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ALLUMER UNE CHANDELLE, 2 de 2

Yan Barcelo, 17 avril 2010
À force de ne concentrer notre attention que sur ce qui tourne mal, on en vient à croire qu’il n’y a rien d’autre. Pour contrer la grisaille qui prédomine sur ce site – grisaille à laquelle je suis le premier à contribuer ! – je veux parler pour une seconde fois de la partie du mur… à la lumière.
Combien de choses très inspirantes se font dont on parle malheureusement très peu. Par exemple, j’ai connu récemment une compagnie minière québécoise, SEMAFO, qui exploite des mines d’or en Afrique de l’Ouest et qui le fait avec un très grand respect des populations et de l’environnement. Sa mine de Mana, au Burkina Faso va être la première au monde à fonctionner à l’électricité solaire, éliminant les 1,2 million de litres d’essence qu’elle consomme mensuellement.
Mais plus que ça, le président de la compagnie, Benoît La Salle a créé une Fondation SEMAFO, sans doute la première du genre au monde à être la création d’une compagnie. Cette fondation contribue à une foule de projets sociaux et économiques dans les trois pays où la compagnie fait affaires, soit le Burkina Faso, le Niger et le Ghana. Chaque année, la compagnie donne 2% de ses profits après impôt à la Fondation, de telle sorte qu’en 2010 elle lui transfèrera 1 M$.
Toutefois, la plus belle contribution de cette Fondation n’est pas monétaire, mais matérielle. Elle récolte des objets de toutes sortes partout au Québec et chaque mois expédie des conteneurs pleins de toutes sortes de produits utiles dont les trois pays manquent cruellement : livres, vêtements, pupitres, ordinateurs, matériel de laboratoire, etc. Benoît La Salle me disait qu’on ne trouve au Burkina Faso qu’un seul dictionnaire par département. Il s’est assuré, par le biais de la Fondation, que chaque classe en dispose d’un. De même, dans les classes, où s’empilent jusqu’à 60 élèves, on ne trouve souvent qu’une seule tablette à écrire. Tandis qu’un élève écrit quelque choses, tous les autres attendent patiemment leur tour de faire de même en comptant les mouches au plafond. Là aussi, la Fondation veille à donner aux écoles une tablette et un stylo pour chaque élève. Du coup, la productivité des classes est multipliée par 60 !
Des exemples semblables, on pourrait en trouver plusieurs autres. Il suffit de chercher un peu. Un cas entre mille : Groupe RCM est une entreprise de recyclage sans but lucratif qui fait travailler 140 personnes dans trois usines en Mauricie, dont 120 souffrent de handicaps légers à sévères. Le Québec compte 43 autres « entreprises adaptées » comme celle-ci qui font travailler 3000 personnes souffrant d’un handicap mental ou physique.
À une époque, les handicapés ne pouvaient espérer rien d’autre que bénéficier de la charité publique. Avec de telles entreprises, ils peuvent contribuer et gagner dignement leur vie. Sont-ils exploités ? Pas du tout : les salaires horaires chez Groupe RCM vont de 9,50$ pour un opérateur de chariot élévateur à 14$ pour un chargé d’entretien mécanique. Ce n’est pas le pactole, bien sûr, mais ce n’est pas la crève non plus. Et n’oublions pas que ces employés ont des besoins importants en formation et en encadrement que leur compagnie assure.
Il est vrai que ces entreprises sont subventionnées en partie, ce qui amène certaines compagnies du secteur privé à se plaindre de concurrence déloyale. C’est ce que Cascades affirme, dénonçant le fait que les entreprises comme Groupe RCM, qui est active dans la récupération et le recyclage de papier, contribue à la raréfaction du papier recyclé et à la hausse des prix en vendant leur production à la Chine.
Et Cascades a raison dans une grande mesure. Que voulez-vous, tout n’est pas parfait. Une simple mesure corrective pourrait être d’interdire à des entreprises comme Groupe RCM de vendre à la Chine pour les obliger plutôt de vendre à des entreprises locales comme Cascades ou d’autres. Pourquoi, ces compagnies, qui contribuent par leurs taxes aux charges sociales de l’État, ne bénéficieraient-elles pas ainsi par la bande des subventions accordées aux entreprises adaptées d’ici?
Mais que tout ne soit pas parfait dans le domaine des « entreprises adaptées » ne veut certainement pas dire que ce segment de l’économie sociale n’est pas digne des plus hauts éloges, comme tant d’autres segments d’ailleurs. C’est que l’économie sociale est un domaine fort prospère au Québec et rassemble plus de 7000 entreprises qui emploient environ 125 000 travailleurs, générant des revenus de l’ordre de 4 milliards $, soit 3% du PIB québécois (tous ces chiffres sont tirés du Chantier social de l’économie).
D’accord, tout ne va pas bien sur cette planète, c’est certain. Mais garder les yeux fixés sur la partie du mur qui est à l’ombre ne doit pas nous faire oublier qu’il y a aussi un côté du mur qui est dans la lumière. Beaucoup de choses exemplaires se font partout, souvent juste à côté de chez nous. Et il faut saluer ces semeurs de lumière. Car notre rôle très modeste à chacun, ce que la vie attend de nous, n’est pas tant de maudire l’obscurité, mais de tenter d’allumer une chandelle.

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Classé dans Actualité, Yan Barcelo