Entrevue avec la criminologue Line Beauchesne : bémols à la légalisation des drogues

Entrevue réalisée par Charles Messier. Dossier ToxicomanieProstitution et Sexualité

line-beauchesne-criminologue-drogue-toxicomanie Question: Êtes-vous favorable à une légalisation de toutes les drogues?

Réponse: Oui. Il faut cependant faire attention, parce que chaque fois que je dis ça, on a l’impression que je veux légaliser le crack, alors que ce n’est pas le cas. Quand on a légalisé de nouveau l’alcool en 1933, on n’a pas légalisé l’alcool frelaté. Je ne veux pas légaliser toutes les drogues accessibles sur le marché noir! De toute façon, des drogues comme le crack, personne n’en voudrait une fois les autres drogues légalisées.

Q: Cependant, ne serait-il pas dangereux que, du jour au lendemain, toutes les drogues soient accessibles?

R: Je veux légaliser toutes les drogues, mais une à la fois, en commençant par le cannabis, parce qu’on a beaucoup à apprendre avant de légaliser les autres.

Q: En légalisant les drogues, existerait-il le danger qu’elles soient plus accessibles et que n’importe qui, n’importe quand, puisse s’en procurer?

R: Non, les drogues seraient moins accessibles, parce qu’actuellement, si tu veux en avoir, c’est très facile. Dans un milieu légal, il y a des lieux, des règles, des modes de distribution précis qui restreignent l’accessibilité. Aussi, dans un modèle de promotion de la santé, à un moment donné, la consommation plafonne, parce que les gens font de meilleurs choix grâce aux politiques de distribution et de prévention.

Q: Où le gouvernement prendrait-il l’argent pour promouvoir la santé?

R: Je voudrais que tous les profits rapportés par la vente de drogue soient réinvestis dans la santé, dans la prévention. La légalisation ne serait donc pas un moyen pour les gouvernements de faire de l’argent comme avec le jeu actuellement. L’argent investi en ce moment dans la répression des vendeurs et des consommateurs devrait également être transféré dans la promotion de la santé et la prévention des usages problématiques de drogues.

Q: Avez-vous un exemple d’une méthode de prévention dans un marché légal des drogues?

R: Ce que je voudrais, c’est un modèle de taxation comme pour l’alcool. Par exemple, une tisane de coca serait très peu taxée, les produits injectables pourraient uniquement être distribués en pharmacies et sous contrôle médical pour les personnes qui en ont besoin. Bref, la taxe ajoutée devrait être un signe de la concentration du produit et de son potentiel de risque, ce qui serait un modèle pédagogique pour la clientèle. Il faudrait aussi éviter que les taxes augmentent trop les prix et que se développe un marché noir, comme c’est arrivé pour le tabac.

Q: Pourquoi la consommation de drogue dans un marché légal serait-elle moins risquée en matière de santé publique que dans un marché illégal?

R: Sur le marché noir, les produits ne sont pas contrôlés, ce qui fait que la dose peut être différente d’une fois à une autre. C’est comme si on commandait une bière dans un bar sans savoir si elle est à 5 % d’alcool, à 25 %, à 50 % ou même si c’est de la bière… Donc, on ne peut pas contrôler la quantité qu’on peut consommer, ni la qualité du produit.

Q: Y a-t-il d’autres facteurs qui influenceraient une meilleure façon de consommer les drogues?

R: Effectivement, dans le marché noir, les consommateurs se réunissent dans un lieu et décident que l’activité principale ce soir-là, c’est la consommation. Également, les consommateurs sont dans des milieux plus à risque, parce qu’ils se tiennent proche des sources d’approvisionnement et n’apprennent pas à gérer la consommation, contrairement à ce qui se produit dans un marché légal où il existe une politique de promotion de la santé.

Q: Ne croyez-vous pas qu’il y aurait davantage de consommateurs de drogue prêts à s’endetter pour payer leur dose quotidienne?

R: Il y aurait moins de conséquences financières négatives pour les consommateurs, mais pas parce que la drogue serait moins chère. Dans le marché noir, quand on est dépendant et qu’on n’a pas d’argent, le vendeur ne passe pas chez le notaire pour réclamer son dû. C’est ton dealer qui t’avance l’argent. La première semaine, ça va être 100 $, la deuxième 200 $. Puis, si un jour tu ne peux pas payer, quelqu’un va venir te régler ton compte. Donc, on est plus à risque d’avoir des problèmes financiers quand on est sur le marché noir que sur le marché légal. En plus, on risque d’être en contact avec d’autres drogues qui coûtent plus cher et dont le potentiel de dangerosité peut être plus élevé.

Q: Y a-t-il des drogues dont on devient dépendant dès la première utilisation? Si oui, dans un marché légal, un consommateur ne pourrait-il pas être encouragé à essayer des drogues dures desquelles il deviendrait tout de suite accro?

R: La dépendance spontanée, ça n’existe pas. Il y a des drogues plus pharmacodépendantes et il y a des modes de consommation qui le sont également davantage. Par exemple, si vous vous injectez de la caféine et que vous buvez une tasse de café, l’injection de caféine a une plus forte pharmacodépendance, c’est-à-dire que votre corps risque de redemander le produit, contrairement à la tasse de café.

Q: Même chose pour les drogues dures?

R: Il n’y a pas de drogues douces et de drogues dures. Il y a des usages durs et d’autres qui sont doux, comme l’injection par rapport à la tisane. La dépendance physique, c’est la partie spectaculaire, mais pas très importante de la dépendance. La cocaïne ne crée pas de dépendance physique, mais souvent des dépendances psychologiques. Par exemple, celui qui est dépendant au jeu n’a pas de dépendance physique, tout comme celui qui est dépendant de l’amour. Mais la dépendance n’en est pas moindre. En fait, le plus difficile à traiter est le deuil de la dépendance psychologique.

Q: Légaliser les drogues n’encouragerait-il pas les jeunes à consommer en plus bas âge?

R: Un marché noir sollicite beaucoup plus les jeunes qu’un marché légal. Dans un marché noir, il y a de petits vendeurs qui sont habitués à des revenus de la vente, puis qui sollicitent les jeunes pour maintenir ces revenus et trouver de nouveaux clients. Dans un marché légal, il y a des limitations d’âge qui peuvent être faites.

Q: Pouvez-vous donner l’exemple d’un pays où les drogues sont légales comme vous souhaiteriez que ce le soit au Canada?

R: Il n’y a aucun pays où les drogues sont légales. On pense souvent que c’est le cas aux Pays-Bas, mais leur politique consiste à tolérer certains modes d’approvisionnement, par exemple dans ce qu’on appelle les “coffee shops”, pour empêcher les consommateurs de se diriger vers un marché noir et de fréquenter des personnes qui offriraient toutes sortes d’autres produits. Pour renforcer la prévention, également. La stratégie fonctionne, puisque moins de cannabis est consommé aux Pays-Bas qu’aux États-Unis par personne.

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12 Commentaires

Classé dans Actualité, Raymond Viger

12 réponses à “Entrevue avec la criminologue Line Beauchesne : bémols à la légalisation des drogues

  1. Intéressante interview Charles. Intéressante analogie avec l’alcool et j’imagine qu’il demeurera un marché noir pour les mineurs qui verront la vente légale de drogue interdite.

    Promotion de la santé ca passe aussi par une information aupres des jeunes sur les effets néfastes de la drogue à +/- long terme.

    Je me souviens qu’au lycée a Paris, en classe de Terminale, un camarade m’a proposé un petit sac de poudre blanche. Je l’ai regardé incrédule. J’ai d’abord cru à une blague avec un paquet de sucre mais il était sérieux. Je l’ai remercié et par la suite j’ai appris qu’il a été suspendu quelques jours du lycée. Voilà mon unique contact avec la cocaine. J’ai connu deux trois copains qui consommaient du canabis. Jamais attiré ni par la drogue ni par le tabac et ni la biere. Je prefere investir ailleurs mon argent pour les loisirs comme le cinéma ou le matériel PC.

  2. Oui. Vous faites une pétition, je la signe. Mais le vrai mal est la dépendance du système politique envers l’argent du trafic de drogue, une simple facette de la corruption et de l’extorsion qui mènent le système. Ca ne se fera pas sans que quelques têtes soient coupées… Et il n’y a pas de coupeurs de têtes au Québec.

    144. La brèche

    145. La drogue sous contrôle

    Pierre JC Allard

  3. Rémi

    Personnellement, je préfèrerai qu’on décriminalise la drogue, plutôt que la légaliser.

  4. Simon Lefebvre

    Si le pot était légalisé et vendu par le gouvernement, vous pouvez être sûrs qu’ils y mettraient toutes sortes de produits chimiques, voire toxiques, afin de nous rendre plus dépendants et de nous tuer à petit feu, tout comme avec l’alcool et le tabac.

    De plus, il est faux de penser qu’un marché légal mettrait un terme au marché illégal, du aux mineurs bien entendu, mais aussi question de préférences (qualité, diversité, prix, etc…)

    Je suis tout-à-fait contre la légalisation ou même la décriminalisation des drogues dures (acide, buvard, héroine, opium, mais surtout le crack, le crystal meth, la cocaine et toutes les « pilous » comme le speed et l’ecstasy)

    Quiconque est pour la légalisation de ces substances devrait, selon moi, avoir quasiment honte de tenir de tels propos. Quand on pense à ce que de telles drogues causent comme effets sur le corps humain…

    Sinon, pour l’article, :

     » (…) Il n’y a pas de drogues douces et de drogues dures. (…)  »

    Cette phrase, à elle seule, discrédite beaucoup la dame en question face aux drogues en général, vous ne trouvez pas?

  5. @Simon Lefebvre
    Si le gouvernement nous tue a petit feu ils n’auront plus assez de contribuables pour payer leur salaire et tous les avantages financiers légals ou illégals. CQFD 😉

    > Il n’y a pas de drogues douces et de drogues dures.

    Elle a ajouté :
    > Il y a des usages durs et d’autres qui sont doux, comme l’injection par rapport à la tisane.

    ou le dosage et avant

    > Je ne veux pas légaliser toutes les drogues accessibles sur le marché noir! De toute façon, des drogues comme le crack, personne n’en voudrait une fois les autres drogues légalisées.

    Ne commençons pas avec la honte ou le courage pour réfléchir sur un probleme de société qui même s’il est marginal nous montre le mal vivre d’une partie de nos concitoyens. Etes vous satisfait de la situation actuel ? Je pense qu’un essai merite d’être essayer quitte a faire marche arrière si ce n’est pas bénéfique pour notre société.

  6. Gébé Tremblay

    Débat bien futile. L’industrie de la drogue illégale c’est un business mondial qui est dans les mains de l’oligarchie et des banques privées qui en ont besoin pour blanchir des fortunes colossales.

    Un premier ministre québécois qui serait assé idiot pour déclarer la légalité des drogues ne vivrait pas longtemps.

    Qu’est-ce qu’on fait en Afghanistan vous pensez ?

    La CIA afrête des avions cargos de l’armée pour aller queillir des tonnes de cocaïne en Colombie pour la distribution aux USA. Les bateaux arrêtés dans les eaux par la garde côtière ne sont que des petits compétiteurs dont ils contrôlent la taille tout en maintenant l’illusion de « la guerre à la drogue ».

    Les pays n’ont plus beaucoup de souvraineté dans cette mondialisation carrément criminelle.

  7. Simon Lefebvre

    @ Paul

    Je faisais référence aux illuminati et à leur plan de dépopulation mondiale.

    En gros: ils veulent que nous soyons du bétail pucé (microchip sous-cutanée) et que la population mondiale soit de 500 000 000 personnes.

    Alors les poisons sont au rendez-vous à tous les moments de la journée du citoyen « ordinaire », afin de l’empoisonner et de le tuer à petit feu…

    Fluor dans la pâte à dents.
    Aluminium dans le désodorisant.
    Chlore (partout) et fluor (villes) dans l’eau.
    Toxines, antibiotiques, hormones de croissance, peur, etc… dans la viande, les oeufs et les produits laitiers.
    Sucre blanc et aspartame omni-présents partout dans l’alimentation.
    Tabac, alcool et drogues dures distribuées au grand public.
    Chemtrails (produits chimiques, baryum et virus) répandus dans le ciel par avions.
    Mercure, aluminium et autres poisons dans les vaccins.
    Mercure dans les plombages.
    Fluor dans les poêles anti-adhésives.
    Fluor et autres agents débilitants dans la plupart des aliments.
    Irradiation des fruits et des légumes.

    Je crois en avoir oublier…

    Sinon pour la question des drogues dures…

    Parce que vous trouvez qu’il existe une utilisation appropriée de la cocaine, vous? En avez-vous seulement déjà consommé avant de vous prononcer sur le sujet?

    La cocaine, ainsi que toutes les drogues dures, sont très dangereuses, et il n’existe pas de foutaises telles « usage doux de drogues dures ». C’est ridicule.

    De plus, je me suis informé sur Mme. Line Beauchesne sur le site de L’Université d’Ottawa (http://www.sciencessociales.uottawa.ca/crm/fra/profdetails.asp?id=9) et il ça saute aux yeux qu’elle est pro-drogues à fond la fille…

    Qui sait? Peut-être que Mme. Beauchesne est elle-même une consommatrice « à l’usage doux » de drogues dures, genre une petite ligne ici et là…

    Ben quoi! C’est doux! Elle se pique pas au moins!

    Non mais franchement c’est quoi ces conneries?

  8. Simon Lefebvre

    Gébé: d’accord à 100% avec tes propos.

  9. @Simon
    C’est la dose qui fait le poison.

    > Qui sait? Peut-être que Mme. Beauchesne est elle-même une consommatrice

    😆

  10. Bonjour M. Tremblay.

    En ce qui concerne l’Afghanistan, voici une solution très acceptable et plausible: http://raymondviger.wordpress.com/2008/01/23/afghanistan-faites-fleurir-le-pavot-pas-la-guerre/

  11. Moi aussi. Dès que le gouvernement s’en mêle, tout part tout croche et prend le champs. Décriminaliser et apporter un soutient aux dépendants ainsi qu’un véritable programme d’information et d’éducation pour vraiment informer les gens au lieu de les prendre pour des enfants et décider pour eux.

    Sinon, ils finissent toujours par tourner ça en vache à lait pour le gouvernement.

  12. Kevin Dupéré

    Ayant été étudiant de cette incroyable professeure, je dois dire que je suis à 100% avec tous ces propos! L’éducation en la matière est clé.

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