SIDA DE CIVILISATION : Les grandes hypothèses – 10

Yan Barceloe, 10 octobre 2010

Je poursuis dans cette chronique avec les grands thèmes qui forment les fruits privilégiés de l’Occident et dont le mûrissement est tributaire, d’une façon fondamentale, de l’héritage chrétien.

Après les premiers balbutiements articulés dans la Grèce antique, après que les penseurs chrétiens aient mis en valeur la légitimité de l’univers matériel, sa rationalité accessible à l’interrogation humaine et surtout sa disponibilité pour la multitude humaine, après que la méthode scientifique ait livré des résultats mesurables et reproduisibles, après qu’on ait mis en place les premiers procédés industriels mus par la force de la vapeur, ces étapes étalées sur deux millénaires et demi ont donné jour à la plus formidable aventure intellectuelle humaine, une aventure que toute la planète aujourd’hui est en voie de s’approprier. Cette aventure, qui n’a vraiment pris son envol qu’il y a deux cents ans, est en voie d’apporter au moins un minimum de prospérité et de bien-être matériel à des centaines de millions d’humains et, sous peu, à des milliards, en Chine, en Inde, en Amérique du Sud et ailleurs. Tous veulent cueillir ce fruit. Or, c’est à l’Occident gréco-judéo-chrétien que la planète doit ce fruit.

Encore une fois, plusieurs condamnent cette trilogie science-technologie-industrie parce qu’elle a livré tant de fleurs vénéneuses : la bombe nucléaire, la thalidomide, les paysages urbains dévitalisés, le moteur à combustion interne et sa pollution débridée. Très juste. Mais n’oublions pas le côté lumière du mur : l’électricité et ses immenses réseaux de distribution, la voiture et les télécommunications qui ont ouvert les frontières, la pénicilline, le processeur informatique, et tant d’autres.

Certes, on se débat aujourd’hui avec une crise environnementale aiguë. Mais ne sommes-nous pas un brin impatients et injustes en condamnant la science et ses enfants de la technologie et de l’industrie. Jusqu’à il y a 60 ans, à l’aube de la naissance de la discipline écologique, les humains percevaient en général la nature comme un adversaire dont il fallait constamment se protéger et qu’il fallait « dominer » pour assurer cette protection. Ses ressources semblaient inépuisables. Ce n’est que dans les dernières 60 années que nous avons lentement renversé cette vision pour en venir à une perception de la nature comme un jardin planétaire vulnérable, qu’il nous appartient de cultiver et protéger, et dont nous devons assurer la pérennité. Encore une fois : un tel coup d’œil est extrêmement récent et il faut lui donner le temps de s’articuler et de se déployer, ce que nous sommes en train de faire, lentement mais sûrement. Condamner au nom de cet idéal nouveau et récent tout l’effort scientifique et technique s’avère un geste naïf, bête et méchant.

Nous sommes seulement au début de cette crise, une crise qui est elle-même le fruit de trois disciplines qui ne sont vieilles que de 200 ou 300 ans. Dans l’histoire de l’humanité, qui s’étale sur 2 millions d’années, 200 ou 300 ans, c’est rien! Donnons encore 1000 ans à la science-techno-industrie. Un coup parti, donnons-lui 10 000 ans! Ne peut-on croire que nous aurons résolu la plupart, sinon tous les problèmes écologiques, qui semblent aujourd’hui insurmontables. On connaît le symbole chinois qui exprime en même temps crise/occasion. La crise actuelle pourrait être fatale – ce dont je doute immensément – mais elle sera plus probablement l’occasion d’insuffler à la science-techno-industrie des virages déterminants vers de nouveaux horizons propres, plus humains, plus… chrétiens.

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