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En ligne droite

 

Ce qui va suivre est un exemple flagrant de biais que la droite économique extrémiste peut nous servir. Parfois, c’est plus difficile à débusquer, mais là c’est tellement gros qu’il n’y a que les gens profondément pris dans ces préceptes idéologiques pour s’y laisser prendre.

En gros, l’Antagoniste nous sert un discours comme quoi l’égalitarisme que prônent les gauchistes est idiot et surtout fautif, puisque l’indice qui le mesure (GINI) donne des résultats plus égalitaires pour des pays pauvres comme l’Éthiopie, la Tanzanie, le Bénin et la Guinée que les États-Unis. La question qu’il soulève pour appuyer son point est :

 

Si je vous donnais la possibilité de vivre dans l’un des 5 pays […], quel serait votre choix ?

 

Ce qui est évident, c’est que le choix des pays à comparer avec les États-Unis est comme un chemin pour accompagner la pensée vers où on veut qu’elle aille. On pose une question et on donne carrément la réponse. Pourtant, un tout autre choix de pays dans la liste donnerait un questionnement beaucoup moins évident. Et comparer avec des comparables, ce n’est pas un luxe, c’est de l’honnêteté intellectuelle.

Dans la liste des pays riches plus égalitaires que les États-Unis (avec une cote GINI de 0,408 — 0 étant le plus égalitaire, 1 le moins égalitaire), il y a entre autres le Japon (0,249), l’Allemagne (0,283), la France (0,289), le Canada (0,331), la Suisse (0,331), l’Australie (0,352) et l’Angleterre (0,360). Mais, bien sûr, le propagandiste n’aurait pas choisi un de ces exemples puisque ça bifurque trop du chemin qu’il veut nous faire emprunter.

Parenthèse : je dois être profondément gauchiste puisqu’à choisir entre les États-Unis et le Japon pour émigrer, je choisirais sans nul doute le Japon, même en ne sachant pas leurs cotes GINI respectives…

Voilà pour la démonstration.

Pour ce qui est de l’égalitarisme, pour ma part, j’ai conscience que c’est bien utopique dans sa forme pure. Je ne crois pas possible ni souhaitable qu’un pays atteigne le chiffre magique de 0. Mais pousser ouvertement pour plus d’inégalités, non merci!

En tout cas, ce billet-là, c’est ce qu’on appelle se tirer dans le pied. Une chance que la contribution de la droite à la blogosphère ne se résume pas à ça. J’ai même l’impression que c’est un attrape-nigaud, que c’est voulu comme ça pour attirer les demeurés, les influençables, genre ceux qui se targuent pourtant très sérieusement d’être des libres-penseurs…

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Stéphane Gendron : futur roi de l’ADQ?

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À y regarder de plus près, à mon avis, le projet de Stéphane Gendron de briguer la direction de l’ADQ ne semble pas si loufoque, cela en considérant que le précédent chef s’est lui-même projeté dans un projet de pipolariser la figure traditionnelle du politicien sur son trône élitiste. Et qui dit peuple, dit ville, alors quoi de mieux qu’un ancien maire pour donner l’impression qu’un chef de parti (ou hypothétiquement un chef de gouvernement) peut venir souper chez soi!

Je vais essayer de regarder le phénomène sans mettre devant moi le voile gauchiste qui, en passant, m’apparaît de moins en moins confortable (pour ce qui est de celui de la droite, je le trouve trop criard…). Stéphane Gendron « dit avoir réfléchi à des pistes de réforme pour l’ADQ, dont à une rupture nette avec les obsessions identitaires », et rien ne me fait lever les cheveux sur la tête, quand je les regarde une à une. Justement, pour ce qui est de cette « obsession identitaire », moi aussi je crois qu’« être Québécois est une notion géographique », mais je rajouterais « premièrement » entre « québécois » et « est », parce qu’être côte à côte dans un territoire provoque des dommages collatéraux que l’on nomme communément « culture »… et que cette culture a un véhicule linguistique dont il faut tenir compte.

Je crois donc que le débat québécois se déroulerait beaucoup mieux en lui coupant le boulet identitaire, propice à la xénophobie, aux positions extrêmes. Donc, je vois dans cette position de Gendron une lueur encourageante, mais pas autant que son « idéal d’une société laïque, où il n’y aurait aucun accommodement raisonnable dans la gestion de l’État. »

Pour ce qui est de l’« abolition des commissions scolaires », je n’ai vraiment jamais compris le but de tout ça, surtout si cela repose seulement sur l’idée de couper dans les dépenses. Je n’arrive pas à croire que tous les gens qui travaillent dans ces commissions scolaires ne font absolument rien d’utile, qu’ils sont payés à tourner à vide.

Et son idée de ramener le « vouvoiement obligatoire dans les écoles » ne me semble pas si mal, mais le problème c’est que le vouvoiement ne semble plus vouloir rien dire à partir de la génération Y…

Encore, il poursuivrait avec cette fixation de limiter à « deux années les prestations d’aide sociale pour les personnes aptes au travail ». Le pire, c’est que je serais d’accord avec cette idée si notre société était tout autre, s’il y avait le plein emploi, etc. En plus, quoi de plus arbitraire que de proposer le chiffre magique de deux ans! Si quelqu’un ne s’est pas retrouvé sur le marché du travail après deux ans, permettez-moi de douter qu’il réussisse un jour… À part quelques exceptions, être sur l’aide sociale n’est surtout pas un cadeau, il faut être mal en point. Au lien de pointer le temps, il faudrait miser sur la réhabilitation globale de ces gens qui sont dans une période creuse.

Pour ce qui est de ramener la semaine de travail à 40 heures, je suis tout à fait contre. L’économie devrait s’ajuster à la vie des citoyens et non le contraire, surtout qu’on nous promet depuis quelque part au début du siècle dernier la société des loisirs, il serait temps qu’on lui voie le bout du nez! Il y a des ordinateurs, des machines, des robots, il serait temps que ça paraisse!

Autre sujet, je suis d’accord avec son idée d’abolir « les libérations conditionnelles dans les prisons ». Tant que la société n’aura pas assez évoluer pour que la Justice soit caduque, il y aura des prisons et des détenus pour y compléter leurs peines, point à la ligne. Si les prisons coûtent trop cher, investissons dans la prévention pour qu’il y ait moins de crimes et donc moins de prisonniers.

À la question de demander « au gouvernement du Canada d’abroger la Loi sur les Indiens et de transformer les réserves en municipalités sous juridiction provinciale », je me sens ambivalent. D’un côté, je crois que les réserves sont seulement des ghettos, et je ne vois rien de bon dans l’idée de ghetto. De l’autre, je comprends qu’historiquement les blancs sont redevables de la situation dans laquelle se retrouvent ces peuples, mais il serait peut-être temps de sortir de cette dynamique revancharde. Moi, aujourd’hui, j’ai des ancêtres blancs et, je suis certain, des ancêtres amérindiens, alors comment culpabiliser seulement une partie de moi?

J’ai lu quelque part que Stéphane Gendron aime le pouvoir, mais il ne doit pas l’aimer à un point absolu puisqu’il « imposerait des élections à date fixe » et il proposerait que les « élus provinciaux et municipaux seraient (sic) limités à deux mandats de quatre ans ». Mais bon, il aurait bien le temps de changer d’idée, rendu sur son trône…

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Uppercut de la gauche vers la droite : un peu de philosophie politique

Même s’il semble presque inutile pour certains, et surtout redondant, le débat concernant les concepts de la gauche et la droite restera toujours d’actualité à mon avis, comme en fait foi le dernier texte de Jimmy St-Gelais publié ici et qui a donné lieu à de bonnes discussions. Alors, j’aimerais ajouter une brique à ce mur puisque j’ai mes idées philosophiques sur le sujet, et ma découverte d’un test sur la position politique (political compass), qui inclut les positions de fascisme et d’anarchisme avec l’ajout d’un axe de haut en bas, est venue me replonger dans ces réflexions. (Mon résultat à ce test est ici.)

Concernant mes idées sur le spectre gauche-droite, je pressentais que la différence entre ces deux pôles pouvait s’expliquer par la logique sans toutefois pouvoir mettre le doigt dessus. Par un heureux hasard, la lecture d’un livre sur les grands philosophes m’ a donné la réponse. Le passage concernant le philosophe John Rawls (1921-2002) m’a beaucoup éclairé, lui qui s’est penché sur ces questions dans son ouvrage Théorie de la Justice, publié en 1971. La citation qui suit vient du livre sur les grands philosophes, non de son ouvrage :

La réflexion de Rawls sur la justice repose sur deux principes : un principe d’égalité concernant les libertés élémentaires; un principe de différence, admettant les inégalités sociales et économiques. Sur ce dernier point, il considérait que ces inégalités ne devraient être permises que pour profiter aux plus démunis; et qu’elles devraient être liées a l’égalité des chances. L’équité de ces principes, soutenait Rawls, tient à ce qu’on les choisirait même si nous nous trouvions dans une « situation d’originelle ignorance » : si nous devions choisir le genre de société dans laquelle nous voudrions vivre, mais sans savoir quelle place nous y occuperions — étant ignorant de notre sexe, de notre appartenance sociale, de notre système de valeur, de nos talents et du reste —, nous opterions pour une société où règne un maximum d’équité. Donc, nous admettrions les deux principes de Rawls.

Alors, après avoir examiné ce point de vue philosophique assez tranchant, il est difficile de ne pas s’avouer vaincu devant l’éloquence et, je pourrais dire, la transcendance du propos. Quiconque nierait cette logique serait louche puisqu’elle place les contextes (qui influenceraient normalement le point de vue) hors du champ analytique primaire, ce qui place obligatoirement toute la discussion au niveau d’où se situerait le « maximum d’équité » : sans que l’équité ne puisse devenir de l’iniquité à force d’argumentation… Mais je comprends qu’un exercice éthique de la sorte est difficile, étant donné que l’humain a la fâcheuse tendance à construire le monde selon la couleur et la transparence de sa bulle, mais il est essentiel à mon avis.

Ainsi donc, il semblerait bien que la différence entre les gens de droite et de gauche réside dans leur capacité ou non à intérioriser le concept de hasard — qui permet les inégalités dans la société —, de faire abstraction ou non de sa propre situation dans son raisonnement politique, et de sa capacité ou non à faire preuve d’empathie lorsqu’une opinion se forge par rapport à un groupe anonyme. Il serait donc facile de dire que la pensée de droite est illogique, car l’équité est le dernier de ses soucis, semble-t-il…

Cette citation de Mathieu Demers, un fier droitiste, qu’il a laissé en commentaire au texte 11 septembre de Louis, est très représentative d’un faux discours sur l’équité qui prend des airs de formule magique :

Je crois que le néo-libéralisme, c’est la seule vraie façon pour une société de prospérer économiquement. C’est le seul vrai moyen de réduire de beaucoup le taux de pauvreté, en donnant du travail, pas en distribuant de plus grandes prestations d’aide sociale.

Alors pour ceux qui croient, comme Mathieu, que la pensée de droite (ou plus spécifiquement le néo-libéralisme) est noble et qu’elle est la seule pensée qui peut régler les problèmes d’équité, je pourrais simplement dire que ce dogme ne date pas d’hier — ni d’avant hier d’ailleurs… — et qu’il n’a donc pas encore fait ses preuves comme régulateur de l’équité; au contraire, il semble plutôt provoquer des inégalités : mais qui pourrait me donner un exemple de société néo-libérale où une vraie équité existe, où la classe pauvre diminue de plus en plus?

Par contre, nonobstant la critique sur la pauvreté généralisée, nous pouvons affirmer sans hésitation que la société cubaine est plus équitable que la société états-unienne. Personnellement, je crois que la solution idéale ne se trouve pas dans ces deux exemples, et la social-démocratie québécoise est déjà en meilleure position pour l’atteindre, même si elle est fortement critiquée par beaucoup de gens, dont moi…

Donc, devant la présomption hypothétique d’un silence de mort à la question de trouver une société néo-libérale vraiment équitable, je vais revenir au sujet principal, mais en bifurquant vers le test que j’ai relaté au début. Il est très intéressant, car il partage les disparités idéologiques simultanément en quatre grands pôles, en ajoutant aussi les considérations de pouvoirs étatiques ou non dans la société. Par contre, il est clair que les alliances entre les gens de gauches et les gens de droite sont plus naturelles (puisqu’elles se basent sur des valeurs) qu’entre les autoritaristes et les anarchistes (puisque cette distinction se base plus sur les moyens « techniques » de diriger la société, entre le désir d’un état fort et contrôlant ou non).

Pourtant, en examinant les exemples de positionnement des personnalités dans les deux graphiques présentés sur la page About the political compass, il est évident que le gros du partage se situe dans la partie en haut (qui concerne les idéologies les plus étatistes — ou autoritaristes) et qu’il est facile de faire un lien causal entre les inégalités présentes partout et la position néo-libérale (plus à droite dans le graphique) de nos dirigeants occidentaux. Alors, il est clair que ma critique concerne principalement la portion en haut à droite et, comme on peut le voir, ils sont en complète contradiction avec de grands hommes comme Ghandhi, Nelson Mandella et le Dalaï-Lama. On repassera pour le message répétitif que la droite étatiste représente le changement…

Oui, le but de ce texte est surtout de mettre en perspective le déficit philosophique des tenants du néo-libéralisme — qui se regroupent en général sous l’appellation de la droite, puisque la position de droite anarchiste (en bas) repose plus sur l’anti-étatisme et est donc autant en contradiction avec eux que la gauche l’est. Mais je n’ai pas le choix étant donné que, tant dans la prémisse qu’apporte le questionnement logique de Rawls que dans l’ajout de l’analyse qu’apporte le « political compass », l’impression nette qui en ressort est qu’il y a un problème profond avec cette position politique, comme si elle occultait consciemment le fait que nous sommes maintenant dans un monde civilisé, et qu’elle prônerait plutôt une espèce de jungle mécanisée, où les pires instincts de l’homme sont mis de l’avant.

En conséquence, il me semble même que le simple fait de se proclamer de droite est « contre-nature », pas dans le fait d’avoir des idées de droite, puisque moi-même et beaucoup de mes amis gauchistes en ont quelquefois, sur certains sujets, mais plutôt dans le fait de monter aux barricades, affublé de ce constat clair et net sur sa propre position. C’est que la droite, en plus d’attaquer la gauche, attaque la population en général puisqu’elle la rejette d’emblée comme la première unité apte au bonheur et au confort (alors que le petit bonheur des plus démunis, et même la question de la survie de la classe moyenne, seraient quand même assujetti au grand bonheur et à la grande charité du patronat et de l’élite économique, si la théorie pouvait prendre forme dans la réalité de la meilleure manière possible, ce à quoi je doute fortement, étant pessimiste quant à la bonté naturelle des individus…).

Encore, je crois qu’il faut un équilibre entre une vision collective et une bonne dynamique individuelle, ce que la droite néo-libérale ne réussit pas à démontrer, tant dans ce qu’elle vise que ce qu’elle montre. Au contraire, elle fait la promotion d’une vision nihiliste des forces vives de la collectivité et d’une dynamique égocentriste qui encourage la rivalité dans son sens le plus malsain.

Je sais que je ne me ferai pas beaucoup d’amis ici, mais j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de gens qui se considèrent de droite en réaction à une certaine idée qu’ils se font de la gauche (surtout axée sur la gauche étatiste). Alors si, après avoir fait le test et réfléchi objectivement à la réflexion de Rawls, vous vous considérez toujours fièrement droitiste, nous pourrons au moins continuer notre match de boxe intellectuel sur une base encore plus solide. Votre faiblesse éthique en sera encore plus évidente.

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