Archives quotidiennes : 8 septembre 2008

Stephen Harper et l’alchimie populaire

« Tu vois, Toto, quand tu t’y mets, tu n’es pas si bête…. ». Pas facile, l’éducation des enfants. Surdoués comme Pierre, espiègles comme Jean ou type fort-en-thème, comme Paul, ils ont en commun de ne jamais écouter ce qu’on leur dit. « Je sais, je sais… » – comme le chantait Jean Gabin –  mais ils ne savent pas et ils font des bêtises. Ils suivent les mauvais conseils des grands voisins qui jouent avec des allumettes dans les carrés de sable et qui se tripotent la richesse virtuelle dans les ruelles du FMI. Ils se fichent comme d’une guigne de nous, leurs parents, qui leur payons la bouffe et la piaule.

À moins qu’on leur mette une baffe. Avec des baffes, tout devient plus facile. Ainsi, avec Paul Martin, les Canadiens, qui essayaient depuis des lustres de convaincre leurs gouvernements successifs de faire un petit quelque chose pour les vieux, un petit quelque chose pour les enfants et de s’occuper du monde ordinaire ont finalement eu gain de cause avec le dernier budget de feu le gouvernement libéral minoritaire.

Oh, on était encore loin du prix d’excellence, mais on voyait des « gestes » dans la bonne direction. On voyait le Chef ouvrant les bras nous dire qu’il nous avait compris. Ce qui était une heureuse surprise, de la part d’un parti dont l’arrogance historique est proverbiale et qui ne sortait pas du bureau du préfet de discipline pour y avoir reçu des louanges, mais pour avoir dû s’expliquer sur cette menue monnaie du tronc des commandites qui s’était retrouvée dans ses poches.

En mettant le gouvernement libéral en minorité, on l’avait forcé à écouter. Toto avait compris quelque chose … et on avait eu quelques mois de bon gouvernement. Quand on a su comment – on ne saura jamais combien –  Toto avait pris dans la caisse, on a dû lui demander de partir, mais nous les citoyens avions aussi appris quelque chose : quand on est prêt à donner une baffe et qu’on laisse la porte entrouverte, tout devient plus facile.

Quand on a laissé les clefs de la maison à Stephen, ce fut donc en le menaçant lui aussi de le mettre carrément à la porte à la première incartade ; on s’est  ainsi assuré qu’il se conduirait correctement jusqu’à ce qu’on ait levé la menace.  Alors, hop, les Québécois sont une nation et bienvenue à l’Unesco !  Et hop, on va régler le déséquilibre fiscal ! Nous sommes une grande et belle famille, on ne se  brouillera pas pour des questions de gros sous, n’est-ce pas ?

Allez hop, on règle cette affaire de bois d’œuvre. Sur quoi les Américains ont pu mettre la main sous la table n’est pas clair, mais qu’ils ne l’aient pas fait ouvertement et en rigolant est déjà une victoire pour la vertu du Canada. Allez hop, ça bouge ! C’est un espoir. C’est important, l’espoir. Stephen est encore plus téméraire que Toto, avec les allumettes, mais on peut le surveiller.  Et entre lui et l’alternative Stéphane, comme on dit entre jockeys, il y a vraiment pas photo…  Stéphane, c’est celui qui veut vérifier nos additions référendaires, qui se moque de nous avec ses copains… et qui pourrait oublier d’éteindre la cuisinière ou de fermer les robinets.

Alors, on doit bien laisser les clefs à Stephen, mais comment s’assurer qu’il restera poli, qu’il ne reprendra pas une vie d’adolescent mal élevé, que les choses ne  redeviendront comme avant et que nous n’aurons pas un autre Toto sur les bras ?  Sur la foi d’un taux de satisfaction en hausse et des sondages qui le donnent gagnant, Stephen Harper déclenche des élections. Il va vouloir s’émanciper. Comment lui dire que jusqu’ici ça va, mais que la porte est toujours là ? Comment lui serrer un peu le bras, sans qu’il se mette à pleurer, mais assez fort pour qu’il continue de faire ses devoirs ?

Comment ? En disant abracadabra et en faisant le rituel magique… Il n’est pas nécessaire de voter Vert, pour dire au Bloc qu’on est insatisfait du PQ, laisser les Libéraux finir leur temps au bagne et tenir la dragée haute aux Conservateurs. Pour évoquer un bon gouvernement et le garder dans son pentacle, nous n’avons pas besoin de nous poser de questions sur le vote stratégique, on pourrait se gourer dasn les calculs..   Nous n’avons qu’à faire confiance à l’alchimie…

Tout était plus simple au temps de l’alchimie, avant que les savants nous disent pourquoi les choses fonctionnent. Une pincée de ceci, une graine de ça.. et BOOM !  C’est comme ça qu’on a trouvé la poudre à canon, sans même se poser de questions. En règlant le cas de Toto, nous, citoyens électeurs, avons trouvé par chance  le rituel magique qui fait apparaître un bon gouvernement… Est-il vraiment nécessaire de toujours savoir le comment des choses ?

Si chacun, à ces élections qui nous arrivent, remet, qui la même pincée de ceci, qui la même graine de ça, nous aurons un résultat identique.  Autant de rouge, autant de bleu, autant d’épices …   Ne serait-il merveilleux que tous les électeurs canadiens se transforment en alchimistes et que, sans chercher à comprendre, sans prêter la moindre attention à l’insipide tissu de mensonges que leur serviront les partis traditionnels, ils votent tous EXACTEMENT comme ils ont voté la dernière fois ?

Nous reporterions alors au pouvoir un gouvernement minoritaire et l’on pourrait être sûr que, Stephen, comme avant lui Toto, essayerait chaque jour de nous faire plaisir : nous aurions encore un bon gouvernement. Et, soit dit en passant, « alchimie » fait un peu vieillot, mais reproduire une expérience réussie, c’est ça, le commencement de la vraie science. Quand le monde ordinaire s’y met, peut-être qu’il n’est pas si bête…

Pierre JC Allard

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