Archives quotidiennes : 8 juillet 2011

L’affaire Turcotte: Le crime parfait?

 

 

D’entrée de jeu, je vous avoue que je n’ai pas suivi ce procès de très près. Je n’aime pas ce genre de voyeurisme sordide qui accompagne ce genre de cirque, qui pour moi, tire franchement trop près du coeur. Ma fille est du même âge que l’était Anne-Sophie. La couverture du procès évoquait pour moi des visions trop cauchemardesques. Je suis incapable d’imaginer comment un père pourrait poser un geste aussi ignoble envers ses propres enfants. Je crois que c’est au-delà de la compréhension de la plupart des gens d’ailleurs. Je peux donc parfaitement comprendre le sentiment de révolte qu’a évoqué le verdict. et dans une certaine mesure, je le partage.

Pour moi, il ne suffit pas d’expliquer pourquoi ce verdict est parfaitement plausible du point de vue légal (Merci Renart pour la référence à ce texte éclairant). Ce genre d’explication aidera sûrement les jurés à mieux dormir, mais il n’arrivera pas à convaincre que la justice a été servie. En réalité, il ne sert qu’à démontrer que le Dr. Turcotte a réussi à convaincre les jurés de sa « folie temporaire », mais de nombreux doutes subsistent encore dans mon esprit.

On a décrit Guy Turcotte comme ayant une personnalité narcissique. J’ai déjà eu plus que ma part de démêlées avec plusieurs personnes ayant ce trouble de personnalité, assez pour avoir beaucoup lu sur ce sujet. J’ai trouvé le livre « Les manipulateurs sont parmi nous » de Isabelle Nazare-Aga particulièrement éclairant. Je ne pourrais prétendre avoir l’expertise pour analyser la personnalité de Guy Turcotte, mais dans mon expérience personnelle, il arrive fréquemment aux personnes narcissiques de mal réagir aux ruptures qu’ils considèrent comme un affront personnel. Il leur arrive également de se servir des enfants pour atteindre et manipuler leur ex-conjoint(e). Règle générale, il s’agit de violence psychologique et verbale, chantage et aliénation parentale, mais la violence physique est également possible. Je ne connais pas Guy Turcotte. Il m’est impossible de savoir s’il est vraiment capable de tuer froidement pour se venger d’une rupture, mais ce n’est pas impossible.

Les lettres que Guy Turcotte à envoyé à sa conjointe, cinq mois après le drame, sont un peu révélatrices de son caractère. Si le Dr. Turcotte avait vraiment « perdu les pédales » au point de ne pas être capable d’apprécier la nature et la qualité de ses actes, on devrait normalement s’attendre à ce qu’il soit rongé par les remords après l’acte. Si c’est le cas, les extraits de ces lettres n’en montrent aucun signe. Si c’était moi, il me semble que je serais hanté par les cauchemards, revoyant sans cesse mon fils me supplier d’arrêter pendant que je le poignarde et avoir leurs cris résonnant dans ma tête. Le ton des lettres du Dr. Turcotte, si peu longtemps après le drame, me donne froid dans le dos. Pourtant, ces lettres ont été exclues du procès.

Supposons pour un instant que le bon docteur ait prémédité ses actes. Supposons que non seulement il avait résolu de tuer ses enfants dans le but de se venger de sa conjointe, mais qu’il avait aussi planifié sa défense. Guy Turcotte est une homme intelligent et il est parfaitement capable d’assimiler les informations médicales nécessaires pour simuler une folie temporaire et ainsi confondre les experts. Ayant convaincu les experts, convaincre le jury serait un jeu d’enfant. Les narcissiques sont des menteurs chevronnés et jouent très bien la comédie. La méthode même du meurtre pourrait avoir été choisie pour donner l’apparence d’un accès de rage meurtrière. Qui pourrait croire qu’un homme sain d’esprit tuerait ses enfants de façon aussi violente, alors qu’en tant que médecin, il aurait certainement pu leur donner une mort beaucoup plus douce? Le Dr. Turcotte aurait-il pu déjouer les experts et les jurés de cette façon? Nous ne le saurons probablement jamais, mais si c’etait le cas, ce serait le crime parfait n’est-ce pas?

Sommes-nous trop prompts à déresponsabiliser les individus? Accordons-nous, par hasard, plus d’empathie envers un meurtrier qu’envers ses victimes? Franchement, je ne sais pas. Notre système est fondé sur la prémisse qu’il est préférable de laisser un coupable partir que de condamner un innocent. Cependant, il y a des fois que je ne peux m’empêcher de penser que le système en laisse passer un peu trop.

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Classé dans Actualité, Philippe David