sur-représentation des Noirs concernant les crimes commis

Les statistiques sur les crimes en fonction de la race sont beaucoup plus difficiles à trouver au Québec et au Canada qu’aux États-Unis. Ici – surtout au Québec – on ne parle de race que lorsqu’il est question de crime haineux. Au niveau canadien, on tient quelques rares statistiques. On peut y voir ce graphique, par exemple, qui démontre que les Noirs représentent près de 2% de la population canadienne, mais que près de 6% sont emprisonnés et 7% sous supervision judiciaire. Chez les femmes, la situation est semblable: un rapport du Service correctionnel du Canada faisait état d’un pourcentage d’emprisonnement entre 5% et 7% pour les années 2001 à 2003.

Chez nos voisins du sud, par contre, de telles statistiques sont beaucoup plus élaborées. On y apprend que pour une population noire de près de 13%, celle-ci est responsable de près de 37% des homicides, 39% des crimes violents non-mortels, 30% des crimes contre la propriété et 30% des crimes à col blanc. Quand Patrick Lagacé affirme que les chiffres utilisés par l’étude sont les mêmes que ceux utilisés aux États-Unis, il oublie sciemment de souligner le fait que les personnes de race noire y sont largement sur-représentés.

Il faut agir intelligemment et politiquement

Ces données ne doivent pas servir à encourager le racisme ou la discrimination à l’égard des personnes de race noire. Elles doivent nous aider à prendre conscience d’une réalité: ces individus sont plus susceptibles de commettre des crimes et d’être emprisonnés que les Blancs. C’est une réalité, un fait. Être Noir, au Canada et au Québec, augmente la possibilité qu’on commette un crime ou qu’on finisse en prison. Au fait, y a-t-il beaucoup de Gagnon et de Tremblay dans les gangs de rue?

Évidemment, la couleur de la peau ne constitue pas une cause de ce problème. Il y a la pauvreté, il y a des différences culturelles, il y a une immigration trop importante pour notre capacité d’intégration, il y a des politiques économiques de droite favorisant les écarts de richesse et la paupérisation de nombreux quartiers. Les causes sont multiples, mais elles ont toutes une chose en commun: ce sont des enjeux politiques devant être adressés au niveau politique. Ce sont des politiciens – nos représentants – qui doivent s’occuper de ces enjeux. Ce sont nos élus qui doivent améliorer la cohésion sociale et prendre des positions courageuses pour améliorer l’intégration des immigrants déjà présents et réduire la pauvreté.

Or, quand on demande aux policiers de jouer les intervenants sociaux et d’adapter leur façon d’agir en fonction de la couleur de la peau des gens avec qui ils font affaire, on réduit notre capacité à faire face à ces troubles. Quand un crime est commis, quand des gens louches traînent la nuit, quand des individus terrorisent leur voisinage, quand ils vendent de la drogue ou commettent d’autres délits, on ne veut pas que le policier commence à se demander si son intervention sera considérée comme du profilage racial. On ne veut pas qu’il se questionne quant à savoir si son ratio d’interpellations noires est trop élevé pour la nuit; on ne veut pas qu’il se mette à considérer les individus en face de lui comme étant, précisément, des gens de couleur noire. On veut qu’il agisse. On veut qu’il fasse respecter la loi, indépendamment de la race. Et si cela implique d’interpeller davantage d’individus Noirs parce que ceux-ci sont sur-représentés au niveau du crime ou parce qu’il suspecte qu’un crime risque d’être commis, qu’il puisse le faire l’esprit en paix.

La police, malgré ses imperfections, est là pour nous défendre. Ce n’est pas de sa faute si les individus de race noire commettent plus de délits que ne le justifie leur poids démographique. Ce n’est pas son rôle de faire de la politique et de cesser d’apostropher des individus sous prétexte que cela pourrait être mal interprété. Si, toute la soirée, elle reçoit des appels de commerces ou de résidants se plaignant de gangs de Noirs volant ou terrorisant la population, elle est justifiée d’utiliser cette information au même titre qu’elle aurait le droit d’arrêter un individu avec un tatouage en forme de demi-lune sur l’épaule gauche si cela constituait un des signes distinctifs. On doit la laisser travailler.

Au-delà du profilage racial, il y a le respect de la loi et des valeurs qu’elle protège. Si nous pouvons œuvrer collectivement à améliorer la cohésion sociale et à réduire la pauvreté des populations immigrantes, qu’on le fasse au niveau politique. En attendant, les policiers sont justifiés d’interpeller qui ils ont envie d’interpeller car, de toute façon, quand on n’a rien à se reprocher, on ne craint pas les forces de l’ordre.

Quand on est un honnête citoyen, les policiers sont nos alliés.

Qu’importe la « race ».

Au-delà du profilage racial, si on agissait pour mettre fin au profilage de profession, qui consiste à dénigrer et à stigmatiser les policiers qui travaillent, au quotidien, pour maintenir nos valeurs et notre démocratie intactes?

Louis Préfontaine

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L’Arcade de feu, ce groupe étranger

Arcade Fire ceci, Arcade Fire cela. Ces jours-ci, pas moyen de ne pas entendre parler de ce groupe de musique anglo-canadien. Les critiques de leur nouvel album, « The Suburbs », sont dithyrambiques. On les acclame, on les idolâtre. Et on se les approprie. Parce qu’ils sont bons, parce que leur musique est inventive, mélodique, excellente, on tente d’en faire ce qu’ils ne sont pas: un groupe québécois.« Je suis fier d’être Québécois quand j’écoute un groupe d’ambassadeurs de notre culture comme Arcade Fire » me disait un contact sur Facebook. Et moi de lui répondre que je suis fier d’aller manger de la nourriture indienne sur la rue Saint-Denis, mais que ça ne me fait pas croire pour autant que le poulet au curry qu’on y sert est typiquement québécois. Arcade Fire, c’est un groupe apatride qui habite dans notre ville francophone mais qui a fait le choix de ne jamais réellement s’y intégrer. Ce n’est pas un groupe québécois et encore moins un ambassadeur de notre culture.

Régine Chassagne, originaire d’Haïti et ayant grandi sur la rive-sud de Montréal, a fait le choix d’étudier en anglais. « Je voulais apprendre l’anglais. J’aime me fixer des défis » qu’elle affirmait. 1 On ignore quels objectifs elle espérait atteindre, mais le résultat est d’une inouïe tristesse: sur trois albums d’Arcade Fire, une seule chanson porte un titre français. Une sur trente-sept. « J’aurais très bien pu m’en aller du côté français, mais le hasard en a voulu autrement » qu’elle ajoute. 2 Quand on a besoin du hasard pour avoir envie de chanter dans sa propre langue et de refléter sa propre culture, c’est dire à quel point celle-ci est faible.

Et ses copains, font-ils mieux? Pas du tout. Win Butler, le mari de Chassagne, est originaire du Texas et est venu profiter d’une éducation anglophone à bas prix en s’inscrivant à McGill au tournant du millénaire. Près d’une décennie plus tard, il s’adressait principalement en anglais aux spectateurs venus voir Arcade Fire au Festival d’été de Québec. Il a bien disséminé par-ci par-là quelques mots dans la langue des sauvages comme un empereur s’abaissant devant ses sujets, mais Chassagne a dû traduire pour lui lorsqu’il a demandé aux gens d’envoyer des dons à Haïti.

Français, langue seconde, même au coeur de Québec.

Et Richard Reed Perry, lui? Originaire d’Ottawa, il était présent lors du célèbre « love-in » à la veille du référendum sur la souveraineté, en 1995. Sarah Neufeld; elle vient de Vancouver. Tim Kingsbury, de Guelph, en Ontario. Jeremy Gara, d’Ottawa lui aussi. Et le frère de Butler, Will, également du Texas. Et tous sont venus à Montréal non pas pour y parler français, mais simplement parce que c’était « cool ». Un groupe québécois, vous dites?

Évidemment, on pourra m’objecter, avec raison, qu’on ne définit pas l’appartenance à la nation québécoise par l’origine d’un individu. « Je ne veux pas savoir d’où quelqu’un vient, mais où il va » disait Falardeau. Reste que de savoir que la quasi-totalité des membres d’Arcade Fire viennent d’en-dehors du Québec, qu’au moins un de ceux-ci s’est clairement identifié contre la nation québécoise en 1995 et qu’ils ont, pour plusieurs, de la difficulté à parler un bon français tout en enregistrant des albums pratiquement unilingues anglais, voilà qui donne une indication de la direction qu’a choisi le groupe et de l’absence de sentiment d’appartenance à la nation québécoise. Arcade Fire ne vient pas d’ici et ne donne pas l’impression de vouloir aller dans la même direction que nous. Un groupe québécois, vous dites?

« Oh, mais ils habitent Montréal, sur le territoire du Québec, alors ils sont Québécois » qu’on m’objecte aussi. Légalement, oui. Mais légalement, le nouvel arrivant qui vient d’obtenir sa citoyenneté canadienne, qui ne parle pas un seul mot de notre langue et qui croit que René Lévesque est le boulevard où il doit aller chercher son passeport, celui-là aussi est Québécois. Appartient-il pour autant à la nation québécoise? Pire: a-t-il seulement conscience de l’existence d’une telle nation?

Deux visions différentes de la nationalité

Ce dont il est question, ici, c’est de l’affrontement entre deux visions de la citoyenneté. La citoyenneté multiculturelle à la canadienne, qui constitue un fourre-tout insondable où les ghettos ethniques ne sont pas seulement acceptés, mais souvent valorisés, et la citoyenneté intégrante québécoise, qui souhaite créer une nation cohérente où l’ensemble de la population possède une langue commune et s’identifie à des symboles communs. D’un côté, on te considère comme Canadien parce que tu habites ici et on se fout de savoir si ta femme est voilée de la tête au pied, si tu fomentes une révolution islamique dans ton sous-sol ou si tu méprises l’ensemble de ta société d’accueil; les valeurs communes n’existent que très peu. D’un autre côté, on désire t’intégrer à la société québécoise et te permettre de t’épanouir tout en respectant les valeurs traditionnelles du Québec. Ce sont là deux visions irréconciliables.

Or, quand même des souverainistes affirment qu’ils sont fiers d’un groupe comme Arcade Fire, un groupe ne chantant ni ne parlant ni ne représentant la langue française, quand ils affirment que ce groupe représentent leur réalité, ils nagent dans une mer de contradiction. On ne peut pas vouloir à la fois l’indépendance du Québec – et donc respecter la spécificité d’une nation ayant des valeurs communes – et encenser les produits d’un multiculturalisme allant jusqu’à nier l’existence de l’importance d’une telle langue et de telles valeurs. On ne peut pas affirmer à la fois qu’Arcade Fire nous représente parce que ses membres habitent ici et en même temps vouloir se séparer du Canada parce qu’il existerait quelque chose de plus important que l’ensemble des individus désolidarisés habitant au Québec. On ne peut pas s’enorgueillir de la réussite individuelle de n’importe quel groupe d’individus vivant dans un ghetto et se réclamer d’une nation luttant pour sa survie et utilisant l’indépendance comme un moyen d’y arriver. On doit choisir.

Arcade Fire est un groupe fascinant. De la musique extrêmement inventive. Des individus originaux qui ont su toucher les gens. Mais il ne s’agit pas d’un groupe québécois et il ne représente pas davantage le Québec que Michael Jackson, les Black Eyed Peas, Metallica, Madonna, ou n’importe quel autre produit d’une culture anglophone omniprésente, envahissante, étrangère à la spécificité québécoise et qui prospère dans le ghetto de l’université McGill, l’institution universitaire la plus sur-financée du Québec.

Arcade Fire habite ici, mais ce n’est toujours qu’une plante exotique dans un pot oublié au milieu de la forêt laurentienne.

C’est ici, mais ça ne représente rien de nous.

Ou si peu.

Louis Préfontaine

http://louisprefontaine.com/2010/08/03/arcade-fire

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Molle république

J’en ai marre des mous. Sérieux. Pour vrai. Je ne suis plus capable. Ils me sucent mon énergie vitale et m’obligent à leur remettre à la face toutes leurs contradictions. Un mou, c’est toujours entre deux mondes, entre deux positions. Ça dit blanc quand ça fait noir, ça pense noir quand ça dit blanc. Un mou, ça ne mène à rien. Du vent, de la distorsion, du bruit de fond, des idées qui s’envolent et que n’agrippent jamais ceux qui auraient le pouvoir ou le talent d’en faire quelque chose de concret.

Tenez, prenez ce type. Il parle à qui veut l’entendre, depuis quelques mois, de République. La République ceci, la République cela. Tu manges République, tu baises République, ton étron c’est le divin joyau de la transformation du pouvoir citoyen en merde républicaine. Nous sommes tous des citoyens, des enfants de la République en attente de LA CONSTITUTION qui saura concrétiser ce désir.

Or, le type, ce grand Républicain parmi les enfants de Républicains souhaitant la République, me contait à quel point il s’empressait de parler anglais à une de ses amies américaines vivant actuellement au Québec. Pourquoi? Pour pratiquer son anglais, quoi donc. Voyez-vous, le type qui ne peut débiter trois mots consécutifs sans le mot République se dépêche, au même moment, de parler une langue étrangère sur le territoire du Québec. Vous y comprenez quelque chose?

Oh, mais n’allez pas lui reprocher. La République, elle est ouverte, la République, elle est grande, la République elle est fine. Et le type de me citer son amour des républicains irlandais, ces grands patriotes oeuvrant à la constitution d’une société leur permettant d’assurer la survie de leurs idéaux. Sauf que… Les Irlandais ont perdu leur langue. Ils ne sont plus que 3% à avoir le gaélique irlandais comme langue principale. Le français se porte mieux en Saskatchewan que le gaélique en Irlande. Oh oui, elle est belle la République, elle règle tout la République!

De tout temps, les idées magiques ont eu bonne presse. L’humain aime rêver. Ça fait partie de nous. Les idées complexes, on déteste – trop compliqué! Alors amenez-nous un truc simplet, genre la-République-qui-règle-tout et on embarque. On oublie nos réels objectifs, on s’enterre un peu, et on embarque sur le Titanic d’une idée en apparence merveilleuse mais qui, dans les faits, ne règle absolument rien.

Qu’on me comprenne bien: la République n’est ni bonne ni mauvaise. C’est une idée, un concept. Mais la vraie réalité derrière ce concept et cette idée ne doit pas être occultée: on doit vouloir la République pour assurer notre survie collective et non pas comme un simple apparat pour ourler d’or la jupe de notre disparition. Que vaut une République où notre langue deviendrait l’équivalent du gaélique, une langue-morte parlée seulement dans quelques foyers retardés?

Ces mous, ces Républicains prêts à écrire une CONSTITUTION mais incapables de concevoir l’objectif réel – assurer la survie du peuple québécois – font-ils réellement avancer notre cause? Que vaudrait un pays indépendant et une République si elle avait l’anglais comme langue réelle principale?

À un moment, dans l’histoire d’un peuple, il faut en finir avec les mous, avec les carriéristes, avec les opportunistes. Tourner le dos aux malotrus qui se proclament patriotes mais qui nous tirent dans les jambes à grand coup de locutions anglaises. Il faut oser se tenir debout, contre la tempête, et affirmer que notre combat est celui de l’identité, de la langue et que rien – pas même la République – ne saurait nous en distancer.

Les mots veulent dire quelque chose. Et mieux vaut un système imparfait où nous obtenons des gains concrets pour la survie de notre langue et de notre identité qu’un système imaginaire rose-bonbon consacrant notre fin et drapant d’un linceul républicain notre existence collective en terre d’Amérique. Mieux vaut une saine dose de radicalisme qu’une mollesse n’ayant de finalité que la disparition finale.

L’indépendance, la République, oui. Mais le français et l’identité d’abord. Toujours, et à jamais.

Louis Préfontaine

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La leçon de Bathurst

Imagineriez-vous une bande d’Américains forçant la ville d’Hiroshima à hisser bien haut leur drapeau à tous les 6 août, afin de célébrer le bombardement atomique ayant tué des centaines de milliers de personnes? C’est pourtant le coup de force qu’a réussi à accomplir la Anglo Society du Nouveau-Brunswick, qui a convaincu la ville de Bathurst, en Acadie, de hisser leur drapeau anti-français à l’hôtel de ville le 18 septembre afin de célébrer la fin officieuse de la présence française en Amérique du Nord et de marquer leur opposition au bilinguisme néo-brunswickois. Le fanatisme anglo-saxon est sans limite.

Soyons sérieux rien qu’un instant. Pour les francophones en Amérique du Nord – ou ce qu’il en reste – la fin de la présence française marque un point tournant; il s’agit d’un traumatisme collectif possiblement aussi pire, sinon davantage, que les bombardements atomiques au Japon. La société de nos ancêtres a été décapitée, on a interdit notre langue, on a déporté plus des deux tiers de la population d’Acadie. On a volé des terres. On a tué. On a détruit. Et ces anglophones voudraient, aujourd’hui, célébrer cela?

À la limite, si le français se portait bien au Canada, et si les francophones exigeaient, au sein de cette seule province bilingue du Canada, d’interdire complètement l’anglais, on pourrait comprendre. À la limite, je dis bien. Célébrer un événement douloureux pour l’autre, ce n’est jamais quelque chose de très respectable. Un peu comme si les Allemands hissaient le drapeau nazi à Auschwitz à tous les ans, si vous me pardonnez la boiteuse comparaison.

Or, le français au Canada hors-Québec en est au stade terminal, et il se porte extrêmement mal au Nouveau-Brunswick. Le taux d’assimilation des francophones y dépasse les 10% et leur nombre ne cesse de décroître. Ils ne forment même plus un tiers de la population de la province. À l’ouest, ils ont bien les régions faiblement peuplés du Québec pour les aider, mais au sud et à l’est, on ne parle que l’anglais.

Mais pour les extrémistes anglophones, un mot en français est un mot de trop. Lors d’une précédente manifestation contre le bilinguisme à Moncton, ils se promenaient avec des pancartes du genre « Bilingue aujourd’hui, français demain » où ils avaient apposé une fleur de lys sur l’image du Canada. Voyez-vous, le français, avec peut-être 3% de locuteurs de langue maternelle dans l’ensemble de l’Amérique du Nord, constitue une terrible menace pour les anglophones! Si rien n’est fait, l’anglais va disparaître! Imaginez-vous à quel point ces gens sont mentalement atteints? On pourrait sûrement en rire et leur suggérer une bonne dose de médicaments si les élus de Bathurst ne les prenaient au sérieux.

La leçon

La leçon de ces événements doit être claire pour tous les francophones: ce pays n’est pas et ne sera jamais le leur. La simple égalité constitue un affront pour les anglophones et ils feront tout en leur pouvoir pour s’y opposer. S’ils doivent interdire les écoles francophones comme ils l’ont fait pendant près d’un siècle, ils le feront. S’ils doivent fouler de leurs pieds nos valeurs, notre histoire, notre désir de survie, ils n’auront pas de remords.

Qu’on cesse un peu, nous, Québécois, de considérer les Acadiens comme des gens d’ailleurs. Les francophones de l’Acadie sont nos frères. Nous sommes Canadiens-français, comme eux, et si nous sommes devenus Québécois, c’est seulement parce que nous avons compris qu’il n’y avait pas de futur pour la langue française en-dehors d’une province où ses locuteurs pourraient être majoritaires. Nous sommes Québécois par défaut, parce que nous n’avons pas le choix. Nous sommes Québécois parce qu’on nous a volé tout le reste de notre identité.

Ce combat pour l’égalité et pour la survie du français doit se poursuivre partout, d’une Acadie où on insulte les francophones en hissant un drapeau anti-français au Québec où on sur-finance des écoles et des hôpitaux anglophones. Nous sommes tous ensemble.

Il faut se presser. Les nôtres disparaissent rapidement et la prochaine génération de francophones, éduqués dans la sacro-sainte admiration débile de tout ce qui est anglais et à qui on apprend à dire « thank you » avant même qu’ils sachent accorder un participe passé, ne sera peut-être pas à la hauteur pour défendre ce qui reste de notre francophonie. Si nous avions un gouvernement qui a des couilles, il demanderait des explications, voire des excuses, à Bathurst pour avoir permis cette insulte.

Mais si nous avions un gouvernement qui a des couilles, nous serions déjà indépendants et nous ne dépenserions pas 1,5 milliards pour un méga-hôpital anglophone et nous ne financerions pas un réseau universitaire pour anglophone sau triple de leur poids démographique.

Savez-vous quoi? Si nous n’agissons pas maintenant, nos descendants seront peut-être ceux qui exigeront qu’on hisse un drapeau anti-français et qu’on en finisse avec un peuple qui a préféré vivre à genoux plutôt que d’avoir le courage de se tenir comme se tiennent les vrais peuples: debout, le regard vers un futur où ils représentent autre chose qu’une note de bas de page dans le Grand Livre de l’Histoire.

Louis Prefontaine

http://louisprefontaine.com/2010/07/16/bathurst-anglo-society

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Pour en finir avec Jacob Tiernay

Polémique créée de toutes pièces. Non satisfaite d’avoir fait une grande nouvelle du fait diversselon quoi Jean-Daniel Lafond, le mari de la gouverneure-générale Michaëlle Jean, rejetait le nationalisme québécois (mais pas le nationalisme canadien, bien sûr, lui qui vit sur notre bras depuis cinq ans), La Presse en a ajouté une couche avec les propos de Jacob Tierney, un obscur réalisateur anglophone déversant son fiel sur la soi-disant fermeture des Québécois face aux immigrants et aux anglophones.  Même Cassivi, le laquais de service de la pute de la rue Saint-Jacques – dixit Olivar Asselin – a ajouté son grain de sel en donnant raison aux propos de Tiernay. Rétablissons les faits.

D’abord, il y a quelque chose de profondément ironique à se faire ainsi insulter par un Jacob Tiernay ayant participé à des films comme The Trotsky, Walk All Over Me, Twist, Straight Up, This Is My Father, The Neon Bible et Are You Afraid of the Dark?. L’homme, qui a grandi à Montréal et s’y sent chez lui, n’a associé son nom qu’avec des réalisations dans la langue maternelle de 8,2% de la population du Québec. Les autres, les 91,8% de la population du Québec qui n’ont pas l’anglais comme langue maternelle, ne les ignore-t-il pas? N’est-il pas lui-même fermé à la réalité du Québec d’aujourd’hui, un Québec dont la langue commune, nationale et officielle est le français? Comment peut-il insulter les Québécois, qui font des films dans la langue nationale – leur langue – d’être fermés alors que lui n’a jamais eu la moindre volonté, le moindre désir de s’intégrer au Québec?

Marc Cassivi y va de sa propre parade pour défendre Tiernay: puisque près de 40% de la population de Montréal parle une autre langue que la langue nationale, cette « diversité » devrait être présentée dans les films. Et Cassivi de se réjouir que le dernier film de Tiernay ne « gomme pas » la réalité de Montréal, une réalité qu’il affirme pluriethnique et qu’on devine multilingue. Un peu plus, et il donnerait un trophée à Tiernay pour « oser » présenter des contre-exemples, des gens ayant fait le choix de vivre en marge de la société québécoise et de refuser de s’y intégrer.

Multiculturalisme contre intégration

Le noeud du problème, encore une fois, touche aux différences fondamentales entre les visions canadienne et québécoise de ce qui constitue une société. Pour La Presse, Cassivi et Tiernay, la société est ce qui est, ce qui existe devant nos yeux. Ce n’est donc pas surprenant que la moitié du texte de Cassivi parle des immigrants qu’il voit dans son quartier. Pour les Québécois – et la plupart des autres peuples sur cette planète – la société constitue, cependant, un idéal à atteindre, une vision commune de ce qui doit être.

Ainsi, la France, l’Allemagne, l’Italie, ne conçoivent pas leurs pays respectifs comme des photoramas de ce qui existe présentement; à leurs yeux, un immigrant ne parlant pas la langue nationale et ne partageant pas la moindre des valeurs nationales ne constitue pas un élément du multiculturalisme ou de la diversité de la nation, mais plutôt un immigrant à intégrer au destin commun du pays. On ne fera pas un film à propos d’un immigrant ne parlant pas la langue nationale en célébrant ce fait, mais bien davantage en soulignant les problématiques de l’intégration.

Au Canada, par contre, on s’appuie sur la force tranquille de l’impérialisme linguistique de l’anglais et on se permet de célébrer toute forme de différence parce qu’on a la conviction, qu’à long terme, l’anglais saura s’imposer. On considère que l’immigrant fraîchement débarqué, ou que le citoyen d’origine sikh qui réclame le droit de ne pas avoir à porter de casque de protection à cause de ses croyances religieuses, sont autant Canadiens que n’importe qui d’autre. Est Canadien qui habite le territoire canadien, simplement, parce qu’à long terme, l’anglais et les valeurs communes – ou l’absence de valeurs communes – finiront par s’imposer. C’est un peu cela, le multiculturalisme.

Au Québec, une telle façon de faire serait suicidaire. Si on décidait d’accepter qu’il y a des immigrants qui ne parlent pas français, ne veulent pas parler français, détestent le français; si on décidait de respecter de souligner l’apport de la « communauté » anglophone, on se condamnerait à la désintégration sociale et à empêcher toute forme d’intégration des immigrants à la langue et à la culture nationales. Ce serait la disparition rapide et finalement du peuple québécois.

En d’autres mots: quand Tiernay affirme que le cinéma québécois est fermé, il émet le souhait que nous considérions les anglophones et les immigrants rejetant le caractère francophone du Québec comme des particularités québécoises plutôt que comme des individus en attente d’être intégrés à notre nation. Pour lui, le fait que les Québécois ne forment que 2% de l’Amérique du Nord ou que notre langue régresse n’a pas la moindre importance: l’immigrant qui débarque ici et qui choisit de parler anglais – nuisant ainsi à notre capacité collective de survivre en tant que peuple – devrait jouir des mêmes privilèges que ceux qui se sont intégrés à notre langue nationale. En clair: Tiernay veut nous imposer un multiculturalisme tueur de notre spécificité plutôt que d’accepter que nous ayons choisi, à l’instar de nombreux peuples, d’intégrer les immigrants et les minorités à notre culture nationale.

Notre cinéma est ouvert à l’intégration

Et ce choix que nous avons fait, il se reflète dans notre cinéma, un cinéma ouvert à l’intégration des minorités (origine ethnique, langue, orientation sexuelle, etc.), contrairement au repli sur soi et au refus de la participation à sa collectivité prônés par Tiernay. Que ce soit le film 1981, qui fait l’éloge de l’intégration d’une famille d’origine italienne, 15 février 1839, qui parle notamment du courage de Charles Hindelang, un Suisse ayant décidé de participer pleinement au combat patriote, Congorama, qui s’interroge sur les relations filiales entre un Belge (d’origine québécoise) et son enfant Noir, Les Boys, qui traite notamment de l’homosexualité dans un contexte d’acceptation par un groupe de hockeyeur, C.R.A.Z.Y., qui parle également d’intégration et d’homosexualité, et la liste continue.

Le cinéma québécois est ouvert à la différence dans une perspective d’intégration de celle-ci alors que Tiernay, lui, avec ses films unilingues anglais, dont le dernier se passe dans un quasi huis-clos de ghetto anglophone refusant de se joindre à la nation québécoise, incite à la fermeture et au rejet. Le Québec s’ouvre vers la création d’une communauté partageant une langue, une culture et des valeurs communes alors que Tiernay nous rejette et refuse de participer à cette nécessaire intégration.

Au fond, n’est-ce pas Tiernay qui constitue lui-même le pire des fermés? Alors qu’il vit sur le territoire d’une nation riche en histoire, en culture, et qui possède une langue unique méritant d’être protégée, il a fait le choix de nous tourner le dos et d’embrasser une culture anglophone n’ayant absolument rien à voir avec le Québec dont nous rêvons.

Et puisque le cinéma se fait souvent à partir de rêves, le choix de Tiernay se transforme peut-être en cauchemar, appuyé par les idéologues de La Presse, où les Québécois ne seraient plus qu’une ethnie parmi d’autres dans un beau et grand Canada coast to coast où toutes les libertés sont permises, sauf celle, évidemment, d’avoir en son sein un peuple cohérent se souhaitant un futur collectif différent.

Cette cohérence, si Tiernay l’avait, il s’en servirait pour faire un film dans la langue des Québécois. Si c’est trop lui demander, qu’il se taise et qu’il vive son racisme et sa haine des Québécois et de leur spécificité dans le silence de cette bulle de verre qu’il s’est construit autour de son égo.

Notre nation est française, et si cela ne lui plaît pas, il a tout l’Amérique du Nord pour vivre son anglomanie.

Louis Préfontaine

http://louisprefontaine.com/2010/07/08/jacob-tiernay

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Le colonialisme continue

Dès son tout jeune âge, le Québécois apprend, souvent de ses parents mêmes, que sa langue maternelle est une langue déjà seconde, sans avenir, handicapée et même handicapante, et qu’il lui faudra coûte que coûte se mettre à l’anglais s’il veut se tailler une place sous le soleil boréal nord-américain. » C’est ce triste constat que dresse le professeur et chercheur Marc Chevrier à partir du film Les amours imaginaires du réalisateur Xavier Dolan. L’auteur, qui a également déjà publié une étude sur le sur-financement des universités anglophones du Québec, n’y va pas par quatre chemins: la domination séculaire des anglophones sur le Québec a entraîné la déréalisation du français et a permis à l’anglais de devenir, dans les faits, la seule langue normative au Québec.

Pour appuyer sa thèse, Chevrier analyse des scènes courantes du film de Dolan. Pourquoi ce film? Parce qu’il est candide, qu’il représente librement la société québécoise. Parce qu’on y voit une photographie en temps réel du Québec d’aujourd’hui. Et ce Québec, c’est celui d’une population qui enfile le français comme une seconde paire de bas et qui conçoit déjà le monde qui l’entoure dans une langue étrangère.

Voici quelques-uns des exemples de déréalisation notés par Chevrier:

1- Le vocatif : « Eh Gang ! » (dans le parler adolescent) ou « man », on sollicite l’attention de ses amis par un appel en anglais, plus marquant, plus viscéral que le français. On entend aussi souvent entre hommes : « Eh! Les boys! »; au Québec, la virilité ne parle pas français.

2- L’apostrophe d’étonnement : « Oh boy! », placé en début d’une phrase, pour indiquer l’imprévu, le choc avec le réel, le retour dans la réalité après avoir séjourné en français dans l’idéal ou la naïveté. C’est devenu une interjection courante dont usent animateurs de radio, journalistes et même les universitaires dans leurs communications officielles avec le pouvoir…. Nouvelle expression exclamative à la mode chez les jeunes : « Oh my God!» .

3- Le transfert de plan : comme les « by the way », « anyway » (d’après La Presse, le prochain film de Dolan s’appellera Lawrence anyways), « never mind » qui entrecoupent une phrase pour signifier le changement de plan dans le rapport au réel, pour passer à autre chose, orienter la conversation vers son point central ou la conclure.

4- L’emphase itérative: après avoir dit quelque chose en français, le Québécois redit exactement la même chose en anglais, pour se faire comprendre, insister sur son message et sa bonne réception ; « You know what I mean ? ».

5- L’attache affective, sexuelle ou filiale : comme le fameux « chum » ou le « fuck friend » mieux à même de dire la « chose » que le français ; les jeunes parents Québécois se plaisent maintenant à nommer leurs enfants « kids » : j’ai trois kids. Les prénoms anglais sont aussi monnaie courante, surtout chez les garçons : William (prénom le plus populaire en 2007), Anthony, Jeremy, Dylan, Kevin, Steve….

6- L’expression de la colère ou de la frustration: les gros mots empruntés à l’anglais (fuck, shit) ont souvent plus d’effets que les anciens jurons blasphématoires (tabarnak, chriss) utilisés par les Québécois, en réaction contre l’emprise de l’église catholique.

7- L’expression du plaisir vrai : c’est « l’fun » ou c’est « cool » dit-on pour exprimer le plaisir que l’on trouve dans une occasion ou une activité.

8- L’accord phatique : le Québécois n’emploie pas le français pour exprimer son accord ou signifier qu’il écoute le propos de son interlocuteur. Il dit « o.k. » et plutôt que « d’accord » ou « entendu ».

9- Le renchérissement positif : dans certaines circonstances, souvent après une victoire, l’exaucement d’un souhait, le Québécois dit « Yes ! » ou « Yes Sir ! » en haussant la voix. L’anglais a plus de résonance pour annoncer un triomphe, la joie ou une grande satisfaction.

10- Le superlatif : l’anglais peut exprimer à lui seul le superlatif, comme dans l’expression « être en shape », qui fait plu s convaincant qu’être simplement en forme…

Les expressions peuvent varier dans le temps; quand j’étais jeune, on disait « hey man », mais aujourd’hui le « hey dude » semble avoir la cote. On disait également qu’une situation était « cool », alors que les jeunes d’aujourd’hui parleraient sûrement de « chill ». Les expressions changent, évoluent, mais une tendance demeure: elles sont toujours en anglais.

Pourquoi? Chevrier le dit dans son premier exemple: au Québec, la virilité ne parle pas français. Des siècles de colonialisme ont transformé la langue des Québécois en une sous-langue, qu’on parle en cachette, entre nous, pendant que la langue dominante était associée à la réussite sociale, au pouvoir, à la liberté individuelle. Parler français, d’accord, mais pas question de réellement « vivre » la langue; quand on vit une émotion extrême, quand on manifeste sa joie, quand on partage une franche camaraderie, c’est en anglais que ça se passe. On a intériorisé cette domination et il s’agit peut-être de la pire des violences qu’on a pu nous faire.

Une Loi 101 insuffisante

Le problème fondamental avec cette infériorisation acquise des francophones, c’est qu’elle ne peut se réparer par une seule loi. Personne ne peut contester les bienfaits de la Loi 101; sans la Charte de la langue française, et malgré ses nombreuses modifications qui l’ont affaiblie, il ne fait aucun doute que la situation du français serait pire qu’elle l’est présentement. Ceci dit, à de nombreux niveaux, la Loi 101 n’a fait qu’ajouter une couche de vernis sur du bois pourri depuis l’intérieur. On se donne une apparence française, on affiche en français, on parle français, mais on pense toujours en anglais, on se considère toujours d’une manière anglaise et on demeure résolument déconnecté de nos racines françaises.

Demandez à nos jeunes ce qu’ils savent de leur propre langue, de leur propre culture. Connaissent-ils les grands auteurs français? Ont-ils lu les classiques? Sont-ils seulement en mesure d’écrire correctement, sans faire une faute à tous les trois mots? Poser la question, c’est déjà souffrir de la réponse. Nos jeunes ne savent rien non pas parce qu’ils sont idiots, mais parce que même le système d’éducation a transformé le français en une langue utilitaire, facultative, qu’on peut massacrer à souhait. Ils ne savent pas bien écrire le français parce qu’ils ont compris, intérieurement, que la maîtrise de cette langue n’était pas nécessaire dans leur vie. Ils acceptent intuitivement l’idée que le français ne constitue qu’un voeu pieux qu’on agite au vent comme un drapeau avant de le laisser s’envoler à la moindre bourrasque de vent. Ils se résignent à la perception d’une langue inférieure et l’éducation publique renforce cette démission d’eux-mêmes.

Renforcer la Loi 101 en l’appliquant au cégep est inévitable. C’est une question de vie ou de mort. Ceci dit, il ne s’agit que d’une solution parmi d’autres. Il s’agit peut-être, en fait, de la solution la plus facile et la moins efficace. Un enduit supplémentaire sur la poutre qui nous soutient de plus en plus difficilement.

Ce qu’il faut, la seule façon de réellement protéger le français au Québec, consiste à s’attaquer jusqu’à la source de ce sentiment d’infériorité linguistique qui accable notre population et la rend si sensible aux sirènes d’une langue anglaise qu’elle a appris, intérieurement, à considérer comme la seule langue valable.

Cela passe non seulement par la fin du sur-financement des institutions anglophones – un sur-financement qui lance le message selon lequel l’anglais constituerait une langue supérieure au Québec – mais également par la création, à terme, d’un seul réseau d’éducation publique, entièrement en français (comme cela se fait dans les autres pays) de la maternelle à l’université. Il faut oser s’attaquer aux avantages indus d’une minorité anglophone qui, assis sur le poids de sa domination historique et actuelle, jouit d’écoles, d’hôpitaux et d’institutions sur-financées lui permettant de s’enraciner au sein de notre collectivité et d’angliciser nos jeunes.

Il est impératif, également, d’augmenter la sévérité des cours de français, d’histoire, et d’apprendre aux Québécois qu’ils ont un passé, un présent et un avenir collectifs et que leur langue, loin d’être une béquille devant se superposer à la pureté d’émotions se vivant en anglais, a le droit de s’exprimer partout, sur toutes les tribunes, et de permettre l’expression, en français, de toutes la gamme des sensations humaines.

Finalement, il faut permettre, plus que jamais, aux francophones d’avoir accès aux plus hautes sphères de la société. Ce n’est pas parce que les échanges commerciaux internationaux se passent souvent en anglais (quoi que d’autres langues y sont également présentes) qu’on doit imposer la connaissance de cette langue pour tous les emplois. Des traducteurs existent, et il n’est pas normal qu’un individu qui n’est pas directement en contact avec des personnes d’un pays anglophone (ou utilisant l’anglais dans ses communications) doive parler anglais. La langue commune et nationale, au Québec, est et doit demeurer le français.

Nous sommes en 2010, mais le colonialisme continue. Plus insidieux, mais tout aussi mortel.

Le jour où notre jeunesse exprimera ses plus vives passions en français, nous aurons peut-être gagné le droit de survivre encore quelques siècles. Le jour où nous aurons compris que nous ne serons jamais assez anglicisés pour ceux qui ne désirent que notre disparition, nous aurons peut-être mérité d’assurer notre survie définitive en Amérique du Nord.

En attendant, continuons le combat. Plantons fermement nos doigts dans cette terre d’Amérique et réclamons le droit d’exister.

Louis Prefontaine   Publié sur LouisPrefontaine.com

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