Les troupes du Capitalisme

Le capitalisme qui contrôle notre société consiste d’abord en ceux qui créent à volonté, distribuent à leur guise et possèdent à leur discrétion la richesse virtuelle, elle-même symbolique de TOUTE richesse. Au centre du Système, il y a donc les organismes qui permettent ces opérations: le Fond monétaire international (FMI), les banques centrales – comme la Banque du Canada, les Caisses de dépôts – comme celle du Québec, les banques commerciales, les sociétés d’assurance et de fiducie … et les Ministères des finances des États, ceux qui assurent l’interface avec le pseudo pouvoir démocratique et lui transmettent les directives du vrai Pouvoir.

Ce centre du Système est géré par des administrateurs, mal connus du public,pour le compte d’une élite mondiale de possédants anonymes. Parmi ceux-ci – ou peut-être seulement au service de ceux-ci – quelques figures emblématiques jouent le rôle de paratonnerres contre la vindicte populaire. Aujourd’hui c’est Bill Gates, mais avant ce fut Howard Hugues, les Rothschild… ou – sans les consulter, quand la foudre est sur le point frapper – des boucs émissaires: « les cheiks arables »…  » les Juifs »…

Le pouvoir quasi-parfait de l’alliance dominante repose sur une richesse électronique qui est créée et distribuée par un réseau d’institutions et de mécanismes financiers dont l’informatique est l’outil. Ceux qui gèrent ce réseau sont au véritable centre du Pouvoir.

Le Système, toutefois, est tout aussi dépendant d’un CONSENSUS quant à la valeur de l’argent virtuel et quant à la légitimité du paiement d’intérêts. L’autre grande innovation du système néo-libéral, aussi indispensable que l’argent électronique, a été l’essor fabuleux des moyens de contrôle de l’opinion publique.

Hier, on stigmatisait le viol des foules. Aujourd’hui, les foules n’ont plus à être violées: elles sont en état d’hypnose et séduites à merci. Discrètement, la psychosociologie est devenue une science exacte; on sait, désormais ce qui doit être dit pour obtenir l’adhésion ou susciter la répulsion. Le « politically correct » n’est que la queue de la comète « propagande », comme la publicité commerciale n’en est que l’aspect anodin. La véritable manipulation est politique.

La manipulation politique commence par un système d’éducation qui ne véhicule que les valeurs dites « néo-libérales ». Le citoyen, émasculé dès l’école de tout esprit critique, est ensuite suivi par un réseau de médias et d’agents culturels qui lui redisent ce qui est bien et ce qui est mal et, surtout, qui lui impose, avec toutes les ressources subliminales dont dispose la technique moderne, la conviction que l’argent EST la richesse et vaut bien ce qu’on nous dit qu’il vaut.

« Voici un dollar, il vaut un rouble », disaient les Soviets et les Russes mangeaient mal – mais tous les jours – des choux et des betteraves qui valaient quelques cents. « Voici un dollar, il vaut 5 000 roubles » – disent les nouveaux proconsuls en Russie de l’alliance dominante… et les Russes ne mangent plus tous les jours, leur espérance de vie a diminué de 6 ans, le banditisme gère le pays. Pourtant, les champs n’ont pas bougé, les usines sont toujours là, même si désormais en voie de perdition; on a seulement changé la notation électronique de 200 000 000 d’individus. Un nouveau consensus s’est établi quant à la valeur de l’argent, consensus qui sert mieux les intérêts de l’alliance dominante.

Tout à la dévotion de l’alliance dominante, on trouve les commandos du consensus: les éducateurs, les communicateurs, les experts en relations publiques, les leaders religieux et les moralistes, les artistes « corrects » qui suivent les directives et maintiennent l’état d’hypnose collective de la population dont Orwell nous avait prévenu et qui est nécessaire au consensus.

Certains sont conscients et responsables de façonner l’image de la réalité qui convient à l’alliance dominante, mais la majorité de ceux qui collaborent à cette oeuvre en sont inconscients. Il réagissent comme on sait qu’ils réagiront aux impulsions qu’on leur transmet: on montre du sang, ils pleurent; on montre du fric, ils se courbent .

Plus conscients et donc mieux rémunérés, on trouve au sein du pouvoir et à son service, les mercenaires qui assurent le fonctionnement et la protection du système. Ils se divisent en trois classes d’importance inégale.

D’abord, les juristes, lesquels ont pour double mission: a) assurer la légitimité du Système, en créant et en justifiant les normes ingénieuses qui permettent à chaque individu et à toutes les alliances de tirer de la société tout ce que leur pouvoir respectif les autorise à en tirer, et b) arbitrer les différends entre les membres des alliances, au divers paliers, quand le rapport des forces n’est pas évident et qu’un recours à la violence serait à craindre au détriment de la stabilité du Système.

Ensuite, les économistes, ceux qui manipulent les conditions de l’échange sous toute ses formes. Ce sont les comptables, les fiscalistes, les courtiers, ceux qui font fonctionner les bourses – où se négocient les enjeux virtuels, donc importants – et les marchés de produits tangibles, dont les transactions servent de faire valoir aux opérations boursières.

Enfin, les militaires, les policiers et tous ceux qui portent un fusil. Dans les marches du royaume, au tiers-monde, cette classe de collaborateurs du Système joue un rôle primordial; au siège social de l’alliance dominante – dans notre civilisation occidentale – son triple rôle, moins visible, est néanmoins important. Ce triple rôle consiste: a) faire rentrer dans le rang – ou à faire disparaître – ceux sur qui l’hypnose collective ne prend pas ou qui ne jouent pas le jeu avec civilité…, b) à rappeler par sa seule présence qu’il y eut un temps où la force s’exerçait moins subtilement et donc qu’il vaut mieux se soumettre…, et c) à mener la « guerre » contre la drogue.

Cette guerre contre la drogue a pour premier but évident de percevoir de deux classes faibles – les narcomanes et les victimes des vols servant à payer la drogue – une masse monétaire non négligeable qui finit, comme tout autre argent, dans les goussets de l’alliance dominante, mais elle a aussi un autre objectif plus insidieux. Cet autre objectif est de canaliser la violence et l’initiative de ceux dans notre société qui, animés d’un esprit libertaire, auraient pu devenir en d’autres temps les leaders d’une révolution.

La rentabilité du trafic de la drogue et l’accès au pouvoir qu’il permet attirent ces individus « exceptionnels », éduqués dès l’enfance à préférer leur succès personnel à celui d’une cause collective. Trafiquants plutôt que rebelles, ils cessent d’être un danger réel pour la stabilité du Système.

Si on voulait montrer le Système sous la forme d’un calvaire baroque, on verrait un Capitaliste sans visage, exalté sur un trône entre son Comptable et son Avocat, confiant son Banquier à la garde du Politicien, pendant que quelques soldats et policiers rigolent et que des trafiquants jouent aux dés à l’arrière-plan. Des magiciens et des jongleurs s’agitent, cachant la scène aux multitudes qui travaillent, souffrent, meurent de faim sans rien voir…

11 Commentaires

Classé dans Actualité, Pierre JC Allard

11 réponses à “Les troupes du Capitalisme

  1. Garamond

    Bravo ! Ce qui me rassure c’est de constater qu’il y a encore du monde pour voir clair dans tout ça et pour le dire sur la place publique virtuelle.
    À ces quelques lucides s’ajoutent tous ceux qui les lisent, qui partagent leurs idées et qui en discutent avec leurs proches.
    Tout ce monde va finir par représenter une masse de moins en moins contrôlable et de cette masse surgira la Révolution.

  2. Excellent texte Pierre. Tant que ce nexus du Pouvoir ne sera pas clairement exposé, les choses ne changeront jamais en notre faveur, nous, le reste de l’humanité que cette élite pense être les propriétaires.

    Le coeur même du Système est le système fractionnaire bancaire privé qui permet à des gens comme vous et moi, de créer de l’argent de nul part et de vous le prêter avec intérêts!

    Enlevez-leur toutes leur richesse et possessions, mais laissez-leur le pouvoir de créer de l’argent, la monnaie, et le jour suivant ils rachèteront tout d’un coup de signature de la main.

    C’est une pyramide de Ponzi.

  3. WOW!
    Clair, précis, et concis.

    J’ai pris la liberté d’en extraire quelques extraits, et de mettre votre article en lien sur mon blog.

    -Misko

  4. Redge

    Ce que je trouve révoltant, c’est qu’aujourd’hui, avec internet, le peuple n’a plus de raison d’être hypnotisé. Il est hypnotisé par choix.

    Un peu comme dans le film la Matrice quand Neo doit choisir entre la pilule rouge ou bleu. Rouge il se réveille et voit le monde tel qu’il l’est vraiment, mais il ne peut retourner en arrière à son ancienne vie. Bleu, il se réveille dans son lit, croyant que tout ça n’était qu’un rêve et il pourra continuer sa vie comme si de rien n’était, mais il reste prisonnier de la matrice.

    Nous sommes tous devant le même choix: prendre la pilule rouge et constater que tout ce qu’on nous a enseigné depuis la naissance n’était qu’un gros mensonge, une machination pour que nous restions ignorant, docile et au service de l’élite (un peu comme les machines dans The Matrix). En apprenant ça, tu ne peux pas « oublier » et retourner faire ton boulot 40h semaine tranquille jusqu’à la retraite… Tu deviens dégoûté de la situation dans laquelle on est tous.

    Si au contraire, les gens prennent la pilule bleu, il continuerons de vivre dans l’ignorance de la vérité (qui est difficile à avaler) et il pourrons vaquer à leurs occupations quotidienne en croyant être libres.

  5. Oui je suis d’accord Redge. ‘La Matrice’ est une belle métaphore de la société dominante.

    Je doute par contre que les ‘hypnomestiqués’ puissent le voir. Un peu comme ‘Star Wars’ et l’Empire avec sa planète artificielle, et ses armées de Cyborgs…mi-humains, mi-machine. Tous au serf-vice de l’Empire de la Mort.

  6. gaetanpelletier

    Excellent, en effet… On dirait un fichier compressé : compréhension des sociétés pour les nuls.
    _________________
    J’ai fait partie longtemps des «troupes». Comme je suis du genre marginal à me traîner toujours un bon sac de point d’interrogations, j’ai lutté, je me suis débattu pour essayer de convaincre les «gradés» des énormités en éducation.
    Les gradés n’en ont rien à cirer: la «gloire», le magot, l’orgueil. Pliés, courbés à des dirigeants qui sont justement à l’image des personnages de La Matrice : cravatés, neutres, sans émotions.
    La vérité importe peu pour eux: pourvu qu’ils fournissent aux Morlocks les «travailleurs-esclaves» dont ils ont besoin.
    Les «créatures» dirigeantes sont des cannibales pire que les charognards: la carcasse, les os, l’âme. Ils gobent tout.
    Et quelle belle pitance pour l’industrie pharmaceutique!

  7. Il semble que je me preparais en vain a quelques passes d’armes… Mais nous tous qui sommes conscients, que faisons-nous CONCRETEMENT pour que le monde change ? Que faudra-t-il pour que l’on marche vers la Bastille ?

    Hatons nous de le prevoir avant que l’internet soit censure et que la communication de masse devienne impossible. Deja, la decison de Gesca de faire un controle a priori des commentaires sur ses blogues montre que les jours de la liberte sont comptes.

    PJCA

  8. gaetanpelletier

    La révolte des idées peut-elle changer le «monde»?
    Un confort – que je considère apparent – est offert au peuple. Du moins à certains…
    En autant qu’il y a confort, les citoyens aiment la paix et se conformeront.
    Il me e semble que ce sont les besoins primaires qui font les révoltes, les vraies.
    Ce que je vois de plus navrant, ce sont ceux à l’âme brisée, au corps défaits par les burn-out, mais qui croient encore.
    Pas facile de déloger ces «rois».
    Le confort du bien-être des émotions n’a pas tué personne. Encore et et encore on crée des «remèdes» pour soulager.
    Concrètement?
    Ce serait peut-être aux plus jeunes de s’en occuper. Mais ils sont encore obnubilés par les «réussites» sociales.
    Et ils se dirigent en majorité, vers…
    Dans quelle rue faut-il marcher?
    Je me pose la question aussi.
    C’est pourquoi j’ai eu envie un jour d’aller vivre en Alaska.

  9. Redge

    @Pierre JC Allard: mais que pouvons nous faire concrètement? C’est un effort collectif qu’il nous faut, mais le peuple est endormis, on le sait tous.

    Que nous reste-t-il? Internet? C’est mieux que rien, mais encore faut-il que les gens prennent le temps de s’arrêter et de lire…

    Quoi faire sinon d’attendre que tout s’écroule pour qu’enfin les gens reçoivent la claque nécessaire et qu’il comprennent?

    Tant que nous aurons les mêmes valeurs et la même conscience limité, nous resteront petit et limité en tant qu’espèce. Nous ne pouvons régler les problèmes actuels avec la même conscience qui les a créé en premier lieu.

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