Homosexualité masculine et capitalisme

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La Fierté Gaie est de retour sur Montréal. Une occasion nacrée de la regarder bien droit dans ce crucial angle sociohistorique qu’on esquive ou escamote trop souvent en ce qui la concerne. Suivez bien le mouvement. Par rapport à la féodalité, le capitalisme est libérateur. Il fait éclater les vieux rapports de vassalité, de métayage, de servage et leur substitue un rapport commerçant. L’esclavage disparaît avec l’ancien mode de production agricole (il laisse une trace idéologique que le capitalisme recycle: le racisme), la division sexuelle du travail s’effiloche graduellement (elle laisse une trace idéologique que le capitalisme recycle: le sexisme) et, avec elle, les vieux schémas phallocratiques et paternalistes basculent dans l’archaïsme. Les anciens esclaves, les femmes (dans certaines portions du monde même les enfants) sont désormais salariés. Tout est nivelé.

Les représentations idéologiques de nature féodale ne sont pas intégralement évacuées. De fait, comme la fumée après un grand incendie, l’idéologie traîne longtemps dans l’espace après l’extinction des conditions objectives de son engendrement. On peut même dire que la culture intime d’un groupe reste marquée par la phase historique de sa grandeur et que son idéologie en reste inévitablement teintée. La période dorée laisse de la poussière d’or qui colle à la surface des idées nouvelles. L’hétérosexualité masculine connut son âge d’or sous la féodalité. L’homme homosexuel en ce temps était marginalisé, tyrannisé, éradiqué, rejeté, nié. L’homme hétérosexuel fleurissait dans la soumission de sa femme, de ses serfs et du clocher du village à sa loi et à son ordre. Encore aujourd’hui, l’homme hétérosexuel cardinal est celui qui se comporte en gentleman, ce qui implique un gestus, un ensemble de pratiques ordinaire, un ton, un style (singé ou surfait, naturel ou exagéré) directement hérité des temps féodaux et jouant toujours un rôle non négligeable dans la dynamique de séduction hétérosexuelle. L’amour courtois et ses photocopies contemporaines sont un culminement hétéro…

Dans le torrent de tout ce qu’il libère, le capitalisme libère aussi l’homosexualité masculine. Tous les verrous de l’armure de masculinité du hobereau féodal sautent les uns après les autres et l’admiration, ouverte ou secrète, qu’il ressentait pour son propre groupe, l’intimité virile qu’il entretenait au sein de sa propre culture intime peut graduellement sortir de l’enclos circonscrit de la stricte camaraderie des cercles masculins et se débrider. Sur les quelques siècles qui nous voient passer du capitalisme industriel au capitalisme tertiarisé, commerçant, transnational, mondialiste et technologique de notre temps, l’homosexualité passe de la culture de résistance d’un Oscar Wilde et d’un John Keynes à la culture de masse des parades de la fierté gay et du mariage homosexuel.

L’hétérosexualité fut un phénomène de masse sous la féodalité. L’homosexualité devient un phénomène de masse sous le capitalisme. Cette médaille a évidemment son revers. La culture homosexuelle masculine sera donc, face à l’Histoire, une culture profondément et intrinsèquement marchande. Elle sera marquée aux coins de l’individualisme, du narcissisme, de la publicité, de la promotion de soi, de la compétition à outrance, de la mise en marché, de la surconsommation, du gaspillage, du cynisme insensible. Elle sera les USA du sexage, en quelques sortes. L’homme hétérosexuel s’engageait avec une femme et la trahissait crucialement en la trompant, car tout dans ses rapports de sexage procédait du lien voulu éternel s’établissant entre l’homme d’armes constant et la stabilité de la terre et du sain lignage du troupeau. L’homme homosexuel qui change de partenaires fait tout simplement rouler la marchandise. Il sélectionne un nouvel objet de plaisir, en évalue l’âge, le poids, l’attitude, la posture, le volume de la bite, les aptitudes de performance puis le consomme et jette après usage…

Notons, et c’est très important, que, même après la chute de la féodalité, la sexualité hétérosexuelle continue de fleurir et entre même dans une vaste dynamique de désaliénation qui la mène vers le droit au divorce, le caractère facultatif du mariage, une plus forte égalité dans le couple, un déclin de la soumission servile des enfants etc. (toutes ces caractéristiques sont des manifestations de la déféodalisation de la culture hétérosexuelle). L’hétérosexualité contemporaine vit sa phase post-impériale, post-hégémonique. Elle prend graduellement sa vraie place, plus modeste, non dominante, non exclusive, un peu comme la France après le Grand Siècle ou l’Angleterre après Victoria. C’est l’homosexualité maintenant qui vit les grandeurs et les affres de sa phase hégémonique. Aussi, il faut voir clairement ce qui se passe et le dire. Une bonne partie de la crise promiscuitaire, des jalousies haineuses et du cynisme insensible de l’homme homosexuel ne sont en rien des traits inhérents de l’homosexualité (comme cherchent à le faire croire maints réactionnaires mal avisés). Ce sont plutôt là des traits conjoncturels du capitalisme, contexte social d’émergence de l’homosexualité masculine comme culture de masse.

Que vive et fleurisse l’homosexualité (masculine et féminine). Et surtout, vivement qu’elle se libère du mode de production marchand qui la distord, restreint sa portée, rapetisse son universalité, enfreint son épanouissement légitime et l’expose aux jugements discriminatoires et aux descriptions superficielles de ses détracteurs d’arrière-garde.

4 Commentaires

Classé dans Actualité, Paul Laurendeau

4 réponses à “Homosexualité masculine et capitalisme

  1. Il n’y a absolument rien d’erroné dans tout cet article. L’évolution de l’hétérosexualité vers l’homosexualité décrite ici n’est pas une hypothèse ou une vue de l’esprit; c’est un fait établi dans notre société. Que l’on puisse considérer cette évolution comme étant une « libération », est tout aussi vrai. L’importance du parallélisme entre féodalité/hétérosexualité et capitalisme/ homosexualité est également un état de fait.

    Nous sommes donc devant une situation antérieure différente de la situation actuelle. Reste à savoir si ces deux situations tellement différentes, évolutives l’une de l’autre, sont justifiées, normales et naturelles.La réponse est assez facile à établir au moyen du raisonnement objectif. Il suffit de déterminer si la structure sociale, car c’est là de quoi on parle, basée sur la féodalité et celle sur le capitalisme sont des structures justifiables, normales et naturelles.

    Elles me semblent, toutes deux, des structures sociales plutôt « déficientes » pour l’individu. Je devrai y mettre un temps plus important de réflexion. Par contre, les faits sont les faits. De plus, il n’y a aucun doute que ces situations passée et actuelle, sont justifiés toutes les deux; mais je pense que cette justification est la « déficience » des deux structures sociales mutuelles.

    J’ajouterais que de pouvoir placer l’hétérosexualité et l’homosexualité sur un « état social » au lieu d’un « état individuel » est un signe important de la « déficience » dont je parlais.

    Amicalement

    André Lefebvre

  2. Je ne suis pas motivé ici par une problématique de la « justification », l’analyse étant strictement descriptive. Inutile de dire que des modes de production moins aliénants nous attendent dans l’avenir…

  3. J-F B-B

    Je répète mon commentaire à ce texte du Carnet et je rejoins celui d’André Lefebvre : déficience.

    5.Jean-François Belliard a dit
    31 Octobre 2010 à 11:14
    Je vous cite dans votre texte sur la beauté féminine:

    20.ysengrimus a dit
    9 août 2008 à 7:10

    “Là où Spinoza et Marx le mettent. Le “libre-arbitre”, c’est simplement l’illusoire ignorance de déterminations historiques qui, si elles échappent à notre attention immédiate parce que trop vastes et trop profondes, s’imposent malgré tout implacablement à notre existence sociale.”

    Racicot, Gilles, L’Homosexualité, thérapie… Nouveau Module,1992: Je synthétise:

    “L’homosexualité n’existe pas. Il s’agit d’un programme de non reproduction attirant l’individu non désiré vers son semblable.”

    Je vous recite à partir du texte ci-haut:

    “Une omniprésente inégalité, unique et constitutive, se maintient, en éliminant toutes les autres: celle de la quantité d’argent détenue et obtenue.”

    Je suggère que ceci est l’expression, de tout temps, de l’homosexualité telle que définie par Racicot.

  4. Je passe , j’ai déjà expliqué à Louise André Saulnier , Soeur Marie-Paule Ross et au Docteur Mailloux et aussi à tous les Français et la Vieille Europe.

    Je leur expliquait , qu’un pénis ,  »cela peut » , mais n’est pas principalement et logiquement constitué pour cela.
    Jean-Mrie De Serre.

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