Archives quotidiennes : 14 janvier 2009

Des voix s’élèvent pour exiger une enquête sur des violations au droit humanitaire et des crimes de guerre d’Israël

« Israël devait combattre le Hamas à Gaza comme les États-Unis l’avaient fait face au Japon durant la Seconde guerre mondiale ». La référence est on ne peut plus explicite. Cette phrase, lancée par le député ultranationaliste israélien, Avigdor Lieberman, ancien ministre des Affaires stratégiques dans le gouvernement d’Ehoud Olmert et chef du parti d’extrême droite Israël Beitenou qui est actuellement le 5ième parti politique le plus important d’Israël, est significative d’un certain état d’esprit qui prévaut actuellement au Proche-Orient. « La conquête du Japon alors n’avait pas été nécessaire », avait ajouté Avigdor Lieberman. De son côté, Ehud Barak, ministre de la défense, reconnaît que l’offensive a atteint la plupart de ses objectifs mais probablement pas tous. Les pertes du côté israélien, si elles s’accroissent, ne rendront pas cette guerre contre le Hamas très populaire aux yeux de la population : dix militaires et trois civils israéliens ont été tués depuis le 27 décembre.

Ban Ki-moon, qui a exigé lundi qu’Israël et le Hamas cessent immédiatement les combats à Gaza, se rendra au Proche-Orient et il entend informer le Conseil de ses intentions. Sa visite comprendra notamment des arrêts en Egypte, en Israël, en Cisjordanie et en Syrie. Il est intéressant de noter que, lors d’une rencontre avec les pilotes de l’armée de l’air, et les équipes de contrôle au sol, à la base de Palmahim, le ministre de la Défense Ehoud Barak a déclaré, selon le Jerusalem Post : « Nous avons entendu et respecté les appels de Ban Ki Moon, le secrétaire général de l’ONU, et nous surveillons évidemment de près les avancements de l’initiative égyptienne, mais les combats continuent, et l’armée israélienne souhaite appliquer la méthode forte ».

Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, reconnaît qu’Israël ne contrôle pas tout à fait la guerre des informations : « Selon certaines indications, le Hamas à Gaza montre des signes d’affaiblissement, mais les responsables à Damas véhiculent un autre message ». Toute déclaration du Hamas sur un possible cessez-le-feu est évidemment vue comme un affaiblissement de sa politique et de sa stratégie de guerre contre Israël.

L’ombre des poursuites pour crimes de guerre plane sur l’État hébreu qui s’y prépare et qui entend bien rassurer la population. Selon Le Monde, quatre-vingt-dix organisations, essentiellement françaises et beaucoup pro-palestiniennes, vont déposer, mercredi 14 janvier, devant la Cour pénale internationale (CPI), une plainte pour « crimes de guerre » visant l’offensive israélienne à Gaza. Fait à noter : l’État Hébreux n’ayant pas ratifié le traité instaurant cette cour. Elle n’a donc pas juridiction sur Israël. Le groupe vient de formuler une requête au gouvernement français pour que ce dernier saisisse le Conseil de sécurité afin qu’une enquête soit déclenchée. Le groupe entend de plus demander un recours en annulation au tribunal de première instance pour la communauté européenne contre la signature des accords de rehaussement entre l’Union européenne et l’Etat hébreu. Ces accords, verbalement liés au processus de paix et au respect des droits humains, visent à renforcer la coopération politique et économique. Amos Guiora est un expert en droit international et en contre-terrorisme. Selon ce dernier : « Les tracts lancés par Tsahal sur Gaza pendant l’opération « Plomb durci » – destinés à prévenir les civils de frappes aériennes imminentes et d’attaques terrestres – pourraient permettre à l’armée de prouver qu’Israël n’est pas coupable de crime de guerre », prévient-il dans le Jerusalem Post. Mais le juriste rappelle Israël à ses obligations, sur The Jurist, de l’Université de Pittsburgh : « Israel must not ignore its international humanitarian law obligations. To do otherwise is a violation of international law ». Le procureur général et conseiller juridique du gouvernement, Menahem Mazouz, fer de lance de la lutte anti-corruption en Israël, n’est pas sans savoir que l’armée pourrait faire face à une vague de procès internationaux liés à l’opération en cours. Pour ce dernier, qui se veut le défenseur de l’État de droit, après la frappe sur une école de l’ONU, « Tsahal apportera les preuves nécessaires pour expliquer le déroulement de la manœuvre. Il est évident que Tsahal ne frappe pas dans le but de tuer des civils ».

À ce propos, comme le rapporte Telerama : accompagnée d’un large bandeau « War in Gaza » barrant son écran, la chaîne arabe Al-Jazira a aussitôt usé des mots « massacres » et « crimes de guerre ». Au même moment, radios et télés françaises oscillaient entre « la bavure » et « l’incident ».

La France vient de lancer un appel à Israël : « Selon un communiqué de Human right watch, il apparaît qu’Israël utilise du phosphore blanc comme un écran de fumée, un moyen en principe permis dans le cadre du droit humanitaire international. Cependant, le phosphore blanc peut causer de graves brûlures (…) Le risque de blesser des civils est aggravé par la forte densité de la population à Gaza ». Selon deux médecins sur le terrain, les docteurs Mads Gilbert et Erik Fosse, il semblerait que le phosphore blanc ait été remplacé, dans les nouvelles armes en provenance des États-Unis, par les DIME (Dense Inert Metal Explosive), petites boules de carbone contenant un alliage de tungstène, cobalt, nickel ou fer. « A 2 mètres, le corps est coupé en deux ; à 8 mètres, les jambes sont coupées, brûlées comme par des milliers de piqûres d’aiguilles. Nous n’avons pas vu les corps disséqués, mais nous avons vu beaucoup d’amputés. Il y a eu des cas semblables au Sud-Liban en 2006 et nous en avons vu à Gaza la même année, durant l’opération israélienne « Pluie d’été », selon des médecins norvégiens de l’hôpital de Gaza au quotidien Le Temps.

Le quotidien pose la question suivante : Gaza est-il le laboratoire des fabricants de la mort? L’un des deux médecins norvégiens s’interroge : « Se peut-il qu’au XXI siècle on puisse enfermer 1,5 million de personnes et en faire tout ce qu’on veut en les appelant terroristes? »

Le Canada, le pays aux grandes Chartes des droits de la personne, s’est distingué à nouveau sur la scène internationale. Au Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui a adopté lundi à Genève une résolution qui « condamne avec force l’opération militaire israélienne » à Gaza, il s’est opposé fermement à son adoption. Trente-trois États, le bloc africain, les pays arabes et musulmans, l’ensemble des pays sud-américains et asiatiques ont accepté la résolution. Le groupe européen ainsi que la Suisse se sont abstenus. Comme le rappelle le quotidien Le Temps, l’ambassadeur israélien, Aharon Leshno Yaar, a dénoncé le « monde de conte de fées dans lequel vit ce Conseil » alors que dans le « monde réel » aucun consensus significatif ne peut se construire sans Israël. Le représentant canadien, qui a appelé au vote final, a pour sa part salué les efforts de la délégation palestinienne pour amender le texte tout en soulignant que celui-ci ne parvenait pas à prendre note des tirs de roquettes du Hamas et s’en tenait à un langage violent contre Israël. Avis partagé par UN Watch selon qui le caractère unilatéral de cette résolution qui « fournira la légitimité, l’impunité et un encouragement aux attaques délibérées du Hamas contre des civils ».

L’impuissance de l’Autorité palestinienne est remarquable. Son affaiblissement progressif l’éloigne davantage d’une crédibilité au sein des milieux diplomatiques. Rafic Husseini est le directeur de cabinet du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, depuis son élection en janvier 2005. Interrogé par le quotidien Le Monde, il en vient à la conclusion qu’Il faut faire comprendre à Israël que ce qui se passe est inacceptable car c’est un crime de guerre et la fin du processus de paix. Ce sont les pays amis d’Israël comme les États-Unis, l’Union européenne, les pays arabes qui ont des relations avec l’État juif qui doivent exercer leur influence pour que cette guerre se termine. Sur cette question des crimes de guerre, Rafic Husseini précise sa pensée : « Lorsque l’on veut tuer un combattant du Hamas et que l’on tue toute une famille, voire des voisins, c’est du terrorisme qui est punissable par les juridictions internationales. Pour moi, les attentats-suicides et ce qu’Israël fait à Gaza, c’est la même chose ».

Rashid Khalidi est, pour sa part, professeur d’études arabes à Columbia. Il est également l’auteur du livre à paraitre : « Sowing Crisis: The Cold War and American Dominance in the Middle East ». Il rappelle sur Information Clearing House, cette phrase de Moshe Yaalon, le chef d’État-major des Forces de défense israéliennes, en 2002 : « The Palestinians must be made to understand in the deepest recesses of their consciousness that they are a defeated people » (Les Palestiniens doivent comprendre au plus profond de leur conscience qu’ils sont un peuple vaincu). Rashid Khalidi revient sur cette notion de crimes de guerre à l’encontre d’Israël : « Viser des civils, que ce soit par le Hamas ou par Israël, est potentiellement un crime de guerre. Toute vie humaine est précieuse. Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : près de 900 Palestiniens, des civils pour la plupart, ont été tués depuis que le conflit a éclaté à la fin de l’année dernière. En revanche, il y a eu environ une douzaine d’Israéliens tués, dont de nombreux soldats » (Traduction : ISM-France).

Comme l’indique The Guardian, il y a de plus en plus d’organisations internationales qui élèvent la voix pour qu’Israël soit confronté à des accusations de crimes de guerre contre la population civile de Gaza. Toutes et tous demandent que des enquêtes indépendantes soient promptement menées pour déterminer s’il y a lieu que des accusations soient portées contre les responsables israéliens de cette guerre en Palestine. The Guardian met en ligne une vidéo qui montre le témoignage d’un enfant de 12 ans qui raconte sa vie à Gaza pendant les bombardements.

Richard Falk, professeur et rapporteur pour les Nations Unies, dressait déjà, le 27 décembre dernier, sur The Nation, les motifs qui justifieraient une enquête sur les crimes de guerre d’Israël, notamment cette notion de « châtiment collectif » infligée à la population de Gaza : « The entire 1.5 million people who live in the crowded Gaza Strip are being punished for the actions of a few militants ».

L’arrivée de Barack Obama ne peut passer inaperçue dans un règlement de paix au Proche-Orient. « Smart power » (puissance intelligente), voilà le leitmotiv sur lequel, comme vient de l’indiquer Hillary Clinton devant le Sénat, se fondera la nouvelle doctrine des États-Unis en matière d’affaires étrangères. La militarisation de la politique étrangère américaine ne constituera plus la ligne de conduite du gouvernement Obama. Les États-Unis mettront en place une stratégie, au Moyen-Orient, qui évitera les clivages israélo-palestiniens. Washington appuiera, selon madame Clinton, « tous les efforts possibles pour appuyer le travail des Israéliens et des Palestiniens qui cherchent la paix ».

Et si parmi ces efforts devaient se tenir des enquêtes sur les responsabilités des deux parties, Israël et le Hamas, sur de possibles violations des droits de la personne, comment réagira le gouvernement Obamas ? Une partie de la réponse se trouve dans la réponse de madame Clinton devant le Sénat : « il n’est pas question de dialoguer avec le Hamas tant qu’il n’aura pas reconnu Israël et renoncé à la violence ».

Voici une entrevue, en deux volets, et toute récente, qu’accordait le professeur Richard Falk, rapporteur des Nations-Unies, à Al-Jazeera.  ».

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Classé dans Actualité, Pierre R Chantelois